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Deux semaines plus tôt

Galdino et Salvina étaient dans la cuisine, chez eux, dans leur maison sur la falaise. Salvina préparait à manger et Galdino relisait un ouvrage sur l’enregistrement de documentaire. Ils avaient ouvert une bouteille de vin blanc, du Bianco Scala Fenicia, dont le niveau descendait à toute allure, ils en étaient déjà chacun à leur troisième verre.

Salvina était en train de remuer la sauce tomate dans une casserole quand elle entendit son téléphone vibrer. Elle jeta un coup d'œil par-dessus son épaule : l'appareil était sur l'îlot de cuisine, à une cinquantaine de centimètres du coude de Galdino. Un peu trop loin pour que son mari puisse lire la notification. Salvina le vit lorgner vers l'écran avant de revenir à son livre. Trente secondes plus tard, une nouvelle vibration. Salvina attrapa rapidement son portable.

Elle sentit sur elle le regard de Galdino pendant qu'elle parcourait ses messages.

— C'est qui ? demanda-t-il d'un ton faussement anodin.

Salvina se retourna et fit mine de remuer la sauce. Après une courte pause, elle répondit :

— Fiorella.

La jolie blonde décolorée, au teint halé, l’amie de Salvina.

— Ah ? Qu'est-ce qu'elle veut ?

Nouvelle pause de la part de Salvina.

— Elle hésite à s'inscrire au semi-marathon de Naples de février ou je ne sais plus quand. Elle me demande si je veux m'entraîner avec elle.

Galdino releva la tête.

— Elle te demande si tu veux t'entraîner avec elle pour la course de février ou je ne sais plus quand ? Elle a formulé ça comme ça ?

— Elle a juste mis "pour le semi-marathon", soupira Salvina. Elle m'en a déjà parlé et je ne me souviens plus du mois, voilà. Non mais franchement... Tu préfères vérifier ? C'est ça que tu veux, Galdino ?

Elle lui tendit son téléphone. Les dents plantées dans la lèvre inférieure, elle espéra qu'il lève les yeux au ciel et passe à autre chose. Sans y croire, elle pria pour que l'embarras et la fierté empêchent son mari de se saisir de l'appareil, d'ouvrir ses messages et de découvrir qu'ils ne provenaient pas de Fiorella mais de Leonzio, qui prenait de ses nouvelles et lui proposait de boire un café le week-end suivant.

Hélas, Galdino ne ressentait plus d'embarras, et il avait perdu toute fierté depuis longtemps. Il s'approcha, paume ouverte.

— Allez, d'accord. Je veux bien regarder.

Salvina recula avec un sursaut en serrant son portable contre sa poitrine.

— Tu es sérieux ? cracha-t-elle.

Elle ne pouvait pas lui dire la vérité. Qu'elle avait menti parce qu'elle savait qu'il lui ferait une scène en voyant qu'elle recevait des messages de Leonzio, parce qu'il lui faisait des scènes pour tout et n'importe quoi, ces derniers temps.

Qu'elle avait menti parce qu'elle voulait simplement passer une soirée tranquille. À présent, la seule défense qu'il lui restait, c'était l'attaque.

— Ça devient ridicule, Galdino, tu es complètement parano ! Tu veux lire mes messages, maintenant ?

— C'est toi qui viens de me le proposer ! s’écria-t-il.

— Oui, pour que tu te rendes compte de ton attitude ! De l'absurdité de la situation ! Moi, jamais je n'irais lire tes messages !

Elle rangea son portable dans la poche arrière de son jean et se posta devant la cuisinière pour mélanger un peu trop vivement la sauce.

— Est-ce que tu as la moindre idée de ce que c'est que de vivre avec quelqu'un qui ne te fait pas confiance ? ajouta-t-elle.

Derrière elle, elle entendit Galdino se lever en faisant tomber son tabouret avec fracas.

— Et toi, répondit-il d'une voix dangereusement sourde, est-ce que tu as la moindre idée de ce que c'est que d'avoir l'impression que la personne que tu aimes te ment en permanence ? De voir son expression chaque fois qu'elle reçoit un message, d'être certain qu'elle te cache des choses ? De ne pas savoir où elle passe ses journées, ce qu'elle fabrique...

— Arrête ! cria Salvina en le menaçant de sa cuillère en bois, éclaboussant au passage le sol de sauce tomate. Je ne supporte plus ta jalousie ! Je vis quasiment emprisonnée dans cette maudite baraque, et toi, tu trouves encore à te plaindre de ne pas savoir où je suis vingt-quatre heures sur vingt-quatre ? Qu'est-ce qui te prend ? Qu'est-ce qui peut bien te donner des idées pareilles ?

À partir de ce moment-là, la dispute avait dégénéré pour s'engager sur un parcours désormais bien connu. Ils rejouaient depuis des mois une variation de la même engueulade, même si les choses n'étaient encore jamais allées aussi loin. Galdino avait accusé sa femme de lui mentir, de le tromper. Salvina, furieuse, avait traité son mari de tous les noms et avait laissé éclater ce qu'elle pensait de lui dans ses pires moments, des phrases affreuses et cruelles qu'elle n'aurait jamais dû dire à voix haute. Qu'il était taré, parano, égoïste. Que c'était un minable, un raté, et qu'elle s'en voulait d'avoir perdu tant d'années à l'entretenir.

Qu'elle haïssait la maison sur la falaise, qu'elle regrettait amèrement d'y avoir emménagé et qu'elle ne souhaitait qu'une chose : fuir cet endroit.

— Et qu'est-ce qui te retient, Salvina ? Vas-y, je t'en prie. Va-t'en ! Va te réfugier chez Leonzio, c'est tout ce que tu sais faire !

Alors elle était partie.

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