13

5 minutes de lecture

Une fois Leonzio parti se coucher, Salvina éteignit la lumière et resta allongée dans le noir à attendre que les battements de son cœur s'apaisent. Elle dut finir par s'endormir, car, lorsqu'elle rouvrit les yeux, il faisait jour. L'appartement était plongé dans un silence figé qui lui indiqua que Leonzio était parti au travail. Salvina se leva, alla se servir un verre d'eau à la cuisine pour avaler deux comprimés de paracétamol, puis ouvrit les rideaux. La vue avait disparu : le nebbia, un épais brouillard venu de la mer, était tombé sur la ville, la recouvrant d'un voile blanc.

Salvina se prépara un espresso. Au moment où elle retournait s'asseoir sur le canapé, elle remarqua sur la table basse une enveloppe portant son nom et, à côté, une feuille pliée en deux. Elle attrapa d'abord la feuille, sur laquelle elle lut :

J'ai préféré ne pas te réveiller ! J'espère que tu réussiras à te reposer.

Je t'appelle demain. Bisous.

Fiorella avait dû lui laisser ce mot en partant, la veille.

Rien d'étonnant à ce que Salvina ne l'ait pas remarqué, trop préoccupée par l'altercation avec Leonzio. Elle prit ensuite l'enveloppe, qui contenait un autre petit mot.

Désolé pour hier soir. J'étais chamboulé. Je crois quand même qu'on a besoin d'espace pour faire notre deuil, non ?

Peut-être qu'il vaut mieux que tu cherches un autre hébergement pour quelque temps ?

Bises. Leo’

Le soulagement de Salvina ne dura qu'une seconde. Elle espérait qu'il reviendrait complètement sur sa décision.

Car où pouvait-elle aller ? Il ne s'attendait tout de même pas à ce qu'elle rentre dans la maison sur la falaise, si ?

Elle but une gorgée d’espresso et fut presque aussitôt prise de nausée.

Elle se précipita à la salle de bains, s'écroula à genoux et agrippa le rebord des toilettes, secouée de haut-le-cœur.

Mais rien ne vint. Alors elle resta là, accroupie et misérable, la lunette entre les bras. Agitée de sanglots silencieux, elle ferma fort les paupières pour retenir ses larmes et, quand elle les rouvrit, elle aperçut quelque chose. Un éclat au fond de la cuvette. Elle plongea la main dans l'eau et ses doigts se posèrent sur un petit objet métallique.

Durant quelques instants, elle demeura assise par terre, le cœur battant, de l'eau dégoulinant de son bras.

Incrédule, elle considérait l'anneau doré entre son pouce et son index, avec son propre prénom gravé à l'intérieur.

L'alliance de Galdino.

Cela n'avait aucun sens. La dernière fois que Galdino avait mis les pieds ici remontait à des semaines, au moins un mois, en tout cas. L'alliance ne pouvait pas être là depuis tout ce temps-là. Peut-être que les secouristes avaient confié la bague à Leonzio pour qu'il la mette en lieu sûr. Mais après, quoi ? Il l'aurait oubliée ? Il l'aurait jetée dans les toilettes ? Même s'il n'était pas dans son état normal la veille, Salvina ne parvenait pas à imaginer Leonzio faire une chose pareille.

Les pensées se bousculaient dans sa tête. Elle se remémora la matinée précédente, quand elle avait surpris Viviana à fouiner dans la chambre de Leonzio. Plus tard, la policière était passée à la salle de bains... Qu'est-ce que ça signifiait ? Que Viviana essayait de faire accuser Leonzio du meurtre de Galdino ? Ou alors… qu'elle essayait de la faire accuser, elle ? Et puis, Fiorella aussi était venue. Elle était allée aux toilettes. Mais comment Fiorella aurait-elle pu mettre la main sur l'alliance de Galdino alors qu'ils ne s'étaient pas croisés depuis des mois ?

Salvina s'efforça de se calmer. Elle se remémora la légende du Munaciello. Aurait-il caché l’objet précieux ici ? Elle secoua la tête, Elle se racontait des histoires à dormir debout, elle se laissait encore envahir par la paranoïa. C'était la seule explication.

Assise sur le carrelage froid, les yeux toujours rivés sur l'alliance de son défunt mari, Salvina se rendit soudain compte qu'elle entendait une sonnerie par intermittence. Celle de l'Interphone. Le facteur, probablement. Elle fut tentée de l'ignorer mais le bruit persista, encore et encore, jusqu'à ce qu'elle ne puisse plus le supporter. Salvina se releva tant bien que mal, se lava rapidement les mains, s'aspergea le visage et se dirigea vers la porte pour décrocher le combiné.

— Salvina ? fit la voix de Viviana.

Le cœur tambourinant violemment dans sa cage thoracique, Salvina ouvrit la bouche mais se rendit compte qu'elle était à court de mots.

— Salvina ? C'est Viviana Ferretti.

— Je ne peux pas vous parler, je suis...

— Salvina, pouvez-vous nous ouvrir, s'il vous plaît ?

Salvina prit une grande inspiration avant de répondre :

— Non, je ne peux pas. Je ne me sens pas bien aujourd'hui. Je...

— Salvina, nous avons besoin de vous parler, insista Viviana d'une voix ferme, un peu comme celle d'une maîtresse d'école. C'est important. Ça ne prendra pas longtemps, mais ça ne peut pas attendre.

À contrecœur, Salvina appuya sur le bouton de l'interphone et ouvrit la porte de l'appartement, tremblante. Dans la main gauche, elle serrait toujours l'alliance de Galdino. Des pas résonnèrent dans l'escalier. Au bruit, on aurait dit une véritable armée qui montait à sa rencontre. Salvina eut soudain l'impulsion de fuir, mais elle n'avait nulle part où aller. Nul endroit où se cacher.

Viviana apparut, l'air solennel, suivie de deux agents en uniforme. Pas d'armée, donc, simplement trois policiers.

Salvina resserra les pans de sa robe de chambre sur sa poitrine. Un peu étourdie, elle vacilla.

— Qu'est-ce qui se passe ? Qu'y a-t-il de si important ?

— Est-ce que nous pouvons entrer une minute ?

Salvina recula docilement pour laisser passer les deux hommes, qui se dirigèrent aussitôt vers la cuisine, où l'un d'eux posa quelque chose sur le comptoir avant de s'éloigner. Viviana prit Salvina par le bras et l'entraîna à son tour vers la cuisine. Salvina se pressa contre la femme, effrayée sans pourtant savoir pourquoi. Sur le plan de travail en marbre, deux sachets en plastique transparents, contenant respectivement un smartphone et un ordinateur portable.

— Est-ce que vous reconnaissez ces objets ? lui demanda Viviana.

Salvina sentit ses genoux vaciller. Elle hocha la tête.

— C'est l'ordinateur de Galdino. Il y a son autocollant, Gald Productions. Et le téléphone... Je n'en suis pas certaine, mais on dirait le sien.

Viviana relâcha légèrement sa prise sur le bras de Salvina.

— Où les avez-vous retrouvés ? reprit cette dernière.

— Dans la benne à ordures au bout de la rue, répondit Viviana. Un habitant du quartier nous a contactés ce matin pour nous signaler leur présence. Il trouvait cela étrange qu'on y ait jeté ce genre d'appareils.

— Au bout de la rue... répéta Salvina, prise de vertige. De... de cette rue ?

La benne se situait à moins de cinquante mètres de l'immeuble de Leonzio.

— Je n'y suis pour rien, s'empressa-t-elle d'ajouter. Je vous jure que je ne les ai pas jetés là-dedans !

— Non, Salvina, la reprit Viviana. Ce n'est pas ce que nous pensons.

— Alors... Leonzio ?

Un sanglot éclata dans la gorge de Salvina. Elle tituba.

Soudain, ses jambes se dérobèrent sous elle, mais quelqu'un la rattrapa avant qu'elle ne tombe, probablement un des hommes en uniforme. La dernière chose qu'elle entendit avant de perdre connaissance fut le tintement de l'alliance de Galdino contre le carrelage, lorsqu'elle ouvrit la main.

Annotations

Vous aimez lire LauraAnco ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0