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Salvina sentit son ventre se tordre dans tous les sens.

Le visage déformé par une grimace, elle ferma fort les paupières, et dans sa mémoire apparut l'image d'un appareil photo. Elle entendit la voix de Leonzio qui la suppliait doucement : Mirella dit qu'on l'a agressée, qu'on lui a fait des trucs... On risque de gros ennuis. Elle vit Galdino qui refusait de la regarder en face.

Ils sont ivres, ce soir-là. Avant même d'arriver à la soirée, ils ont bu. Salvina a piqué une bouteille de grappa dans le bar de ses parents, et ils se la partagent tous les trois en regardant des clips à la télé chez Galdino, vautrés sur le canapé.

Leonzio, qui jusque-là tripotait l'appareil photo qu'il vient d'avoir pour son anniversaire, leur propose d'aller à la fête.

Salvina préférerait rester là. Galdino et elle sortent ensemble depuis deux mois. C'est encore nouveau et excitant, mais rien n'est plus excitant que ces moments où elle remarque que Leonzio les épie. L'épie, elle. Comme Leonzio tient absolument à sortir et que Salvina ne veut pas passer pour une rabat-joie ou pire, rester toute seule, ils partent à vélo, zigzaguant sur les pistes cyclables plongées dans le noir. À un moment, Galdino manque de se casser la figure dans le fossé. Hilares, Leonzio et Salvina pouffent de rire parce qu'il ne tient pas l'alcool.

La fête a lieu chez un garçon de la classe de Salvina, dont les parents sont riches et, surtout, absents. Quand le trio arrive, tout le monde les ignore, à l'exception du Munaciello, qui s'empresse de venir les accueillir. Elle se jette au cou de Leonzio dans son tee-shirt blanc sans soutien-gorge. Salvina se souvenait très bien de la scène : Leonzio souriant à Mirella, s'esclaffant avec elle, lui proposant une gorgée de la grappa de Salvina, et Mirella prenant le goulot de la bouteille entre ses lèvres roses. Alors que Salvina ne perd pas une miette de leur petit manège, elle sent que Galdino la fixe, et elle comprend que la soirée est gâchée. Elle a envie de rentrer chez elle. Agacée, elle s'éloigne en direction de la cuisine, laissant les garçons avec Mirella. Un coup d'œil par-dessus son épaule pour voir si l'un ou l'autre lui emboîte le pas, mais non.

Après une heure interminable adossée au mur de la cuisine, à croiser les doigts pour que quelqu'un lui adresse la parole, Salvina décide de se lancer à la recherche de ses amis. Elle traverse le salon, puis un bureau. Là, elle les aperçoit par la vitre, dans le jardin. Elle croit d'abord qu'ils sont en train de partir en la laissant là et elle ouvre la porte-fenêtre pour sortir sur la terrasse couverte.

À présent qu'elle les entend crier, elle comprend qu'ils se disputent. Une poussée d'adrénaline parcourt son corps.

Il se passe enfin quelque chose d'excitant ! Elle voit Leonzio attraper Galdino par le col de sa veste et Galdino se dégager brutalement, mais elle ne distingue pas ce qu'ils se disent à cause d'un autre bruit, non loin d'elle. En se retournant, Salvina découvre une fille assise par terre, dans un coin de la terrasse. La jupe remontée sur les hanches et la culotte visible, elle pleure à chaudes larmes. Salvina fait un pas vers elle et la fille lève la tête. C'est Mirella, ses grands yeux noirs emplis de larmes, des traînées de mascara sur son joli visage.

Salvina se détourne, juste à temps pour voir Galdino s'emparer de l'appareil photo de Leonzio et le balancer dans l'herbe.

Son téléphone sonna de nouveau.

— J’ai cru que je t'avais perdue ! s'exclama Fiorella lorsqu'elle décrocha.

— Je ne savais pas, pour la fête, souffla Salvina. D'ailleurs, je ne pouvais pas savoir, je n'étais même pas dans la pièce, moi, quand... quand il s'est passé ce que tu dis.

— Ça ne t'a pas empêchée d'affirmer que tu savais ce qui s'était passé. Ou plutôt, que tu savais qu'il ne s'était RIEN passé, et qu'ils ne s'étaient pas retrouvés seuls avec moi une seconde. Tu as menti.

— Je n'avais aucun moyen d'être sûre...

Salvina fut interrompue par un éclair aveuglant, une zébrure qui déchira le ciel, beaucoup trop près d'elle. Elle étouffa un cri et, dans l'écouteur, Fiorella fit de même. Puis un formidable coup de tonnerre fit trembler les murs de la maison, et Salvina se rendit compte qu'elle ne l'avait pas juste entendu dehors. Elle l'avait aussi entendu dans le téléphone.

Elle leva les yeux. La nuit était tombée, mais elle parvint à distinguer le rideau près de la fenêtre de la chambre, qui frémissait comme si le vent l'agitait. À l'extérieur, une vague se fracassa bruyamment contre la falaise. Soudain, Salvina eut très froid. Or, ce n'était pas uniquement la frayeur qui la glaçait jusqu'aux os... C'était un courant d'air.

Quelqu'un avait ouvert une porte.

Quelqu'un était entré dans la maison.

Étourdie de terreur, la main crispée sur son portable, Salvina sortit du lit et se dirigea vers la porte. Elle la poussa, jeta un coup d'œil dans le couloir. Autour d'elle, l'obscurité était si épaisse qu'elle en paraissait presque palpable.

— Fiorella ? appela-t-elle. C'est toi ?

Entendre une telle peur dans sa propre voix ne fit que l'épouvanter davantage. Elle s'avança lentement dans le couloir, à tâtons.

— Je sais que tu es là !

Du seuil du salon, elle découvrit une petite flaque d'eau sur le sol devant la porte-fenêtre. La pluie s'infiltrait par le vantail entrouvert. Étouffant un sanglot, Salvina commença à composer le 113 pour contacter la police et elle perçut un mouvement à proximité. Une ombre se jeta sur elle.

Salvina fit un bond en arrière. Trop tard : l'intrus la ceintura, lui retourna le bras dans le dos, et Salvina lâcha son téléphone en hurlant. Elle sentit un objet heurter son crâne et tomba à genoux avec un cri.

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