17 - La faveur de Serfantor
26e jour de la saison du soleil 2448
Le lendemain, le sommeil profond d'Azéna fut troublé par le rugissement formidable de Rendar, le dragon rouge du grand maître. C'était un son que la jeune dragonnière n'avait pas manquée. Elle grommela un juron et enfouit son visage dans son oreiller. Sa peau démancha au contact de la couverture de laine.
- Urghh, se plaignit Azéna.
Elle poussa la couverture et se roula en boule. De son côté, Fayne s'était levée d'un bond énergétique. Elle se précipita au miroir et se mise à se brosser les cheveux comme si aujourd'hui était sa dernière chance à l'amour.
Azéna jeta un coup d'œil en sa direction et leva un sourcil.
- Tu sais, ton maître ne va probablement pas te demander sur un rancard.
Fayne fit une pause et tenta d'ignorer la remarque.
- Tu es une idiote parfois.
- Ça fait partie de mon charme.
Un sourire narquois se dessina sur les lèvres d'Azéna.
- Très malin Azéna.
L'herboriste arrêta de se brosser les cheveux pendant un instant et fixa Azéna.
- Tu devrais peut-être t'habiller.
La demi-elfe réalisa qu'elle était complètement exposée. Elle ne portait que ses boxeurs et un débardeur sans brassières. Gênée, elle se leva et enfila son uniforme d'apprenti. Un sentiment de confort et de familiarité l'envahit. Elle réalisa qu'elle était enfin de retour dans son élément.
« Loin des chaines de la royauté, loin de Bayrne, se dit-elle pour s'encourager. »
Pendant ce temps, Fayne termina de se préparer.
- Quel est ton premier cours?
Elle s'avança vers la porte de la chambre.
- Hé, tu ne vas pas partir sans moi..., dit Azéna.
Elle fit une pause, incertaine d'elle-même.
- ... pas vrai?
- Je t'accompagnerai si nous avons le même cours. Sinon, je vais être en retard.
- Bon, ça va.
Azéna chercha dans ses papiers. Finalement, elle est ressortie un tout froissé.
- Je suis dans le groupe un. Alors...
Elle fit une pause, incertaine de ce qu'elle venait de lire. Elle reprit sa lecture.
- Introduction au combat, dit-elle d'un ton surexcité.
- Je suis dans le groupe deux. Je vais en classe de bien-être du dragon II. On se verra à la pause. Essaie de ne pas tuer tes camarades de classe.
Sans plus, elle se mit en route, laissant derrière une Azéna incapable de retenir son enthousiasme. La demi-elfe s'empressa se mettre ses livres dans son sac, enfila son armure de cuir et suspendu son carquois ainsi que son arc long à son dos. Elle figea pendant un instant le temps de se débarrasser des souvenirs cuisants de son combat contre Shalith et Serfantor. Elle monta au deuxième étage, où les cours destinés aux combats et aux entraînements étaient donnés. Elle suivit les corridors illuminés par les flammes dansantes des torches, pressée de commencer son entraînement.
- La bibliothèque peut attendre, se dit-elle. De plus, il faut que je trouve Serfantor.
Elle tourna un coin et se retrouva face à face avec une grande blonde prête au combat.
- Azéna ! s'exclama Arièlla.
Son visage sérieux s'illumina rapidement d'un sourire.
- Viens, viens. La salle de combat est particulièrement impressionnante.
Elle s'arrêta un instant pour observer sa camarade de classe.
- Excellent choix d'armure et d'arme. Ouais... c'est le travail de Mel ça n'est-ce pas?
- Tu connais bien son travail.
Arièlla acquiesça.
- Mère dit qu'il est important de bien connaitre les maîtres dans tous les métiers. Ça te permet d'être plein de ressource.
Elle traversa les deux portes métalliques et la salle d'entraînement. À l'intérieur, plusieurs apprentis attendaient, équipés de divers armures et armes. Chacun possédait une combinaison unique à leur personnalité et à leur style.
Arièlla, courageuse et forte de caractère, possédait le corps athlétique qui lui permettait de bouger avec aise dans son armure de plaque étincelante. Par-dessus, le tabard de l'académie flottait doucement au rythme des pas de la dragonnière. Mais le plus impressionnant était l'immense étoile du matin qui pendait de son dos, tenus par un harnais de cuir épais. Elle tenait son heaume à l'aide de sa hanche et de sa main. Le heaume était engravé sur le côté droit d'un V très calligraphique et fin, style d'un elfe lunaire. Sur le côté gauche, un deuxième V s'y trouvait mais, celui-ci était plus épais et clair, d'où on reconnaissait le penchant des humains pour la lisibilité.
Arièlla était clairement fière de son héritage elfique et humain. Ainsi que de sa famille.
- Ummm... qui est notre maître? demanda Azéna, détachant son regard du heaume.
- Arahich, répliqua Arièlla aigrement.
Elle guida Azéna vers un jeune elfe des bois qui faisait face au mur dans un coin.
- Voilà Azéna.
L'elfe sursauta et s'empressa de cacher ce qui ressemblait à un flacon dans la poche interne de sa tunique en cuir légère.
- Arrête de te faufiler derrière moi, demanda-t-il anxieusement.
- Je me suis présentée lors de mon arrivé, dit Arièlla en après un soupir. Vraiment, arrête de boire ton thé en salle de classe si tu ne veux pas te faire prendre. Arahich devrait arriver d'un moment à l'autre.
Teriondil s'apprêta à répliquer, mais elle continua:
- Je sais, je sais. Tu détestes Arahich et ça te calme.
Teriondil fronça légèrement les sourcils puis, son visage s'adoucit. Le thé avait dû commencer à faire effet.
La seule arme que Teriondil possédait était une petite dague bien simple accrochée à sa ceinture. Son armure était une combinaison de linge et de cuir. La fourrure dense de son épaulette lui donnait une allure sauvage. Lui aussi portait le tabard de l'académie par-dessus son habit.
Les deux avaient attachés leurs cheveux en une queue de cheval serré. Côte à côte, Teriondil faisait rôdeur et Arièlla faisait guerrière, mais Azéna savait mieux. Teriondil était son ami le plus maladroit. Il connaissait mieux les éléments et la spiritualité que l'art de la subtilité. Il ferait un piètre voleur ou rôdeur.
- Je ne suis pas à l'aise avec les armes, répondit timidement Teriondil. Ce n'est pas mon expertise.
Sa voix était basse, presque inaudible. Il rougit légèrement puis, un sursaut d'énergie entraîna le reste de la conversation.
- Je m'améliorerai. J'ai le support de deux guerrières redoutées.
Les deux demi-elfes gloussèrent.
- Au moins, nous sommes bien balancés, dit Arièlla. Je suis plus forte physiquement, Azéna est agile et rapide tandis que toi, tu as reçu bien des compliments concernant ton expertise en contrôle des éléments et du mana, n'est-ce pas?
- J'ai été glorifié, je l'avoue, dit l'elfe en affichant un sourire narquois.
Azéna se fit plaisir de taquiner son ami. Ils riaient et, alors qu'ils venaient tout juste d'oublier tous leurs soucis, les portes s'ouvrirent bruyamment comme si elles avaient été poussées avec force.
Tous les regards se fixèrent sur un homme à la posture mauvaise, vêtu d'une armure sombre de cuir. Il portait une dizaine de dagues à la ceinture, tous déformées ou crochues. Il rabaissa sa capuche et son visage mutilé choqua quelques apprentis. Azéna l'avait déjà vu auparavant. Vyrius Arahich.
- Comment peut-il être un maître? questionna Azéna.
Arièlla n'osa pas répondre ; Vyrius avait entendu la question et s'était tourné vers eux.
- Ah, mademoiselle Kindirah, siffla-t-il d'un ton vénéneux. Heureux de vous revoir.
La manière dont il prononçait ses mots rappelait un serpent. Azéna hocha de la tête, tout simplement par politesse.
Vyrius attendit pour une réplique plus formelle. Il s'impatienta rapidement et sonda ses apprentis. Ses petits yeux foncés les analysèrent fiévreusement un par un.
- C'est bien. Vous avez tous votre armure et votre arme.
Il marcha lentement en ligne devant les apprentis, retraçant ses pas alors qu'il parla:
- Vous avez déjà fait face à certaines simulations d'une situation dangereuse je suppose. Vous avez pratiqué à contrôler votre élément, de ça j'en suis certain.
Il toussota à la fin de sa phrase.
- Maintenant...
Il s'arrêta brusquement. Sa voix était soudainement plus stable, plus puissante.
- ... vous allez faire face à une différente sorte de situation dangereuse.
Il prononça bien lentement la fin de sa phrase.
- L'art du combat. Ça peut être une danse, une discipline, une vertu, une résolution. À la fin de tout ça, c'est tout simplement la vie. Vous vous battez chaque jour sans vous en rendre compte. C'est souvent subtil mais, aujourd'hui, ça va être concret. Quand vous devez vous battre pour votre vie, vous devez être prêt. Je suis ici pour cela.
Une main se leva. Vyrius la cerna mais, ne laissa pas le jeune apprenti parler.
- Les éléments ne sont pas toujours à notre disposition et si elle l'est, ce n'est pas toujours la bonne tactique à utiliser. Utiliser votre élément ou votre magie révèle une partie vitale de qui vous êtes. Le savoir est puissant; ne laissez pas votre ennemi savoir qui vous êtes au mauvais moment.
Pour prouver sa théorie, il sélectionna un apprenti qui connaissait le style de combat de son adversaire. Le deuxième apprenti ne connaissait rien du premier. L'avantage fut clair et le premier triompha.
Le deuxième scénario fut Azéna contre Arièlla. Elles se connaissant assez bien en termes de combat. Le duel fut serré, mais Arièlla finit par cerner Azéna dans un coin, la rendant sans défense, son arc inutile en combat rapproché.
À la fin de la session, tous les apprentis étaient à bout de souffle. Vyrius, souriant légèrement, rabattit son capuchon, enveloppant son visage dans l'ombre.
- Vous pouvez disposer.
Il rangea la dague avec laquelle il avait effectué ses démonstrations et disparut, un nuage sombre dans son sillage.
- Même pas un encouragement? se lamenta Azéna.
Elle ramassa ses flèches, les débarrassa de leur capuchon de protection et les rangea dans son carquois.
- Tu t'améliores rapidement, dit Arièlla. Ton tir à l'arc est excellent. Tu n'auras pas besoin de beaucoup de pratique pour le maîtriser.
Elle retira la flèche qui s'était fiché dans une fente de son armure de plaque.
- Je suis contente qu'il portait de la protection pour ses flèches sinon je serai probablement à l'infirmerie.
Chaque arme avait été neutralisé par de la magie ou un capuchon de protection afin d'assurer qu'aucun apprenti ne se blesse durant les exercices. Azéna quitta le plus rapidement possible.
Durant sa pause, elle chercha l'elfe gris Serfantor, apprenti de quatrième année. Elle le croisa après avoir demandé à une dizaine d'apprentis où elle pourrait le trouver. Il était seul, probablement en chemin vers son prochain cours.
- Serfantor ! appela-t-elle en agitant une main pour attirer son attention.
L'elfe gris haussa un sourcil. La curiosité prit le dessus; il s'approcha d'Azéna. Celle-ci le rencontra à mi-chemin.
- Tu as une minute?
- Oui, mais fait vite. La pause est presque terminée, dit-il en réajustant son sac qui glissait.
- Eh bien voilà, murmura-t-elle afin qu'on ne l'entende pas mis à part son destinataire. Je sais que nous avons une historique un peu sensible, mais y aurait-il moyen que tu puisses m'aider à me faufiler dans la bibliothèque? Peut-être avec une petite manipulation d'ombre?
Elle eut un sourire forcé, le plus large possible.
- Tu n'as pas accès à la bibliothèque? demanda-t-il, son visage figé dans la confusion.
- Non. En toute honnêteté, j'ai été bannie l'an passé.
- Pourquoi Fayne ne pourrait pas y aller à ta place? Simple solution.
- Parce que je veux le faire moi-même, répliqua-t-elle en haussant le ton.
La rebelle réalisa que Serfantor avait raison. À ce point, elle était juste obstinée.
- Juste, aide-moi, continua-t-elle en rougissant légèrement, incapable d'avouer ses faiblesses.
Serfantor prit le temps de réfléchir. Il observa la demie-elfe sans dire un mot.
Azéna se sentit percée par les yeux gris de Serfantor. Elle ne s'attendait pas une réponse positive. Après tout, peut-être que l'elfe gris voulait toujours s'emparer de la plume de Turion. C'était vraiment une situation embarrassante, mais elle ne connaissait pas d'autre dragonnier noir.
- Tu es une personne étrange, dit Serfantor. Par contre, je crois que tu as un bon cœur. Je ne sais pas ce que tu espères accomplir, mais je vais t'aider.
Azéna sourit comme une idiote.
- Attend avant de dire une bêtise.
Il attendit qu'elle se calme avant de continuer.
- On va faire ça sous mes conditions.
Suspicieuse, Azéna hésita. Elle ne lui faisait pas confiance, mais elle était à court d'idées.
- J'accepte, répondit-elle à contrecœur.
- Je sais que tu ne m'accorde pas ta confiance et je ne te blâme pas. Cependant, je t'assure sur mon honneur que je ne vais pas te trahir.
Il effectua un geste de sa main qui se termina en poing sur sa poitrine.
- Si tu ne fais pas de tort, je te rendrais ça avec ma parole.
Elle s'était forcée à prononcer les mots. Elle espérait qu'elle ne s'était pas entraînée dans un piège.
- Alors, quoi maintenant?
- Je vais en classe, dit-il fermement. Rejoins-moi à la bibliothèque une heure après le souper. Je dois avertir Shalith de nos plans avant que quoi que ce soit se passe.
Il salua Azéna et partit.
« Parano celui-là, songea Azéna. Il a accepté trop facilement. C'est vraiment louche. »
Elle leva le regard vers l'horloge la plus proche.
- Je vais être en retard!
✦×✦
Après les cours, Azéna tomba sur Fayne en se dirigeant vers le Hall d'Archlan pour le souper. «
- Hé! Fayne!
La dragonnière bleue tourna la tête et attendit son amie.
- Tu as eu une bonne première journée?
- Ouais, dit Azéna.
Elle souffla sur une mèche rebelle qui était tombée sur son visage.
- Super intéressante. J'ai enfin débuté mon entrainement avec des armes physiques. Vyrius est le maître de ce cours. C'est vraiment étrange, mais ça a bien été. Arièlla en connais beaucoup sur le combat. Elle a tout appris de ses parents. C'est un semestre chargé. Il y a quatre cours sur cinq qui sont demandant physiquement. J'aime bien le changement. Je ne suis pas très intellectuelle.
- Tu vas faire mieux que moi ce semestre-ci, dit la brunette en souriant. Oh, au fait, je vais à bibliothèque après le souper.
Azéna ne savait pas quoi dire. Elle devait annuler avec Serfantor maintenant.
- Vraiment?
- Mais si, dit Fayne en observant curieusement son amie. Qu'est-ce qui se passe? Je croyais que c'est ce que tu voulais. J'irai, je te l'assure.
- D'accord, je reviens, répondit-elle en s'empressant de partir.
- Azéna, cria Fayne, attend! Tyrath te cherche.
Elle pointa de l'autre côté du Hall d'Archlan, mais la demie-elfe était déjà à perte de vue.
Azéna chercha pour Serfantor durant tout le souper en vain. L'elfe gris était introuvable.
Il était maintenant temps de le rencontrer à la bibliothèque. Effectivement, il l'attendait à l'entrée, dans un habit sombre typique de son peuple. Il l'observa avec neutralité, le tourbillon frénétique qu'elle faisait, clairement indifférent de son extravagance.
- Tu es en retard.
- Je t'ais chercher. Où étais-tu pendant le souper?
Elle sentit les poils de ses bras se hérisser.
- Gah, pas la peine d'en parler. Nous sommes ici maintenant. Pour être honnête-
- Fayne va y aller, coupa Serfantor.
Il laissa échapper un petit rire amusé.
- C'est bon. J'étais dehors avec Gardienne Nymia. J'ai reçu la permission de t'escorter dans la bibliothèque.
Il sortit un parchemin de son manteau noir. Azéna dévora le parchemin du regard.
- Hé, du calme. Sous ma supervision est la condition. Je te veux à ton meilleur.
- À mon meilleur?
- Ton comportement, dit-il en souriant.
C'était là un sourire si doux qu'on aurait pu le manquer facilement. Tout de même, il paraissait sincère.
- Son meilleur comportement t'attirera bien des ennuis, dit une voix familière.
Fayne ébouriffa légèrement la chevelure d'Azéna. La demie-elfe grogna, ce qui fit rire Fayne.
- Tu pensais que je n'allais pas venir?
Azéna leva l'index.
- Ce n'est pas cela. Laisse-moi m'expliquer.
Elle fut distraite par une mèche rebelle et aplatit ses cheveux, à nouveau en parfait état.
- Ne t'inquiète pas, la gardienne de la bibliothèque va quand-même te trouver super mignonne, se moqua gentiment Fayne.
Le trio s'entendit pour utiliser la permission donnée à Serfantor de Nymia. La gardienne n'était pas ravie de l'entendre.
- Je serai sage, dit Azéna. C'est une promesse.
La gardienne répliqua par un simple grognement et la laissa passer.
Ils passèrent toute la soirée à chercher l'historique de Sombrelame. Fayne avait dénichée le livre Historique des académies de dragonniers.
- Lorsqu'il créa son équipe de Skotar, Bemril Sombrelame utilise son nom de famille comme nom d'équipe, lut-elle. L'équipe hérita aussi du sigle de sa maison, soit une épée violette sur un champ argenté. Il en décida ainsi car sa maison était reconnue pour semer la terreur chez leurs ennemis. Il désirait changer sa réputation prédéfinie par un simple nom. De plus, depuis leur addition à la cause des dragonniers, la famille s'était déclarée libéré de l'influence de la reine des elfes gris. Bemril fut ainsi le premier gardien et capitaine de son équipe et ils gagnèrent la première coupe de Skotar.
Elle s'arrêta, continua de lire puis, leva le regard.
- Il n'y a rien de suspicieux. Pourquoi ce groupe de rebelles utiliserait le sigle d'un groupe de skotar?
- Peut-être qu'il trouve l'histoire de Bemril inspirante? proposa innocemment Azéna.
- Notre historique nous raconte que Bemril a détruit sa maison. Sombrelame était puissante et redoutée. Bemril était intelligent et sournois et il désirait changer le matriarcat pour l'égalité des sexes. Bien sûr, notre société n'approuva pas. Sa femme était en tête de Sombrelame. Après un certain temps, elle considéra son opinion et ses idées égales aux siennes. Ils tentèrent de révolutionner le système, alors la reine posa une prime sur la destruction de leur maison. Le rang de la maison décima dans un bain de sang jusqu'à ce que les derniers Sombrelame s'installèrent à Atgoren et se mirent aux services des dragonniers.
- Vraiment, dit Fayne, les elfes gris sont plus barbaresques que je le pensais.
- Vous êtes chanceuses d'avoir grandis dans un royaume aussi paisible que Daigorn. Ce n'est pas le cas partout.
Il y avait une certaine tristesse dans le ton de Serfantor.
- Mais tu es un dragonnier maintenant, dit Azéna.
- Mmhhmm, marmonna l'elfe gris.
- De toute façon, il faut trouver une piste à suivre concernant Sombrelame, encouragea Fayne.
Enfin, l'heure de la fermeture de la bibliothèque approcha. Le trio n'était pas encore satisfait de leurs découvertes. Azéna était au bord de la défaite et elle détestait ce sentiment.
- Pense, pense, répéta-t-elle.
- Il doit exister une information pertinente quelque part, s'obstina Fayne en feuilletant les pages d'un énorme livre. Où n'avons-nous pas regardé?
Soudainement, une idée naquit dans l'esprit d'Azéna.
- La Tour des maîtres.
- Répète ça, dit Fayne, la fixant comme si elle était incompréhensible.
- La Tour Mère. Ils cachent des livres là-haut.
Elle attendit une réaction de Fayne, mais celle-ci resta figée dans la confusion.
- Il doit y avoir de l'information dans ces livres. Il faut avoir accès. Les secrets sont tous là.
Elle se tourna vers Serfantor. L'elfe gris compris immédiatement les intentions d'Azéna.
- Il n'en ait pas question.
- Il le faut, c'est trop important.
- Pas autant important que mon éducation. Je suis désolé. C'est non.
Cette fois, Serfantor était froid et sérieux, comme il l'était durant leur confrontation de l'an passé.
Pendant un instant, Azéna pensait être capable de se contrôler, mais soudainement sa colère prit le dessus. Son sang bouillait et elle haussa le ton.
- Comment peux-tu dire non?
Fayne tenta de la calmer. Elle l'ignora et continuer de hurler en argumentant avec Serfantor. L'elfe gris rétorqua à chaque fois qu'il ne voulait pas se faire bannir de l'académie et Azéna répliquait que c'était plus gros que l'académie.
- Arrête, supplia Fayne. Tu vas nous faire bannir de la bibliothèque.
Azéna continua jusqu'à ce qu'un bras fort vint serrer sa tête comme un serpent. Elle bafouilla quelques mots incompréhensibles.
- C'est comme ça que tu fais taire Azéna.
La voix féminine provenait de derrière Azéna. La dragonnière grise se débattit et finalement, le bras se décontracta.
- Toujours aussi faible, se moqua la même personne.
Azéna retira un cheveu de sa bouche et fixa son regard devant elle. Arièlla s'était assise là devant elle, un fier sourire aux lèvres.
- Va falloir que je t'entraîne.
Azéna fit la moue, trop têtue pour dire quoi que soit.
- Ah, allez, allez. Je vous ai entendu vous quereller de l'autre bout de la bibliothèque. Vous êtes chanceux que la gardienne n'ait pas entendu. Elle doit être endormie. Vous étiez tellement bruyants.
- Et la raison de ta venue est...? demanda Azéna, les bras croisés.
- J'ai peut-être une solution pour toi.
L'humeur noire d'Azéna changea drastiquement.
- J'ai des parents qui ont accès à cette tour.
- Ça me semble risqué, dit nerveusement Serfantor. On ne devrait pas impliquer des adultes.
Une goutte de sueur si fragile, si petite, à peine visible roula sur son front et disparut.
- Tu étais si excité de nous aider, dit Azéna en fixant l'elfe gris dans les yeux. Qu'est-ce qui se passe? Moi je pense qu'on devrait le faire.
- Ça va être facile, dit Arièlla. Ils ont la fâcheuse habitude de se peloter en cachette dans la Tour Mère et ils laissent la porte entrouverte pour entendre si quelqu'un arrive. Je le sais car ils se disputent à propos de ça à la maison. Maman n'est pas toujours la plus intelligente.
Entendre Arièlla appeler Nymia sa maman était bizarre, même déroutant.
- Quoi? demanda Fayne.
Elle parut traumatisée, les yeux ronds et la bouche entrouverte.
- Pas Nymia. C'est juste que ne semble pas être son genre.
Arièlla s'éclata de rire, mais elle s'arrêta en posant sa main sur sa bouche.
- Maudite librairie. Pas son genre... C'est la meilleure. Elle fait belle figure à l'académie.
- Attendez une minute, dit Serfantor, perdue dans la confusion et le choc de la nouvelle. Qu'est-ce que Nymia.... Enfin... Quoi? Tu parles bien de la sérieuse et rigide suivons tous les règlements Nymia?
- Oui, dit Arièlla. C'est ma mère. Et mon père c'est Eldarytzan, un autre maître de cette académie.
Elle adorait mettre de l'emphase sur l'évident pour empirer les choses.
- Alors, tu vois, pour me concevoir... il a fallu que certaines choses se produisent.
Arièlla sourit, évidemment envoutée par l'idée de traumatiser Serfantor car il était le favori de Nymia. Serfantor blêmit, sa peau maintenant plus proche de l'argent que du gris et ses joues légèrement rosées.
- Je suis bouche bée, avoua l'elfe.
- Plus aussi parfaite maintenant, hé? gloussa Azéna.
- Très digne d'une dragonnière Azéna, dit Fayne avec impatience. Il n'y a aucun besoin d'humilier nos supérieurs.
Elle se raidit, parlant avec clarté professionnelle.
- Allez, rigola Azéna. Détends-toi un peu. C'est trop amusant le voir pâle comme un fantôme.
Elle donna un coup de poing amical sur le bras de Serfantor et recommença a rire.
- En effet. C'est rare que ça arrive, plaisanta Arièlla.
- Par l'Aspérule Blanche, ça c'était bien.
Elle se calma enfin et essuya une larme.
- Ouais. Sérieusement, je ne suis pas d'accord avec ce comportement enfantin mais bon, ça nous ouvre une porte.
- Littéralement.
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