27 - Débauche du croc stimilien

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43e jour de la saison de la faux 2448

- Il y a que toi qui foncerait seule dans un groupe d'adversaires sans te poser de questions, aboya une voix familière qui provenait de la gauche.

Azéna savait déjà de qui il s'agissait. Elle continua d'avancer en s'attendant à ce que Fayne la rattrape.

- Qu'est-ce que tu veux que je dise? ronchonna-t-elle avec irritation. Je suis au courant que j'ai été stupide, continua-t-elle en fourrant ses mains dans ses poches pour tenter de maîtriser sa frustration.

- Apprend à être plus prudente, dit Fayne sur un ton beaucoup plus doux. L'académie, c'est sécuritaire, mais...

- Et c'est pour ça que je vais me retrouver sur les lignes de front et toi, tu seras dans un coin en arrière, lança Azéna avec sécheresse.

Cette dernière réalisa immédiatement son erreur et soupira longuement.

- Je suis désolée... Je sais que tu étais tout simplement inquiète pour moi.

- Ce n'est rien, dit la brunette après un moment de silence. Ce n'est pas faux. Je ne désire pas être soldat, mais être dans un rôle de support. De toute façon... Laisse-moi voir ton dos. J'imagine que ça doit être une vilaine brûlure. Ce dragon ne t'a pas manquer...

Azéna pouvait sentir les brises chatouiller la peau de son dos. Elle grimaça à l'idée que son uniforme avait été ruiné, mais elle ne comprenait pas pourquoi elle ne ressentait aucune douleur. C'est à cet instant qu'elle réalisa que l'énergie qu'elle avait siphonnée l'avait probablement complètement guéri. La réalisation de posséder un pouvoir aussi grandiose que terrible la fit frissonner.

- N-Non, dit-elle. Pas besoin... Je n'ai rien.

- Ne soit pas idiote, insista Fayne qui avait ralenti pour avoir un meilleur angle du dos de son amie.

Elle poussa un petit cri étouffé et ne dit rien pendant un bon trente secondes. Durant ce temps, Azéna se mortifiait à l'idée de devoir lui expliquer tout ça. Le stress, l'anxiété, la peur... On dirait bien que les effets sur son mental s'étaient estompés. Ça avait duré une bonne demi-heure au total. Étrangement, elle ressentait un vide en elle, comme si elle était en train de vivre qu'à moitié. Elle détestait ce sentiment et désirait s'en débarrasser, mais comment? La réponse lui vint assez rapidement et à cette pensée, elle faillit vomir. Voler de l'énergie vitale des autres individus pour ce stimulant était hors de question. Elle se dégoûtait pour même y avoir songée. Il fallait juste être patiente et elle reviendrait à son état original.

- Comment est-ce possible? demanda Fayne sous le choc.

Azéna hésita longuement. Elle ne savait pas trop comment lui expliquer la situation. Fayne, brillante comme était, connecta les indices ensembles par elle-même.

- C'est... C'est l'élément de la vie, n'est-ce pas?

Azéna hocha de la tête, honteuse du résultat de son manque de contrôle.

- Tu avais mentionné qu'on la compare un peu avec le cycle de la vie et de la mort... J'imagine que ça doit être possible de guérir en siphonnant l'énergie vitale d'autrui sans tuer.

- Tu as une excellente intuition comme d'habitude, complimenta Azéna. Je n'y avais pas vraiment pensé, mais ça fait du sens.

- Ça explique aussi pourquoi la victime a perdu connaissance temporairement. Son corps a dû se sentir en danger et aurait fermé certains systèmes pour se protéger le temps qu'il récupère. J'imagine que tu dois réaliser le risque si tu vas trop loin n'est-ce pas?

- Oui, je le sais, grommela la demie-elfe. Ce n'est pas si c'était intentionnel. Ça me stresse, tu sa-

La fin de sa phrase fut submergée par un hurlement aigu et surexcité. Un adolescent humain à la chevelure noire hérissée, aux yeux bruns striés de dorés et à la démarche à la fois énergétique et sur de lui s'empressa de venir à la rencontre des deux amies.

- Vous savez quoi? questionna-t-il en empoignant les épaules de Fayne qui ne se savait pas trop comment réagir à cette intrusion soudaine.

- Mais lâche-là, espèce de lunatique, aboya Azéna en s'approchant de lui pour le pousser.

- Non, non, c'est important! continuait-il, cette-fois serrant les épaules d'Azéna. On a tué un stimilien! Tu te rends comptes? Un stimilien!

- Un quoi? Bah, je m'en fous!

Elle lui assena un violent coup de poing au côté de la tête. Celui-ci la relâcha immédiatement et perdit son équilibre momentanément. Maintenant sur ses genoux, il leva le visage et observa Azéna de ses yeux exorbités.

- Pourquoi? dit-il avec une touche de mélancolie.

- Vorshiènn, tu es un maudit connard, grogna Azéna en se croisant les bras.

- Azéna, grogna Fayne avec un air mécontent.

- Bargghh, ronchonna Azéna. D'accord, d'accord... Je vais être polie... Veuillez partir, je vous prie.

- Mais la débauche du croc stimilien va se passée dans quelques jours, insista Vorshiènn.

- Qu'est-ce que c'est que ce charabia qui sort de ta sale gueule? demanda-t-elle en levant un de ses poings de façon menaçante. En plus, je t'ais demander si gentiment de foutre le camp!

Fayne posa une main sur son poing et lui adressa un regard sévère.

- Ça suffit maintenant. Laisse-le s'expliquer. Moi, je veux savoir c'est quoi un stimilien et de quoi il parle. Et puis franchement, la politesse ne sert à rien si tu te laisses emporter le moment qui suit.

Azéna se demanda sur le coup si Fayne ne faisait pas exprès pour s'intéresser aux imbécilités de Vorshiènn pour lui donner une leçon. Elle grommela, croisa ses mains derrière sa tête et observa la scène avec le peu de patience qu'il lui restait. Entretemps, le garçon s'était relevé et s'adressa plus à Fayne qu'à Azéna qu'il semblait maintenant boudé.

- Un stimilien est un humanoïde qui agit beaucoup plus instinctivement que nous, mais qui a tout-de-même une certaine intelligence logique. Par exemple, ils peuvent parler la langue commune, mais souvent, leur vocabulaire est limité. Puisqu'ils ont une nature de prédateur, ils ont souvent tendance à être dangereux et imprévisibles, surtout s'ils ont faims. Ils sont carnivores et causent souvent des problèmes aux voyageurs sur les routes donc, lorsque ça arrive et que le voyageur réussit à vaincre le stimilien, c'est coutume qu'il rapporte ses crocs à la ville de son choix et lorsque ça se produit, pour fêter ça, aussi bizarre que soit cette coutume, la ville annonce les préparatifs de la débauche du croc stimilien. Il se trouve que je suis en charge de passer le message.

- C'est affreux! s'exclama Fayne avec horreur. Quelle coutume barbaresque.

- Eh, le maire d'Atgoren t'aime bien toi? commenta Azéna avec une raillerie évidente.

Le visage de Vorshiènn s'empourpra et il serra les dents. Apparemment, il fut enfin affecté par l'attitude désagréable d'Azéna. Celle-ci attendit sa réplique avec impatience, mais une elfe des bois fit son apparition et s'approcha du jeune garçon qui fut distrait par son arrivée.

- Azéna, c'est quoi ton problème à la fin? questionna Fayne. Ce n'est pas amusant.

- À chaque fois que je le vois, il agit comme un petit pervers qui ne penses qu'à lui, répliqua la demie-elfe. Ça m'énerve. Il a aucun respect pour les autres.

La nouvelle venue lança un petit rire au commentaire d'Azéna et posa un bras sur l'épaule de Vorshiènn qu'elle utilisa comme accotoir.

- Ne prend pas cet oisillon au sérieux, conseille-t-elle. Il n'a pas encore appris à contrôler ses hormones, mais il a un bon cœur cacher derrière tout ce désastre.

- Tu es une si bonne aide Èrionda, dit Vorshiènn avec un sarcasme noir.

- Oh il y pas de quoi, répliqua l'elfe en lui pinçant la joue comme s'il était un enfant. Tu te mets toujours les pieds dans les plats quand ça vient à la gente féminine. Pour en venir à la raison pourquoi je suis ici, j'ai entendu qu'il va y avoir une débauche du croc stimilien. Tu sais qui vont être les duellistes?

La capitaine de Coeurdoré était svelte, possédait la couleur de peau typique des elfes des bois: soit cuivrée, des yeux vert forêt pétillants, une chevelure courte et hérissée de couleur vert menthe et elle possédait des tatouages ainsi que des perçages, particulièrement sur ses longues oreilles pointues. Elle était si grande qu'elle dépassait tout le monde ici présent d'au moins la moitié d'une tête. D'après son langage corporel, Azéna pouvait assumer qu'elle était bonne vivante et qu'elle aurait assez d'énergie pour courir un marathon.

- Pas encore, avoua Vorshiènn. On vient tout juste de commencer de l'annoncer. Laisse-moi deviner, tu voudrais bien y participer?

- Peut-être, répliqua l'elfe avec un petit sourire espiègle. Il n'y a pas de mal à un peu de gloire une fois de temps en temps.

Qu'importe de quoi elle parlait, ça intéressait Azéna. Elle leva un doigt en signe d'intérêt, mais ils ne remarquèrent pas.

- Où es Arfen? questionna Vorshiènn. Va falloir qu'il te clenche une raclée madame la rebelle.

- L'est parti chasser avec... Raël! s'exclama-t-elle, clairement fière de son coup.

- C'est malin ça. Pas étonnant que je ne pouvais pas le trouver de la journée. Je m'inquiétais!

- Il a un si bon cœur, le gentils Raël, ricana Èrionda. C'est un bon dragon, grand sauveur à écailles blanches qui scintillent sous les soleils! On dirait un chevalier d'Elthen. Enfin bref, il fallait bien que je puisse te parler seul. Raël ruine toujours mes plans. Il est si prudent et protecteur de tout le monde autour de lui.

- Parce que ton drake gris est mieux lui? ronchonna Vorshiènn. Il est une si mauvaise influence sur Raël.

- Il s'appelle Arfen, corrigea la capitaine de skotar en caressant la chevelure du garçon. Je te pardonne.

Vorshiènn soupira et se débarrassa d'Èrionda comme si elle était une mouche qui essayait de le piquer. Cette réaction étonna Azéna qui n'avait jamais vu Vorshiènn refuser un contact physique avec une fille.

- J'abandonne, déclara-t-il. Bon, je vais te mettre sur la liste des duellistes. Mais je t'avertis, ce n'est pas un jeu ce duel.

- T'inquiète pas, lui assura l'elfe des bois. Oh! Au fait, qui as tué ce stimilien? Qui es le grand chasseur?

- La forgeronne Melanh'tash Vlèkhamnan. Apparemment, elle est arrivée en ville complètement ivre avec une bouteille de rhum dans une main et le croc dans l'autre en hurlant qu'elle était la reine du monde. Ah... aussi, elle était dégoulinante de sang... de sa victime bien sûr. Elle avait juste des blessures mineures.

Alors que Vorshiènn soupirait d'exaspération, Èrionda rayonnait d'admiration pour la forgeronne.

- C'est un vrai modèle à suivre, dit-elle dans un ton dramatique.

- M'ouais... Clairement..., murmura Vorshiènn. Une vraie femme... Elle s'était peut-être fait mordre et le délire... tu sais...

- Ou le rhum.

- Ou les deux, proposa Azéna en hochant de la tête.

Fayne cligna des yeux à multiples reprises, puis prononça enfin un mot:

- Délire? Mordre? Mais, qu'est-ce qui s'est passé?

La rebelle réalisa qu'elle ne savait pas ce que du délire venait faire dans la situation de Melanh'tash.

- Vous allez bien voir au duel, répliqua Èrionda en rigolant. Ne leur dit rien Vorshiènn.

Ce dernier roula les yeux puis, il se redressa comme un soldat.

- Bon, j'ai une mission à accomplir, dit-il avec sévérité. Je vous salue.

Une fois qu'il fut à perte de vue, Èrionda tourna son attention vers Azéna et Fayne et les observa minutieusement. Le visage de Fayne rosit et elle baissa le regard sur ses pieds comme elle avait tendance à le faire lorsqu'elle était mal à l'aise. Azéna de son côté, plissa les yeux et la fixa avec défiance.

- Ah! s'écria soudainement Èrionda après un long moment de silence.

- Quoi? demanda Azéna.

- Je savais que je vous reconnaissais. Vous êtes les amis de mon petit frérot.

- Ça a pris tout ce temps? Sérieux, tu es un peu lente quand tu veux.

Fayne murmura toi aussi entre deux toussotements.

- Mais, qu'est-ce que tu veux dire ton... petit frérot? continua Azéna qui ignora Fayne.

- Bien sûr, Teriondil ne vous as jamais parler de moi, supposa Èrionda.

Azéna et Fayne la regardèrent comme si elles avaient aperçu une créature mythique extrêmement rare telle qu'une licorne.

- Bah quoi? s'offusqua légèrement Èrionda en se posant les mains sur les hanches. Vous ne voyez pas la ressemblance? Je ne mens pas.

Maintenant qu'Èrionda le mentionnait, Azéna se rendit compte de toute les similarités physiques entre elle et Teriondil: tout y était sauf que sa sœur était bien plus grande, elle avait un visage plus féminin ainsi que des seins et des hanches plus développés.

- Bah, ouais, je vois ça.

Fayne reprit contrôle d'elle-même la première et regagna toute sa confiance à nouveau.

- Tu sais que Teriondil boit à chaque jour de ce thé qu'il infuse avec des fleurs du crépuscule égrenées ce qui est totalement illégale et dangereux pour la santé? questionna-t-elle. Il m'inquiète, mais il agit comme si cette plante est inoffensive et banale.

- Errr..., commença Èrionda en clignant des yeux, semblant confuse. Bah, il fait ça depuis qu'il est tout jeune dans le genre huit ans et ça ne l'a jamais dérangé.

- À huit ans !?

- Bah ouais. Ça va, j'en bois moi aussi une fois de temps en temps. Ça me rend un peu anxieuse contrairement à lui par contre alors, je m'en abstiens. Mais bon, c'est une nourriture comme une autre. Certaines personnes ne la digèrent pas bien.

- Mais on s'en fout! aboya Fayne complètement choquée par les paroles de l'elfe des bois. Tu ne te rends pas compte de ce qu'est cette fleur?

- Bah, c'est utilisé comme un stimulant spirituel, un anti-douleur, un antidépresseur ou tout simplement pour relaxer... Je ne vois pas pourquoi tu t'en fais pour autant. En général, ça a des effets très bénéfiques.

- J'abandonne. Vous les elfes des bois! Rah!

Fayne partit en direction de l'académie en se hâtant et en marchant lourdement. Clairement, elle était très en colère. Èrionda et Azéna se fixèrent pendant un long moment sans trop savoir quoi dire.

- Bah, je ne comprends pas ce que j'ai fait de mal, lança Èrionda en balançant ses bras dans les airs.

- Pourquoi Teriondil ne nous as pas parler de toi? demanda Azéna par curiosité.

- Sûrement parce qu'on ne s'entend pas très bien, expliqua-t-elle sur un ton étonnamment très monotone.

- Ah, je connais cette situation entre frère et sœur. Je comprends. De toute façon... Je vais... aller... err..

Èrionda sourit et lui donna une petite tape amicale sur l'omoplate.

- Ça va. Je comprends.

Elle fit une pause pour observer le dos de son interlocutrice.

- Tu sais que ton uniforme est... complètement ruiné?

- Ouais, je suis au courant. Bon, on se verra peut-être à ce... ce...

- À la débauche du croc stimilien, corrigea l'elfe. Beau dos, en passant. Il est bien musclé pour une fille. J'imagine que tu dois prendre tes cours physiques au sérieux. C'est bien.

- Err... B-bah.. Ouais, bégaya Azéna alors que son visage devint complètement rouge de gêne. C'est ça. Le titre de l'évènement je veux dire. De toute façon, on se verra... à ce moment-là...

- Ah! Et, dit à ton amie qu'elle aurait besoin d'une tasse de thé aux fleurs du crépuscule, cria-t-elle en faisant signe d'au revoir de la main à la demie-elfe qui s'éloignait. Je vous assure que c'est très bénéfique à la santé mentale!

Honnêtement, cette elfe ne semblait pas être rationnelle et Azéna ne voulait pas se faire frapper dessus, alors elle choisit de ne pas relayer ce message à Fayne.

- Bah bordel, dire que ça c'est la sœur du paisible Teri...

Elle rattrapa Fayne qui n'avait pas ralentie pour l'attendre. À bout de souffle, elle s'adapta à la cadence de la brunette.

- Hé pas si vite, dit Azéna dans l'espoir que Fayne se calmerait un peu.

La brunette ne dit rien.

- Bah, t'es vraiment si offusquée que ça? questionna Azéna. Allez, allez, Teri va bien. Il sait ce qu'il fait.

- Je suppose, soupira Fayne. Sa sœur est aussi perdue que lui.

- On ne sait pas. Peut-être que c'est nous qui sommes dans le champ.

- J'en doute fortement, grogna Fayne.

Mal à l'aise en cause de l'attitude obstinée de Fayne, Azéna tenta de trouver un autre sujet de discussion. En cause des souvenirs frais du dernier commentaire d'Èrionda, elle lança une question imprudemment:

- Tu trouves Èrionda de ton goût puisqu'elle est une elfe des bois?

- Elle est magnifique, répliqua Fayne avec une certaine admiration, mais non. Tu a vraiment des idées étranges qui te sortent de l'esprit parfois. Qui penserait à ces trucs?

Azéna resta bouche-bée par la réponse de son amie. Elle serra les dents, légèrement frustrée. Par contre, elle devait lui pardonner pour son manque d'ouverture d'esprit car, elle savait que leur culture natale ne leur apprenait pas de telles choses. C'était un concept étranger pour elles.

- Devrais-t-on mentionner Èrionda à Teriondil? C'est vraiment bizarre qu'il n'en a jamais parlé. C'est comme si elle n'existe pas pour lui.

- C'est son choix, expliqua Fayne avec patience et sagesse. C'est sa vie privée, tu sais. Je suis certaine qu'il est au courant de sa présence à l'académie... Il choisit tout simplement de ne pas la mentionner.

Une fois dans l'académie, elle suggéra qu'ils passent voir un maître quelconque qui puisse réparer l'uniforme d'Azéna avec de la magie. Celles-ci trouvèrent Saphia dans le Hall d'Archlan qui grignotait sur des fruits. Cette dernière se fit un plaisir de les aider.

De retour à leur chambre, Fayne s'installa en face d'une petite bassinet remplie d'eau et se mit à pratiquer une technique de contrôle d'eau un peu plus complexe qu'à son habitude. Elle semblait tenter de soulever le liquide, mais elle n'exerçait pas un élan assez puissant pour produire plus qu'un semblant de vague. Elle baissa les bras, grogna et fixa les ondulations qui disparaissaient lentement.

De son côté, Azéna décida d'essayer d'étudier en attendant Tyrath car elle savait que le drake allait venir la visiter pour vérifier si tout allait bien après ces évènements perturbants. Et comme elle l'avait prédit, celui-ci fit une courte visite durant laquelle elle lui expliqua tout ce qui s'était passé. Une fois qu'il fut parti, la nuit fut tombée.

- Je vais me coucher, décida Fayne, frustrée qu'elle ne pouvait pas maîtriser la technique qu'elle répétait maintes fois sans succès. Bonne nuit Azéna.

- Bonne nuit, répliqua son amie qui s'était accoudé contre le rebord de leur fenêtre pour observer Tyrath disparaître dans la pénombre du ciel.

Elle avait omis quelques détails de son récit en raison de la présence de Fayne. D'après sa réplique à la remarque d'Èrionda, elle n'était peut-être pas prête à entendre que son amie d'enfance était attirée envers les femmes et Azéna ne voulait pas créer un malaise qui pourrait obstruer leur amitié. La demi-elfe soupira longuement en fixant la pleine lune brune qui brillaient parmi les étoiles.

✦×✦

Les heures passèrent et elle ne trouva pas le sommeil. Elle se lassa de devoir rester tranquille pour ne pas réveiller Fayne et décida d'aller voir si Teriondil était dans la salle commune.

- C'est une bonne chose que j'ai bien dormie hier, murmura-t-elle pour elle-même.

Elle ouvrit la porte de la chambre doucement et descendit les escaliers le plus lentement possible en espérant que personne n'entendrait de craquements. Une fois à destination, elle trouva son ami installé devant le foyer comme à son habitude nocturne. Bien sûr, il avait une tasse de thé en main et la sirotait.

- Jirnah, dit-il en gardant son regard fixé sur les flammes dansantes. Incapable de dormir? demanda-t-il après qu'Azéna se soit assise à sa droite.

- Oh tu sais, dit la demi-elfe. Tu sais...

- Préoccupée par les évènements de la journée?

- Oh... Tu as vu ce qui s'était passé toi aussi? Ouais, ça fait bien du sens.

Honnêtement, elle aurait espéré qu'il n'aurait pas été présent, mais bien sûr, il l'était. C'était sa première partie de skotar et il aurait été étrange qu'il n'y soit pas.

- Fayne m'aurait arraché la tête si je n'avais pas été, avoua-t-il avec un sourire chaleureux. Mais tu sais bien que je me suis présenté de bonne foi. Je suis là pour t'encourager dans tes démarches.

- Tu es un bon ami Teri, complimenta Azéna.

Elle hésita un long moment en observant l'elfe des bois prendre une gorgée de son thé magique comme elle le surnommait, intriguée par ses propriétés.

- Tu en veux? offrit-t-il.

Sur le moment, le premier instinct d'Azéna fut de poliment refuser cette drogue illicite à laquelle elle ne sera jamais associé, mais quelque chose l'obligea à songer plus profondément avant de faire une décision. Elle repensa aux paroles d'Èrionda qui selon elle, consommer ce thé n'était pas si mauvais. Peut-être qu'une dose minimale serait parfaitement sécuritaire, mais devrait-elle prendre ce risque? De toute façon, elle en avait déjà consumé dans le passé et en large quantité et elle s'en était sorti intacte, sans aucun effet secondaire néfastes ce qui la surprenait. Les Daigorniens en parlaient comme si c'était la création d'un esprit corrompu avec l'unique objectif de tourmenter et rendre les gens malades.

- Bon, un petit peu, décida-t-elle. Par contre, tiens ta langue à ce propos. J'ai déjà une réputation amochée en cause de ma satané malchance.

- C'est d'accord, répondit Teriondil. De toute façon, ce n'est pas bien vue par ici. Honnêtement, je ne comprends toujours pas, mais bon. J'ai toujours eu un peu de difficulté à m'adapter à la culture de par ici.

Il versa une deuxième tasse qu'il gardait avec lui en cas où il aurait de la compagnie et la tendit doucement à Azéna.

- Fait attention. C'est très chaud. Je viens tout juste de la réchauffer sur le feu.

Azéna huma l'arôme que dégageait le breuvage turquoise translucide et constata que la senteur n'était pas si mauvaise que ça. Elle lui rappelait des fleurs des champs et des petits fruits.

- Dit Teri, commença-t-elle en espérant le questionné à propos de sa sœur.

- Mmmm? marmonna l'elfe en attendant la suite.

- Hé bien...

Elle hésita car un sentiment de culpabilité survint en elle. Fayne lui avait bien avertit de ne pas en discuter avec lui. C'était une question de respect de sa vie privé.

« Merde, se dit-elle. Je vais devoir trouver un autre sujet de conversation pour cacher l'original. »

La pensée d'Èrionda qui complimentait son dos la distraite momentanément, mais lui donna aussi une réponse à son dilemme.

- Concernant la culture de ton peuple, je me questionnais à propos de vos mariages.

- Le mariage est un nouveau concept pour moi, avoua l'elfe des bois. Ça n'existe pas chez nous. J'ai eu bien de la difficulté à le comprendre. Je ne vois tout simplement pas de bénéfices à ce rituel étrange.

Azéna cligna des yeux à multiples reprises et prit une petite gorgée du thé qui était maintenant à une température raisonnable.

- Qu'est-ce que tu veux dire exactement?

- Pour être franc, ça me semble être très restrictif et exigeant. Les deux âmes impliquées jurent fidélité ce que je comprends, mais ça me semble un peu ridicule d'être enchaîné à un seul individu pour le reste de tes jours. C'est contre nature.

- C'est contre nature? questionna Azéna qui était tout simplement déconcertée par l'idée de changer de partenaire à tout bout de champ comme une pute. Explique-toi un peu plus.

- Mais si voyons, insista Teriondil qui semblait aussi surpris que son interlocutrice par ses répliques. Vous n'êtes pas en contact avec votre dedans. Ce n'est pas bon pour la santé. Ferme tes yeux et rumine avec moi. Médite sur toutes les attractions que tu as expérimenter dans ta vie et raconte-moi ce que ton instinct en conclut.

Il se croisa les jambes, ferma les yeux et sa respiration ralentit presque immédiatement. Il avait toujours été un maître en médication. Azéna l'enviait parfois car, elle n'arrivait pratiquement jamais à faire taire ses pensées. C'était un constant chahut dans sa tête.

- N'est-ce pas ce qui nous diffère d'un animal? questionna Azéna.

- Réalise bien que tu es un animal. Notre force est notre intelligence, c'est tout. C'est ainsi que nous survivons. Un tigre n'a pas cet avantage alors, la nature lui as donner sa robustesse, sa vision supérieure et sa souplesse. À présent, délivre ton esprit de tes soucis et médite.

Soudainement, une vague de fou rire frappa Azéna sans avertissement. Entre quelques rires, elle gloussa et ce son qui ressemblait à celui d'un cochon, ne faisait que nourrir son délire. Lorsqu'elle réussit enfin à se calmer, son ventre lui faisait mal et ses yeux étaient larmoyants.

- Mais, t'es idées folles Teri. Je n'en peux plus. J'ai mal.

Teriondil garda les yeux clos, mais il afficha un petit sourire en coin.

- Un jour, peut-être que tu comprendras, dit-il.

Azéna prit une deuxième gorgée de thé, exhala profondément et sentit une vague de chaleur réconfortante se disperser dans son corps.

- Non, mais sérieusement, vous pensez tous comme ça?

- Pour la plupart, répondit Teriondil en s'abreuvant lui aussi de thé. Rares sont ceux qui décident de se dédier à une seule personne. Être polyamoureux est plutôt commun. D'une façon ou d'une autre, nous sommes flexibles et ouverts d'esprit. Dans le fond, tu fais ce qui te rend heureux.

- Qu'en est-il de toi?

- Je n'en sais rien, avoua-t-il en déposant sa tasse de thé vide en avant de lui. Éprouver une attirance romantique envers un autre personne serait un début. Je me sens comme si mon âme désire errer alors, je ne suis pas certain si je désire une relation sérieuse, vois-tu?

- Alors, tu as déjà éprouvé de l'attirance sexuelle, pas vrai?

- Précisément.

- C'est une image étrange... Mais bon, je te comprends. Je ne crois pas avoir aimée au niveau romantique moi non plus. Je ne suis même pas certaine comment on se sent dans cet état. Par contre, les hormones... M'ouais... Surtout dernièrement...

Elle évita le regard de l'elfe et sentit son sang lui monter aux joues. Elle n'avait jamais partager ce genre d'information avec qui que soit.

- J'étais déjà au courant, informa Teriondil.

Panique totale. Elle se raidit et tourna légèrement le visage vers lui.

- Comment?

- Je ne sais pas en ce qui concerne la romance dans ton cas, mais depuis que je t'ai rencontré, tu as toujours eu tendance à porter plus attention aux femmes physiquement. Tu les zieutes beaucoup, à moins que ce ne soit qu'une méfiance quelconque et je me trompe.

- Bah... Je ne m'en suis même pas rendu compte moi-même, avoua Azéna complètement choquée par la révélation de son ami rêveur. Par contre, maintenant que j'y penses, tu as raison. Oh, c'est gênant ça.

- Ne t'en fait pas, rigola Teriondil de bon cœur. C'est instinctif. On ne s'en rend pas compte habituellement à moins qu'on y porte attention.

Azéna, le visage rouge comme une cerise, tenta d'oublier sa misère en buvant une grosse gorgée de thé magique.

- Hé! Pas trop vite, conseilla Teriondil. Je ne voudrais pas que tu sois submergé par les effets euphoriques.

- Ça va, ça va, marmonna mollement Azéna. Je vais bien, monsieur! J'ai le contrôle complet de mon corps.

Un sentiment étrange l'attira à se rouler en boule sur le sofa. Puis, un fredonnement familier berça son esprit doucement. Elle se sentit si confortable qu'elle tomba profondément endormie comme une enfant.

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