28 - Duel du délire
44e jour de la saison de la faux 2448
Un rugissement secoua l'esprit d'Azéna qui s'éveilla en sursaut. Somnolente, elle regarda autour d'elle et se rendit immédiatement compte qu'elle était dans son propre lit et non sur le sofa de la chambre commune. Est-ce que Teriondil l'avait emporté ici? Elle ne se rappelait d'absolument rien après s'être endormie.
- Blergh, quel sommeil profond, marmonna-t-elle d'une voix pâteuse.
- Contente que tu as bien dormi pour une fois, dit Fayne qui était déjà en train de brosser sa longue chevelure ondoyante devant le miroir.
- Ça n'empêche pas que je suis morte de fatigue, ronchonna-t-elle en se traînant en dehors de son lit.
Elle tapota sa table de nuit pendant un instant pour finalement se rendre compte qu'elle avait oubliée de rapporter un verre d'eau avec elle hier soir. La gorge sèche, elle ramassa son uniforme propre et l'enfila. Alors qu'elle passa le collet de sa chemise autour de sa tête, une vérité importante se présenta dans son esprit: Teriondil savait qu'elle était attirée envers les femmes. De plus, elle avait bu beaucoup de thé magique.
- Oh, misère...
Par contre, elle devait avouer que mis à part la fatigue et la sécheresse buccale, elle se sentait bien, à peu près normale.
- Qu'est-ce qui se passe? questionna Fayne qui était en train d'attacher ses cheveux en une tresse parfaite.
- Ah... En fait, rien du tout.
Elle était surprise de constater que pour une fois, son amie ne s'était pas rendu compte qu'elle avait passé la nuit avec Teriondil. Elle se tapota les joues pour se remettre de sa gêne soudaine et accrocha son arc elfique à son dos.
- Quelque chose semble bizarre ce matin, commenta Fayne.
- Je ne sais pas de quoi tu parles, répondit Azéna à toute vitesse. Bon, hé bien, je dois... je dois aller donner un bain à Tyrath. Eh, je veux dire, je dois aller rencontrer Tyrath avant les cours. À plus tard.
Dominée par son malaise, elle sortir de la chambre avec hâte et ignora Arièlla qui la salua alors qu'elle traversait la salle commune.
- Ma foi, quel culot celle-là, grogna Arièlla alors qu'elle se rendit compte que son amie ne lui portait pas attention par exprès.
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8e jour de la saison de la mort 2448
Azéna passa une période avec Fiara et Neige à chaque deux jours sans exception, même si en ce jour il n'y avait pas de cours régulier à essayer de maîtriser l'élément de la vie, toujours sans succès. Elle n'y comprenait rien. Même si elle était en parfait contrôle de ses émotions, rien ne se produisait.
Dix jours depuis l'accident de skotar s'était écoulées et après sa session avec Fiara et Neige sans résultat concret, elle perdit son sang-froid et abattit sa rage contre un pupitre qu'elle ravagea en créant une petite tornade compacte.
- Au moins, tu pratiques ta maîtrise du vent, plaisanta Fiara. Et ça, clairement, ça s'améliore!
- La ferme! hurlèrent Azéna et Neige simultanément.
En plus de la pression de son entraînement général et de celui avec l'élément de la vie, elle était inquiète pour Umah et Yuzia. Maître Ruvior et son groupe de dragons et dragonniers étaient parti à ses trousses il y avait plusieurs jours et ils n'avaient toujours rien entendus à ce propos. D'ailleurs, entretemps, Azéna avait suivi le conseil de Maîtresse Nymia et s'était fait transférer de son cours à celui de tactiques de combat. Elle avait l'intention de devenir un maraudeur, soit une guerrière spécialisée en attaque sur les lignes de front. C'était une voie risquée, mais elle était prête à assumer ce choix. En fait, elle était assez confiante parce qu'elle avait de son côté un dragon et l'élément du vent pour se protéger. En autant qu'elle ne soit pas trop impulsive, elle assumait qu'elle pouvait vaincre n'importe quel ennemi humanoïde qui n'était pas dragonnier ce qui était déjà très improbable.
Morte de fatigue, elle s'écroula sur ses genoux et tenta de stabiliser sa respiration. Entretemps, on cogna à la porte.
- Entrez, invita Fiara avec entrain.
- Nous allons prendre une pause de toute façon, décida Neige en s'installant dos contre un mur.
Qu'importe qui était le visiteur, Azéna en avait encaissé assez pour la journée.
- Pas de pause, annonça-t-elle. Je vais me coucher. Je vais m'écrouler si ça continue ainsi.
L'intru pénétra dans la Chambre des Duels et s'avança à petits pas rapides. On dirait qu'il chargeait en direction d'Azéna. La demie-elfe alarmée leva le regard et aperçut Fayne qui paraissait affligée par quelque chose.
- Je suis tellement désolée de te déranger quand tu t'entraines sans répit, mentionna la brunette en s'arrêtant devant elle. Maître Ruvior te cherchait.
- Il est revenu! s'exclama Azéna en se levant d'un bond, complètement revigorée par la surprise.
Fayne parut soudainement attristée. Elle baissa le regard comme lorsqu'elle avait honte de ses actions.
- Quoi? demanda Azéna. Allez, ne me fais pas languir.
- Ils n'ont pas trouvés Umah et Yuzia, murmura-t-elle avec chagrin en tenant ses mains l'une dans l'autre comme pour se réconforter. Alors... Il accepte de t'emmener avec lui sur sa prochaine expédition. Durant ton absence, tous tes devoirs, tests et autres seront pardonnés en échange d'une évaluation sur le terrain. Et... Et...
Enfin, elle éclata en sanglots. C'est cette réaction qu'Azéna attendait avec amertume.
- Ne t'en fais pas, assura-t-elle en serrant son amie dans ses bras. Je suis certaine que ça va aller mieux la prochaine fois. Je ne laisserai pas tomber.
- C'est si horrible, marmonna Fayne. Et si ça t'arrivait à toi?
- Ce n'est pas possible tant que j'ai Tyrath avec moi et crois-moi, il ne me lâchera jamais des yeux!
- Tu es si impulsive et idiote. Tu ne peux pas prédire que ça ne t'arrivera pas.
Encore une fois, la tristesse eut raison de Fayne et elle se mit à pleurnicher comme une enfant à qui on lui a enlevée sa poupée. Cette-fois, Azéna se sentit un peu mal à l'aise; elle n'avait jamais été très bonne pour consoler les gens en crise.
- La débauche du croc stimilien va débuter bientôt, informa Fiara.
Azéna devina que la maîtresse ressentit la confusion de son élève et avait tentée de lui venir en aide. Elle ne gâcha pas cette opportunité.
- C'est vrai Fayne. On va avoir du plaisir ce soir.
- Et.... Azéna est enfin d'âge adulte, mentionna Fiara avec un sourire espiègle. Tu veux une petite bouteille de vin?
- Fiara! s'écria Neige qui semblait dégoûtée de sa jumelle. Franchement.
- Bah quoi? C'est tout de même mieux que lui suggérer des drogues illicites qui sont apparemment en circulation durant ce festival.
- Fiara! aboya Neige, cette-fois avec le ton d'une mère qui dispute son enfant. Parfois, je suis tentée d'installer un filtre magique sur ta langue.
- Ce n'est qu'une rumeur, essaye de se corriger Fiara. Les gens aiment dramatiser. De toute façon, allez-vous préparer! Ça en vaut la peine, je vous l'assure. On dit que cette fois, c'est Èrionda Murkwan et Renora Shenir qui vont s'affronter durant le duel. Deux personnalités enflammées! Ça risque d'être tout un combat.
Fayne avait toujours des larmes aux yeux, mais celle-ci souriait et riait doucement des deux maîtresses qui se querellaient comme des enfants. Malgré qu'elle se fût attirée la colère de sa sœur, Fiara avait bien accompli sa mission. Par contre, elle avait fait l'erreur de mentionner l'alcool et cela intéressait beaucoup le côté espiègle d'Azéna. Tout de même, elle devait respecter l'état de choc de Fayne donc, elle s'abstint de démontrer un trop grand intérêt.
- Ça va mieux? demanda-t-elle.
- Oui, dit Fayne en hochant de la tête. Allons au festival.
Les deux amies allèrent chercher Teriondil et Arièlla dans la salle commune de la Tour de la Motivation et rencontrèrent leurs dragons en chemin vers le centre-ville où la débauche du croc stimilien allait prendre place. Curieuse comme à son habitude, Azéna ne cessa de poser des questions à Arièlla car celle-ci avait déjà assistée à ce festival auparavant.
- J'avais sept ans je crois, dit la blonde. Cette fois-là, c'était le Maire lui-même qui avait tué un stimilien qui s'en était pris à sa fille alors qu'ils voyageaient dans le royaume de Daigorn pour une simple visite culturelle.
- Un coup de chance, lança Ella. Les stimiliens sont des prédateurs dangereux qu'un humain ne pourrait normalement pas abattre.
- Est-ce que le Maire est un guerrier? questionna Azéna. Je sais qu'il ne s'est jamais lié à un dragon.
- C'est avant tout un politicien, expliqua Arièlla. Mais, lorsque sa femme tomba enfin enceinte, il voulait assurer la survie de son héritière et s'entraîna au combat à l'épée.
- Ça c'est un noble père, souligna Fayne.
- Hé ! Qui a participé au duel à cette année-là? demanda Azéna avec intérêt.
L'expression faciale d'Arièlla changea subitement. Elle laissa tomber ses bras mollement et soupira.
- Bah quoi? continua Azéna. Ça ne peut pas être si pire que ça.
- Ma mère et mon père, répondit Arièlla en se cachant la face momentanément dans la paume de sa main. C'est une vraie honte.
Azéna s'imagina la scène : Nymia qui donne un coup de pied au cul d'Eldarytzan alors que celui-ci est entrain de délirer dus au poison qui l'infecte. Elle sourit et pouffa de rire.
- Je sais déjà qui a gagné ce duel, dit-elle en se croisant les mains derrière sa tête.
- Tu as probablement raison, répliqua Arièlla. Pas le peine de le mentionner.
Une fois au centre-ville, le groupe d'amis n'eurent pas de difficulté à localiser le cœur du festival. Il y avait des participants qui dansaient ou buvaient un peu partout dans les rues, irritant les chariots volumineux qui ne se mouvaient pas aisément. En passant devant quelques kiosques, les marchands avaient déjà offert plusieurs types de bières, de vins et de spiritueux aux adolescents. Seule Azéna semblait tenter par ces offres, mais elle n'avait pas de quoi payer.
- Honnêtement, ce festival est modeste, mentionna Azéna. Pas trop de décorations et les gens semblent se divertir par eux-mêmes. Il ne va pas à la cheville du Festival du Miracle.
- C'est assez dernière minute et improvisé, lui rappela Fayne. C'est difficile de prévoir quand quelqu'un va ramener un croc de stimilien en ville, tu sais.
C'est alors qu'ils arrivèrent en plein centre du festival où quelques habitants s'entre-aidaient à la préparation d'un espace pour le duel. Ils y installèrent une statue de taille réaliste d'un humanoïde qui paraissaient important. Azéna s'y approcha pour l'examiner.
- Mmm... c'est quoi ça?
Lorsqu'ils furent à environs un mètre de la statue, Fayne hoqueta, choquée par l'apparence surprenante de l'individu représenté.
- Je devine que c'est ça un stimilien, dit Azéna. Bah, faudrait éviter de se faire mordre.
- C'est... différent..., lança Fayne qui semblait essayée d'être polie malgré son inconfort évident.
Le personnage en question représenté par la statue était si détaillé qu'on aurait dit une copie conforme du vraie en chair et en os, sauf de couleur de pierre. Il était en train de sourire, tirait sa langue fourchue et paraissait être affecté par une soif de sang vorace. On pouvait apercevoir la plupart de ses dents qui étaient pratiquement toutes des canines acérées de différentes grosseurs. Une morsure et le dommage serait surement catastrophique et ça, c'est sans faire mention du poison. Le deuxième aspect qui distinguait bien le stimilien d'un autre humanoïde était ses six yeux unicolores dont les quatre extras étaient positionnés sur les côtés près des tempes.
- Bah on dirait une espèce d'araignée, commenta Azéna. C'est vraiment étrange ce truc.
Mis à part ces traits ainsi que ses griffes aux mains, le stimilien semblait humain et portait une armure rudimentaire en fourrure et en cuir ce qui suggérait qu'ils n'étaient pas très avancés technologiquement, mais qu'ils étaient tout-de-même moyennement intelligent.
- Je me demande s'ils savent parler, dit Teriondil. Ça serait intéressant d'en apprendre plus à propos de leur culture.
- Ils vont te dévorer avant de te parler Teri, répliqua Azéna. Bah, tu ferais un délicieux petit ragoût d'os elfique.
Fayne et Arièlla grimacèrent à cette remarque.
- Tu as parfaitement raison Azéna, souligna Ella d'une voix sévère. Ça ne se produira pas tant que je suis à ses côtés.
- Reste près de lui alors, dit Azéna en retenant un rire sachant que Teriondil serait assez décontracté pour tenter d'établir une conversation avec l'un d'eux.
- C'est mon intention, répliqua la dragonne verte avec fierté.
Azéna ne lui portait plus attention; elle était en train de frotter son index sur les canines principales de la statue comme pour les nettoyer.
- Azéna, grogna Fayne en zieutant son amie avec irritation. Ne touche pas à la statue! N'as-tu pas une graine de dignité en toi?
- Pas vraiment, répondit Arièlla à la place d'Azéna.
- Bon ça va, ronchonna Azéna qui n'appréciait pas que la blonde se moque d'elle. Tu n'es-
Le son d'une bouteille qui était tombée au sol la distrait. À ses pieds se trouvait une bouteille de vin presque pleine.
- Comment... ? Quoi !? C'est un miracle !
Elle tourna la tête dans tous les sens et aperçut un homme qui avait continué son chemin sans s'arrêter. Elle pouvait seulement voir son dos, mais elle reconnut.
- Vigoth, appela-t-elle. Ta bouteille de vin! Hé !
Le Grand Maître fit signe qu'il avait entendu et qu'il s'en foutait. Bouche bée, Azéna prit un moment à analyser la situation, puis elle hurla son contentement, agrippa la bouteille et lui donna un câlin.
- Tu es vraiment... ridicule, dit Arièlla en union avec Fayne.
- Vous êtes idiotes! rétorqua Azéna avec passion. Hé Tyrath, on va se payer une petite soirée relaxe!
Tyrath approuva d'un grognement et se mit à sautiller autour de sa dragonnière comme un chiot à qui on offrait un os frais. Les deux amis se partagèrent l'offrande du Grand Maître alors que leur group attendait patiemment pour que le duel débute. Entretemps, une bonne foule se rassembla autour du cercle désigné. Melanh'tash ne se présenta pas à la soirée. Azéna s'imagina qu'elle devait probablement s'en foutre et que tout ce qu'elle désirait était la gloire d'avoir tué un stimilien ce qui était compréhensible. Ou... peut-être désirait-elle d'éviter Vigoth qui allait évidemment être présent à cet évènement. Quoi qu'il soit, Azéna était moyennement ivre lorsque la bouteille de vin se vida.
- Comment tu te sens, mon pote? demanda-t-elle en se couchant entre les deux pattes avant de Tyrath et en lui offrant le plus grand des sourires.
Dans une tentative de se procurer un peu plus de confort, elle croisa ses bras derrière sa tête pour former un coussin.
- Ça n'a pas très bon goût pour être franc, avoua le drake qui dut baisser le regard pour voir son interlocutrice. Par contre, ça me procure un sentiment de bien-être et une chaleur au ventre.
Elle pouffa de rire et le pointa d'un doigt chancelant.
- Tu es trop mignon, dit-elle dans une voix enfantine alors qu'elle se mit à gratter le ventre du drake.
- Vous êtes horriblement adorables, commenta Arièlla alors que Tyrath se mit à ronronner comme un chaton.
C'est à cet instant qu'une jeune elfe solitaire s'installa à quelques mètres du groupe d'amis. Aussi tranquille qu'une rivière dormante qui suit tout simplement son chemin, elle était là assise parmi tant d'autres gens qu'elle n'accorda aucune attention. Elle semblait tout simplement attendre pour le duel comme le reste. Bien qu'elle ne l'aperçût pas souvent à l'académie, Azéna la reconnut comme étant l'un des témoins lors de son jugement avec le Haut Conseil qui s'était produit l'an passé. Par contre, elle n'arrivait pas à se souvenir de son prénom. Elle se souvenait du seul détail important: lorsqu'elle l'avait reconnue et remerciée pour sa bravoure. Mais, quel était son prénom?
- Naë, tu es venue ! s'exclama une autre jeune dragonnière.
- Bien sûr, répliqua Naëshirie. Je ne manquerai pas ton duel comme je te l'ais promis.
Naëshirie. Avec la mention de son nom, les souvenirs du Haut Conseil qui présentait tous les participants au jugement d'Azéna refit surface. Elle se sentit soudainement un peu embarrassée par cet oubli. Intriguée par l'interaction des deux demoiselles, elle se retourna sur son ventre et les observa directement sans se poser de questions. Seul Tyrath se rendit compte de ce qui se passait. Il donna une petite poussée subtile sur le côté de sa dragonnière en tentant d'obtenir son attention, mais cette dernière l'ignora.
C'était Renora qui discutait avec Naëshirie. Elle était dos à Azéna donc, elle ne l'avait pas remarquée.
- Bon, je dois y aller, dit l'humaine d'Elthen en se dirigeant vers le centre de l'espace réservé pour les combattants.
- Bonne chance, souhaita Naëshirie en souriant chaleureusement.
Renora lui fit signe de la main en se frayant un chemin au travers de la foule.
Un instant plus tard, Naëshirie soupira tristement en jouant avec une de ses tresses aussi blanches que de la neige fraîchement tombée puis, sans avertissement, elle se tourna vers Azéna.
- Uh, lança Azéna qui fut prise au dépourvue.
Ce son était la réaction d'un embarras soudain. Azéna s'était fait prendre sur le fait à fixer Naëshirie sans gêne. Incapable de contrôler ses émotions, elle réagit en détournant le regard. Elle entendit un petit rire et ne put s'empêcher de jeter un coup d'œil en direction de l'elfe aux grands yeux vert céladon. Cette dernière lui offrit un sourire en coin et se tourna vers la piste de combat sur laquelle Renora et Èrionda attendaient.
- Bah ça alors, dit Tyrath.
- N'ajoute rien, grogna Azéna.
La demi-elfe s'assit en s'adossant contre la patte de son compagnon et croisa les bras en concentrant toute son attention sur la paire de duellistes.
- C'est comme tu veux, répliqua le drake en souriant étrangement.
Sous le regard vicieux de la statue du stimilien, le Maire Onni se plaça devant Èrionda et Renora. Il leur présenta à chacune un petit couteau qui ressemblait énormément à une canine de stimilien.
Une imitation du poison qui s'écoule des crocs d'un stimilien a été appliqué sur ces armes, expliqua Onni à la foule. Le poison a pour effet une euphorie et un délire puissants et temporaires. Le but de ce duel n'est pas d'abattre physiquement, mais de rester sain d'esprit le plus longtemps possible. Ceci est un combat mental.
Onni serra la main des deux jeunes dragonnières et ensembles, ils hurlèrent:
- Pour la gloire! Pour Atgoren!
Azéna cligna des yeux, incertaine de comprendre pourquoi ils agissaient de la sorte.
- Ils exagèrent un peu, non? On dirait qu'ils partent à la guerre...
- Pas du tout, lança Arièlla avec une fierté qu'elle n'essayait clairement pas de cacher. C'est un grand honneur d'avoir tué un stimilien. Ça démontre que la ville possède de puissants guerriers.
Azéna abandonna la chasse. Elle trouvait ce principe un peu ridicule, mais dans un sense, elle comprenait car elle désirait devenir un atout à l'armée des Gardiens d'Aerinda. D'ailleurs, elle ne savait même pas pourquoi elle pensait à de telles choses en ce moment. Sa tête lui tournait et elle éprouvait de la difficulté à se concentrer.
- Putain, je serais merdique à ce genre de lutte, dit-elle dans l'espoir de changer de sujet.
Dans l'espoir d'atténuer son mal de tête, elle posa son menton dans sa main droite et observa la scène devant elle. Lorsque le Maire leur donna la permission de débuter, Èrionda et Renora s'élancèrent l'une sur l'autre. Une vision brouillée de flammes et de vent puis, d'une petite explosion secoua Azéna. La foule clama leur appréhension et les deux femmes continuèrent leurs attaques acharnées. Feu contre vent... Ce duel donna un mauvais arrière-goût à Azéna. Ça lui rappelait elle et Arièlla durant leur rivalité un peu trop agressive. Renora avait l'avantage et en profita pour limiter les mouvements d'Èrionda car celle-ci ne voulait pas se faire brûler. Une coupure puis, une deuxième. Èrionda était déjà dans une mauvaise position et honnêtement, Azéna éprouvait de la difficulté à accepter la situation. Elle mettait tout en parallèle avec ses souvenirs et les émotions négatives bouillaient de plus en plus en elle.
- Allez Èrionda ! hurla-t-elle. Utilise ta vitesse supérieure et coince-la!
Du coin de l'œil, elle aperçut l'elfe des bois combattante la remercie d'un hochement de tête et mit son conseil en action. Elle se servit de son contrôle sur le vent pour se mouvoir avec la grâce d'un félin et évita toutes les attaques de Renora aisément.
- Excellente stratégie, nota Buhrik. Si la force brute de fonctionne pas, utiliser l'agilité est parfois meilleur.
Éventuellement, Renora paru confuse et à bout de souffle. C'est à ce moment de faiblesse qu'Èrionda la coupa à plusieurs reprises. Par contre, l'humaine l'érafla à la jambe.
Les deux s'immobilisèrent pendant un long moment durant lequel elles grimacèrent.
Azéna remarqua que Naëshirie avait entrecroisée ses doigts un peu comme si elle était en train de prier. Par contre, elle ne prononçait aucune parole et ses yeux étaient écarquillés, absorbée par la tension du duel.
Finalement, Renora se mit à hurler comme une démente.
- Qu'est-ce qui se passe? murmura un des spectateurs. Est-ce que c'est les effets du poison?
Naëshirie hoqueta et une larme roula le long de sa joue. Azéna eut l'impulsion d'aller la réconforter, mais elle réalisa qu'elle ne la connaissait même pas et elle opta pour ne pas bouger.
- Non père, je ne veux pas, pleurnicha Renora. Je n'aime pas ce masque! Je n'aime pas ce festival! Je déteste ces coutumes et cette ville!
Renora fondit en larmes et tomba à genoux en tremblant. On dirait bien qu'elle avait des hallucinations de son enfance. Azéna se demandait bien de quoi elle parlait. Sûrement une coutume d'Elthen.
De son côté, Èrionda tenait bon. Elle semblait s'être calmée et avoir retrouvée le contrôle d'elle-même. Elle attendait patiemment que sa rivale se relève ou encore que la victoire lui soit accordé. Azéna se sentit fière car, elle se voyait dans la peau d'Èrionda où un jour, l'opprimé s'en sortirait victorieux. D'un autre côté, elle se sentait mal pour Renora et Naëshirie. À ce point-ci, que les spectateurs observent sans réagir était à son avis cruel.
- Faites cesser ce martyr ! aboya-t-elle en fixant le Maire. Ça suffit!
Maire Onni hésita, choqué de l'éclat de colère d'Azéna.
- La victoire va à Èrionda, annonça-t-il en levant une main vers le ciel.
La foule applaudit l'elfe des bois avec ardeur, mais Azéna s'en foutait. Elle regarda Naëshirie se précipiter vers Renora et la soutenir dans sa misère en lui offrant un câlin rassurant. Renora sembla se calmer instantanément.
- Merci, dit Naëshirie à Azéna.
Encore une fois, la demi-elfe se sentit appréciée et reconnue par Naëshirie et durant ce moment, elle se sentit combler un peu comme quand Argent la supportait malgré que leur famille entière s'opposait à leurs idées.
- Je me demande comment va Argent, murmura-t-elle avec un peu de tristesse.
Elle fixa ses yeux sur ceux de Naëshirie et sourit timidement.
- Ce n'est rien, dit-elle.
Tyrath poussa un grognement qui ne faisait que monter et descendre en intensité.
- Arrête de rire, grogna Azéna. Ce n'est pas drôle.
Elle se croisa les bras et tenta d'éviter les regards de tout le monde, sachant que son visage était probablement rougi par l'embarras.
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