Chapitre 9 Le voyage continue
Il était 8H. Nous montions dans le train, en route pour la capitale et j’avais hâte de voir la réaction d’Isa face à la grande ville lumière. Mais pour le moment, lumière et vampire faisaient encore deux. Isa me tenait par l’épaule et se laissait guider à travers les voitures. Nous prîmes position à nos places respectives. Isa commença par fermer son rideau afin de soulager ses yeux qui commençaient à rougir.
« Vous allez bien mademoiselle ? Demanda le contrôleur.
-Oui ne vous inquiétez pas. J’ai un peu trop regardé le soleil.
-Mon amie a les yeux sensibles. Dis-je tout en présentant nos billets.
-Les vôtres, monsieur, ont l’air d’être endurcis.
-Oui, mais ça c’est parce que je suis soudeur. »
Sur ce, il poinçonna les billets et nous laissa tranquille. Alors que les yeux d’Isa retrouvaient leur belle couleur. Je me risquai à lui demander plus de détails sur ce qu’elle comptait trouver à Paris.
« Pour l’instant nous avons une clé de décryptage conçue par Lorenzo, elle va nous servir à décoder les instructions qu’il a laissés.
-Où sont-elles ? Demandai-je.
-À la BNF.
-Tu comptes dérober un ouvrage ?
-Je pense que ça ne sera pas nécessaire. Une consultation sur place devrait suffire. Là encore, tu vas devoir m’aider, ça n’ouvre que de jour. Si tu peux m’y conduire, je trouverai le temps d’effectuer des copies du document.
-Ça n’a pas l’air trop difficile. C’est tout ce qu’il te faut à Paris ?
-Non, il y a un troisième élément.
-De quoi s’agit-il ?
-Un triptyque.
-Un quoi ?
-Un ensemble de trois tableaux commandés par Lorenzo à un peintre français. C’est l’élément final qui nous dira où se trouve le cœur de Lorenzo.
-À quoi ressemble ce cœur au juste ?
-je n’en ai aucune idée.
-Tu l’ignores ?
-Malheureusement, personne ne l’a jamais vu. Je suppose que le livre de Lorenzo nous le dira. »
Je commençais à devenir perplexe. Mettre la main sur les instructions laissées par ce Lorenzo restait abordable, mais au sujet des trois tableaux, je craignais qu’Isa ne prenne trop de risques pour les obtenir.
Finalement, j’acceptai le fait qu’elle fût adulte et qu’elle savait à l’avance sur quoi elle s’engageait. Afin de tuer l’ennui durant le voyage, je m’assoupis quelques instants, en laissant Isa jouer avec mon portable.
Quelques heures avaient passé. Lorsque je me réveillais enfin, mon téléphone était devant moi, mais Isa avait disparu. Inquiet, je me levais et commençai à chercher à travers les allées du train, troublant la tranquillité des autres voyageurs. Où avait-elle bien pu passer ? Avait-elle eu une petite faim ? Je priais pour qu’elle n’eût rien fait de stupide.
J’entendis un cri à l’opposé d’où je me dirigeais. Je fis volte face puis parcouru l’allée centrale dans l’autre sens, dérangeant à nouveau les voyageurs. J’arrivai le premier sur les lieux et je retrouvais Isa qui soutenait un homme d’une quarantaine d’années.
L’homme en question n’avait pas l’air bien et c’était le moins que l’on puisse dire. Son costume, sa chemise et sa cravate présentaient des taches de sang. Je remarquai alors que son cou présentait les stigmates caractéristiques aux morsures des immortels.
« Isa, mais enfin, que s’est-il passé ?
-Je n’y suis pour rien. Ne reste pas là. Appelle les secours ! S’exclama-t-elle. »
Ne réfléchissant plus, j’activai le système d’alarme qui alerta le personnel du train, pendant qu’Isa était occupée à administrer les premiers soins au malheureux.
Rapidement, le train s’arrêta, puis un petit attroupement se forma sur les lieux de l’incident. Isa avait fait pression sur la plaie à l’aide de son mouchoir puis était occupée à ranimer l’homme blessé par tous les moyens dont elle disposait. Elle pratiqua alors un bouche-à-bouche devant moi pendant quelques minutes jusqu’à ce que l’homme reprenne doucement conscience. Sur le moment j’étais encore choqué, car je ne parvenais pas à comprendre ce qui avait pu arriver.
Un hélicoptère arriva et les secours embarquèrent l’homme avant de s’envoler pour l’hôpital le plus proche. Après quelques minutes, nous pûmes enfin repartir. Nous avions pris du retard, mais le personnel du train assura qu’Isa avait très bien réagit. L’homme n’avait pas perdu trop de sang et allait s’en sortir. Il présentait des symptômes semblables à ceux de l’anémie. S’était-il retrouvé seul avec Isa, ou même quelqu’un d’autre…
Isa reprit sa place en face de moi. Sa chemise était tachée de sang, ainsi que ses mains et au premier regard je dois admettre que j’étais tenté de la croire responsable.
« Isa, qu’est ce qui est arrivé à cet homme ? Demandai-je d’un ton hésitant.
-Est-ce que tu me croirais si je te disais qu’il s’est fait cela en se rasant ?
-Non…
Isa marqua un silence puis enchaîna.
-Effectivement, ce n’est pas ce qui est arrivé, mais ça m’arrangerait beaucoup si tu pouvais dire cela, au cas où on te poserait des questions.
-Isa tu peux me jurer que tu n’y es pour rien ?
Voyant que je la soupçonnais sans aucune retenue, Isa ouvrit la bouche et me montra ses crocs immaculés.
-Vois-tu du sang sur mes dents ? Demanda-t-elle.
Après inspection, je ne pus que m’incliner face à l’évidence, Isa était bien innocente.
-Elles sont toutes propres !
-Je te l’ai déjà dit, je ne peux plus me nourrir de sang humain. Pourtant, j’aimerais.
-Mais alors, si ce n’est pas toi, est-ce que c’est… ?
Isa mit son doigt sur ma bouche et me fit signe de me taire.
-Il est avec nous, dans le train ! Murmura-t-elle. Ça peut être n’importe qui.
-Tu penses pouvoir le démasquer. Demandai-je, choqué.
-Je ne sais pas trop, il y a beaucoup de monde, beaucoup d’odeurs différentes, il semble très doué pour masquer sa présence. Jusqu’ici, il n’y a que toi qui ais su le détecter.
-J’ai juste ressenti une impression de danger. C’était peut-être le hasard.
-Non, c’est autre chose. Le jour de notre rencontre tu as su immédiatement que j’étais derrière toi alors que j’ai utilisé toutes mes aptitudes de vampire pour me cacher. Cela ne m’était encore jamais arrivé.
-Attend, tu me suivais délibérément ? Mais comment tu savais qui j’étais ?
Isa hésita un moment puis lâcha un aveu de taille.
-Voilà… C’est que… Quelqu’un m’avait envoyé vers toi.
-Qui donc ?
-Une amie à moi qui m’a aidé à échapper aux allemands sous l’occupation et pour qui tu comptais beaucoup. Elle s’appelait Eva Deschamps.
-Eva Des… Ma… Ma grand-mère donc !
-Oui, ta grand-mère.
-Dans ce cas, je veux que tu me dises tout ! Qui es-tu ! Pourquoi tu ne réapparais que maintenant ?
Isa baissa le regard pour dissimuler les larmes qui se formaient dans ses yeux. Elle s’apprêtait surement à remuer un ancien secret de famille douloureux, mais j’allais enfin savoir ce qui reliait ma famille aux vampires.
-Je suis Marie Isabelle Garnier de la Baie, la première femme de ton grand-père. »
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