Chapitre 10 Arrivée à Paris
J’avais eu du mal à digérer la dernière révélation que je venais de recevoir. J’étais encore un peu stupéfait et je ne savais pas vraiment comment réagir. Mais Isa ne me laissa pas récupérer.
« Maintenant, tu sais qui je suis… À ton tour de faire quelque chose pour moi. Aide-moi à trouver celui qui me poursuit. Démasque-le.
-Mais Isa je…
-Concentre-toi, répliqua-t-elle. »
Face à cette démonstration d’autorité de la part de mon ainée, je m’exécutais, même si au fond de moi-même je n’y croyais pas vraiment. J’essayai alors de me souvenir de ce que j’avais ressenti le jour où j’avais rencontré Isa, ainsi que le jour où j’avais vu le démon aux yeux rouge pour la première fois. La sensation d’insécurité, le froid... Je fis le vide dans ma tête une première fois et fermai les yeux. J’entendais vaguement les discutions, les rires, les pleurs, mais lui je ne le sentais toujours pas.
« Tu penses trop avec tes sens. Dit-elle.
-J’aimerais bien t’y voir…
Isa poussa un soupir.
-C’est bon, je vais t’aider… Essaie de te détendre. »
Isa prit mes mains dans les siennes et je remarquai qu’elle recherchait subtilement mon pouls. Elle ferma ses paupières puis les rouvrit brutalement. Je vis alors que ses yeux avaient changés. Ils étaient devenus plus intenses, plus sauvages.
« Plonge toi dans mon regard et n’écoute que ma voix. Dit-elle.
-C’est un genre d’hypnose ? Demandai-je.
-Non, je ne peux pas te contrôler sans ton accord, ce serait plutôt de la suggestion. Maintenant tais-toi et laisse-toi faire. Je vais faire un décompte à partir de dix. »
Isa commença à énumérer les chiffres lentement et au fur et à mesure qu’elle le faisait, je sentais mon état de conscience se modifier, comme lorsque l’on est en proie à une paralysie du sommeil. J’étais à demi éveillé et à demi endormi, mais ma perception de ce qui m’entourait était différente. C’était une sensation difficile à décrire. C’était comme, voir avec son âme. Comme si, voir avec les yeux, n’était au final qu’observer le monde à travers un objectif. En face de moi je ne voyais que les yeux d’Isa, profondément bleus comme la nuit. Mais à travers elle, je ressentais l’atmosphère autour de moi.
« Alex… Que vois-tu derrière toi ?
-Je vois… Je vois, une femme et son fils, elle le sermonne.
-Bien, maintenant on va se déplacer jusqu’à la dernière rangée. Que vois-tu ?
-Il y a… Un homme et une femme… Il la trouve jolie,… Il n’ose pas lui parler, il s’imagine… Faire des choses…
-C’est bon, c’est bon ! On passe à la rangée suivante ! Suis-moi mentalement à travers les allées et dis-moi si tu ressens quelque chose de particulier.
-Je ne ressens rien, tous ces gens sont normaux… Je… attends !
-Qu’as-tu vu ?
-Je l’ai… Je n’arrive pas à voir son visage… Je peux voir ses yeux… Putain ! Il peut me voir aussi !
-Quoi !
-Bordel, il s’amène, il vient pour moi !
-Dis-moi où il est ! Vite !
-Voiture 5, rangée de gauche, tout au fond.
-Reste ici, je reviens ! Ordonna-t-elle. »
À dire vrai, je n’aurais pas pu aller bien loin. Dans son empressement, Isa avait oublié de me libérer de son emprise. J’étais toujours en état de sommeil léger et le plus embarrassant était que je commençais à me baver dessus sans rien pouvoir y faire. Mais ce que j’entendis par la suite m’inquiéta au plus haut point. Je pouvais entendre très clairement, des cris et des hurlements mêlés à des coups, ceux d’une lutte sans merci. Isa était en train de se battre dans la voiture suivante et je ne pouvais qu’écouter les bruits de fracas et de sièges brisés sans pouvoir intervenir.
C’est dans ses conditions que nous arrivâmes à Paris. Le train s’était bien arrêté, gare de Montparnasse. Isa avait fini le voyage entre deux gendarmes, menottes aux poignets. Il avait fallu six hommes bien bâtis pour la maitriser. Dans son accès de fureur, elle avait envoyé un homme aux urgences. Le malheureux devait pourtant bien faire ses cent kilos à la pesée, mais face à une reine vampire un peu trop protectrice, il dut battre en retraite et appeler à l’aide. Malheureusement, une petite erreur d’interprétation de ma part l’avait amené à s’en prendre à la mauvaise personne.
Cependant, je ne savais pas trop comment expliquer cette histoire à l’inspecteur qui se tenait en face de nous. Nous avions tous deux échoué dans un commissariat de Police du quatorzième arrondissement.
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