Chapitre 42 Sous la surface
« Ô prince des ténèbres, nous sommes réunis en ce lieu sacré, face à toi, pour accueillir une nouvelle venue,… »
Je ne savais pas vraiment qui prononçait ces mots, mais je pouvais les entendre suffisamment clairement pour les localiser. Nos déambulations souterraines nous avaient conduits comme je l’avais prévu vers une artère des catacombes de Paris. Je n’étais pas sans savoir que ces souterrains étaient à la base de nombreuses légendes urbaines. On y aurait retrouvé un crocodile du Nil, divers sectes, ainsi que des cadavres, mais ce qui m’inquiétait le plus, c’était bien les chauves souris.
Isabelle ne semblait pas incommodée par les ossements et les crânes entassés dans les recoins.
« Comment parviens-tu à te repérer aussi facilement ? Demanda-t-elle.
-L’écholocation… Je me repère au son de mes pas. Les sons résonnent sur les murs et me disent où je dois aller.
Elle sembla impressionnée de me voir développer une nouvelle compétence aussi rapidement. J’entendis de nouveau la voix au dessus de nous.
-On dirait que ça vient de la surface. Il doit exister un puits quelque part.
Pendant que j’essayais de capter un appel d’air, Isabelle s’assit, jambes croisées, sur une dalle surélevée.
-Alex…
-Peut être qu’en faisant bouger ces gravas…
-Alex !
-Ou alors cette pierre au plafond…
-ALEX ! »
Je m’arrêtai net, baissant le regard, réalisant que nous étions dans une impasse.
« Alex, pourquoi tu fais tout ça ? Je veux dire, m’aider, me guider, te laisser transformer,…
Je n’osai pas me retourner. Toute l’absurdité de ma vie était là. Comme dans ce dédale je ne savais pas vraiment où j’allais.
-Isabelle, je…
-Oh oui ! Je vois… Tu penses à elle… Car tu veux qu’elle revienne.
-Je t’interdis !
Je me retournai violemment vers elle, si violemment que le sol trembla. Mes yeux s’étaient gorgés de lumière dorée et je pus constater que mes crocs étaient enfin sortis au grand jour. Pourtant, elle n’eut aucun réflexe de recul. Elle se leva et marcha lentement vers moi avant de poser sa main sur mon épaule.
-Je suis désolée Alex, mais elle ne reviendra pas. Ce n’était qu’une version altérée de moi-même tout droit sortie de l’imagination de Charlotte.
-Ne dis plus rien !
Mes yeux ainsi que mes crocs revinrent à la normale, je fis alors tout mon possible pour contenir le flot d’émotions qui m’envahissait. Un début de larme perla au niveau de mon œil. Isabelle s’approcha encore plus près.
-Tu as de bonnes raisons de m’en vouloir, je t’assure que je comprends. Mais à présent, toi et moi sommes liés pour l’éternité. Tu as bu mon sang et j’ai bu le tien. Tu es le dernier seigneur encore vivant et je serai ta reine. Si tu es prêt à m’accepter dans ta vie, je t’aiderai à surmonter cette épreuve ainsi que toutes celles qui suivront…
-Isabelle, je suis désolé, je ne sais pas ce qui m’a pris.
-Mais sois bien conscient que je ne resterais à tes côtés que si tu renonces à Isa.
Elle essuya doucement la petite larme qui dégoulinait le long de ma joue. Je relevais alors la tête en disant :
-Dansons un Tango !
-Pardon ?!
Complètement troublée, Isabelle eut un léger mouvement de recul.
-Je vais te prouver qu’Isa était tout sauf imaginaire.
-Mais enfin, tu es devenu fou ? Cela va faire plus d’un siècle que je n’ai pas dansé ! »
Je fis jouer Last Tango in Paris par mon téléphone portable. Sur les premières mesures, je pris une posture d’invitation. Isabelle leva alors les yeux au ciel puis se mit également en position :
« Bon bon ! Puisque tu y tiens… »
Elle mit alors sa jambe contre ma hanche et se laissa glisser lentement. Isabelle répéta à la perfection les figures de danses que m’avait apprit Isa. La réverbération faisait que la musique se répétait doucement comme un canon. Je pris Isabelle dans mes bras et la fis tourner élégamment avant de la reposer en douceur. Nous terminâmes la danse l’un contre l’autre, jusqu’à la dernière mesure.
« Tu avais peut être raison, dit-elle, son tempérament était unique,… Mais qui sais, peut être qu’il y’a aussi un peu d’Isa en moi.
-J’en suis persuadé ! »
Nous entendîmes alors plusieurs voix semblant réciter des litanies au dessus de nous. Voyant quelques gravas tomber, je remarquai la présence d’un puits scellé au dessus de l’endroit où j’avais posé mon téléphone.
« Cette dalle au dessus de nous, c’est la surface ! Tu penses pouvoir la détruire ?
-Sans aucun problème, arrange-toi juste pour qu’elle ne me tombe pas sur la tête. Répondit Isabelle.
-Ça j’en fais mon affaire. »
Isabelle se plaça sous la dalle et se concentra pour faire usage de son terrible don. En quelques regards, elle cisailla l’épais bloc de granit qui s’effondra pratiquement sur elle. Fort heureusement je pus retenir les débris dans leur chute avant qu’ils ne la blessent. D’un saut, elle parvint à se hisser vers la surface, provoquant un amas de cris de panique chez ceux ayant assisté à la scène. Curieux de comprendre quel type de personnes elle venait de déranger, je me hissais à mon tour hors des catacombes, à l’aide de ma télékinésie. Tout en essayant de m’extraire du puits, je pu constater que celui-ci était entouré d’un pentacle rouge, tracé à même le sol, encerclé de bougies.
« Oh merde ! » Laissais-je échapper.
Je jetai quelques regards tout autour de moi.
Il fallut bien se rendre à l’évidence, ce que j’avais pris pour un puits était en réalité l’accès à une crypte. Nous avions atterri à l’intérieur d’une vieille chapelle souterraine abandonnée dans l’un des nombreux cimetières de Paris. Tout au fond, se trouvait une dizaine de personnes apeurées, recroquevillée, tenue en respect par Isabelle. Il allait sans dire que nous venions de troubler une messe vampirique.
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