Révélations
Toute la nuit je n'ai pas réussi à fermer l'oeil. Le prince y était parvenu mais avais dû me réprimander sévèrement à chaque fois que mes yeux rencontraient les siens dès qu'il tournait son beau minois vers moi pour surveiller si je m'assoupissais. J'avais donc décidé de lui tourner le dos. Malgré le confort du lit, je ne parvenais pas à dormir malgré ma grande fatique. Peut-être le mal du pays ?
Dès que quelques rayons de soleil atteignirent nos visages, j'ai tourné immédiatement ma tête vers le prince. Ce dernier me fixait et son visage vira à un magnifique rouge dès que mes yeux rencontèrent les siens. Je ne voyais pas en quoi des yeux verrons pouvaient autant perturber.
Drisfin retrouva assez rapidement son impassibilité avant de me tirer une grimace digne de ce nom et de sa grandeur.
- Tom, tu n'as donc pas dormi de la nuit ? Tu as d'immense cernes sous les yeux, presque aussi pendantes que celles des rares personnes âgées humaines que j'avais eu l'occasion de rencontrer.
Sur ces paroles, je me suis senti légèrement perturbé et gêné. Mon manque sommeil se voyait à ce point ? Je me dégageais du lit avant de me planter devant son immense mirroir, m'appuyant très légèrement sur ma cheville endolorie. Mes yeux s'écarquillèrent dès que j'aperçus les poches en-dessous de mes yeux. J'entendis le froissement des draps du lit avant de remarquer que le prince se positionna juste derrière moi. Il me fit pivoter avant de m'observer méticuleusement. Il secoua la tête avant de me lâcher en murmurant que j'étais assez beau et mignon pour un humain ce qui me donna le rouge aux joues.
- Cher prince, sachez que pour marmonner vous n'êtes vraiment pas doué.
- Pourquoi tu continue de me vouvoyer ? Appelle-moi juste Drisfin, répondit-il, sa queue battant l'air tendit que ses mains étaient croisées sur sa poitrine, me faisant face.
- Désolé... C'est juste que de là où je viens on doit tous vouvoyer les personnes plus vieilles ou bien nobles. Mais bon, cela ne fait plus depuis la Renaissance... Bon, on vouvoie nos aînés mais après on tutoie.
- Attend... Tu me trouves vieux ?
- Quoi ? Mais bien sûr que non !
- Donc tu me vouvoyais seulement car je suis un prince ?
- Exactement.
Le prince soupira avant de se rapprocher timidement de moi. Il replaça quelques mèches rebelles avant de fixer mes yeux.
- Vous en avez de la chance vous les Humains.... Vos yeux peuvent être différents alors que les nôtres ne possèdent qu'un seul colori. Les tiens sont magnifiques.... J'aurais tant aimé avoir tes yeux.... Peut-être les habitants d'Ostaria m'auraient plus appréciés... Comme mon père....
- Pourquoi dîtes vous cela ? Vous devez être aimé pourtant ! Votre beauté est tellement frappante, vos yeux si exceptionnels !
- Et bien pourtant c'est tout le contraire.... Je...Je suis détesté au village... craqua le prince avant de finir en larmes sur mon épaule, s'agrippant avec force à mon sweat.
- Eh.... Shhhh... Tout va bien... Rcaontez moi, parlez vous fera le plus grand bien... dis-je en frottant son dos machinalement.
- Arrête de me vouvoyer.... grogna-t-il en calant sa tête au creux de ma nuque.
Je nous ai fais asseoir et l'ai forcé à s'allonger, sa tête posée sur mes genoux, de façon à ce que je puisse lui carresser les cheveux. Sa queue pendait nonchalament et il mit plusieurs minutes à tout me raconter.
- Tout commença à ma naissance. J'étais en partie le portrait de mon père mais j'avais quelques caractéristiques à ma mère. Ma mère me chérissait mais mon père ne prenait jamais le temps de s'occuper de moi. Et pourtant, je tentais désespérément d'attirer son attention. Des fois, j'entendais mon père dire à ma mère que jamais je n'arriverais à diriger un royaume et que mon don d'Elfe-Mage ne me servirait à rien. La famille royale devait posséder dans chaque succédeurs le don de prémonition. J'étais le seul héritier à ne pas l'avoir. J'avais hérité du pouvoir à ma mère.
- Euh... Quel est le rapport avec les habitants ? demandais-je, perplexe.
- Tss..écoute insolant. Honteux d'avoir engendré un héritier indigne, mon père m'interdit de sortir hors du palais. Ma mère, voyant mon désespoir et voulant me faire découvrir le monde, m'emmena secrètement au village. C'est là que j'ai rencontré Dalra. Elle était âgée de seulement trente années mais étaient déjà une grande Liseuse d'Aura. On s'est lié immédiatement d'amitié et elle avait réussi avec ma mère à me faire découvrir l'exaltation de la vie. Ce fut de courte durée.
L'elfe interrompit son histoire, séchant les larmes qui commençaient à revenir dans ses beaux yeux cristals. Il reprit tandis que je le dévisageais avec une grande peine sur mon visage.
- Il nous enferma, ma mère et moi, dans le palais, nous empêchant de sortir. Ma mère tomba en dépression quelques semaines après et en mourut. J'étais dévasté et j'en voulais, et encore aujourd'hui, à mon père. Quand les peuple apprit sa mort, tous hurlaient que le coupable sera haït à vie, royale ou non. Mon père, hypocrite et égoïste, m'accusa et proclama aux yeux de tous que c'était ma mise au monde la cause du suicide de mère, qui selon lui, avait été la seule et unique cause. Ma naissance était non-désirée et elle n'aurait pas supportée de me voir au quotidien, dissimulant son dégoût à mon égard en me chouchoutant. Ils avalèrent ses mensonges comme le plus délecteux des nectars et le crurent. Tous, sauf une. Dalra. C'était la seule qui restait persuadée que ma mère m'aimait et que elle ne s'était jamais donné la mort.
Des larmes dévalaient mes joues, tant les révélations de Drisfin étaient atroces. Même lui n'arrivait pas à dissimuler sa tristesse. Mais malgré tout, il continua son récit sans que sa voix ne flanche une seule seconde.
- Au fur des années, je supportais de moins en moins l'enfermement. C'est pourquoi aujourd'hui je préfère m'enfuir dans les prairies et y rester des heures entières que de rester au palais et de sortir au village. Certains gardes comme Theldir m'aiment bien et me respecteront jusqu'à ma mort, tout comme Dalra, mais tout le monde ici me haïssent et ne changeront pas d'opinion.
Il leva sa tête vers moi et scruta mon visage. Je voyais bien qu'il avait fini mais je voulais savoir pourquoi il agissait sévèrement avec Dalra s'ils étaient bels et bien des très bons amis. Malheureusement, j'avais trop peur de le mettre en colère, alors je ne disais rien.
Nous sommes restés dans cette position longtemps. Nous ne voulions rien briser. Le prince s'agrippait presque à moi et somnolait mais restait attentif. Moi, je patientais, laissant défiler le temps comme s'il m'appartenait. Malgré les avertissements de l'elfe, je savais que je n'allais pas pouvoir résister bien longtemps à son charme. Je me sentais déjà flancher.
Drisfin se redressa, s'étirant à s'en briser les os. Il me regarda avant de murmurer un merci puis de sortir discrètement de la chambre, évitant d'ouvrir trop grandement la porte. Une fois qu'il eut refermé cette dernière, je ne perdis pas une seconde. J'ai cherché partout dans sa chambre mon téléphone, l'unique moyen que j'avais de pouvoir communiquer avec ma mère. Mais rien. Je fis chou blanc. Mon téléphone ne semblait pas présent.
Je me suis assis sur son lit, prenant ma tête dans mes mains. Le seul moyen que j'avais pour communiquer avait disparu. Qu'allait penser ma mère... Que j'étais mort ? Qu'on m'avait kidnappé ? Je ne savais plus quoi penser. Trop de choses s'étaient passées pour me permettre d'avoir les idées nettes et précises.
- Tom, je t'ai apporté de quoi te nourrir. Dis, tu es sûr que ça va ? Ta peau est plus blanche que d'habitude.
J'ai relevé la tête et je vis Drisfin avec un plateau couvert de plusieurs aliments me fixer, un air inquiet et soucieux visible dans le regard.
- Oh... Ne t'inquiètes pas, je vais très bien ! J'ai juste quelques vertiges à cause de ma cheville, mentis-je, essayant de paraître crédible à ses yeux.
Il ne cilla pas avant de finalement s'asseoir à mes côtés. Il me tendit un fruit qui avait l'apparence d'un ananas mais qui avait la peau lisse et violette avec des pois blancs. J'ai froncé des sourcils, me demandant si c'était seulement mangeables.
- Goûte. Tu verras, les lorgines sont délicieuses ! m'assura le prince en me fixant avec, pour la première fois, un sourire.
- Drisfin, tu es encore plus beau avec ton sourire... dis-je, ne contrôlant plus mes paroles tant j'étais obnibulé.
Je vis son visage rougir avant d'éclater de rire. Magnifique... J'ai finalement croqué dans le fruit et je n'ai pas regretté ! Le fruit était sucrée mais suffisament pour nous laisser ressentir le petit côté doux. Devant mon exaltation, le prince pencha sa tête sur le côté, souriant bêtement devant mes expressions faciales.
- Tom, ça te dit de devenir un ami ?
J'ai fixé Drisfin qui était en train d'enfiler une petite veste de coton rouge bordeaux. Je ne pouvais pas voir son visage mais je pouvais deviner son appréhension. J'ai esquissé un sourire pour venir l'enlacer de dos.
- Bien sûr, idiot.
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