Beaucoup de poussières s'envolèrent lors de mon impact contre le sol. J'avais roulé sur quelques mètres avant de m'arrêter. Les villageaois s'attroupèrent autour de moi, la poussière les faisant tousser, moi le premier.

Quand ce brouillard terreux s'évapora, je me suis redressé difficilement, une grimace de douleur et quelques larmes sur mon visage. Les elfes autour de moi en me reconnaissant firent monter un brouhaha immense, murmurant tous en même temps.

 - Prince ! se fit entendre une voix furieuse et à la fois affolé. Comment avez-vous pu prendre un risque si important !? Est-ce que vous vous rendez compte de la frayeur que vous m'avez faite !

Theldir se rapprochait de moi en courant, son Jarvos s'envolant quelques secondes après. Quand il fut à ma hauteur, je lui ai adressé un sourire forcé, remarquant que la colère qui émanait de ses yeux et ses traits tendus.

 - Et vous tous, que ce soit bien clair, je ne vous permettrait pas de critiquer une fois de plus le prince ! Est-ce clair !?

Le garde examina la foule, attendant leurs réponses. Il se tourna vers moi et examina attentivement mon corps, repérant les quelques blessures que j'avais. Il secoua sa tête de gauche à droite, accompagné d'un soupir de lamentation.

 - Vous n'avez rien de grave à vue d'oeil. Et franchement, vous n'êtes qu'un crétin ! reprit Theldir en me frappant à la tête. Vous êtes complètement inconscient, surtout à votre âge !

 - Pardon Theldir, m'excusais-je, baissant mes yeux.

Il hocha sa tête et me dépousseta rapidement avant de me traîner sur le sentier menant jusqu'au Grand Chêne. Il jetait quelques coups d'oeil rapides autour de nous, ce qui attira ma curiosité. Il était crispé et sa marche était plus rapide que d'habitude.

 - Theldir, un problème ? demandais-je, le faisant sursauter.

 - Hein ? Euh non, non non il n'y a pas de problèmes. Pourquoi mon Prince ?

 - Tu es tendu. En plus, t'es tout crispé.

 - Non ! Pourquoi vous dîtes ça, c'est vraiment gênant... Euh...

Il vira au rouge, prenant compte qu'il y avait un grand malentendu. Je ne comprenais pas ce qu'il y avait de " gênant " dans ma question. Elle était normal. Il passa une main dans ses cheveux tout en s'excusant. Nous avons repris notre marche et finalement nous sommes arrivés devant le Grand Chêne.

Je l'ai fixé quelques minutes, me répétant que si je le faisais, c'était pour la libération de Tom. J'ai fini par y entrer, mon nom étant gravé dans le bois et presque luminescent. Je suis allé dans la salle du rituel, des souvenirs me revenant. J'ai empoigné le canif et ai taillé le motif que je ne pouvais que connaître. Le sang se déversa et j'ai formulé machinalement les excuses et ai enfin appliquer la pâte de cicatrisation.

Je suis sorti et ai vérifié si mon nom avait disparu. En ne le voyant plus, je suis sorti, rejoignant Theldir. Il m'adressa un sourire et me tendit de l'eau pour ma démangeaison. J'ai déversé le liquide, arrêtant enfin les picotements de ma peau.

 - Theldir, est-ce que je redeviens normal ? demandais-je en lui rendant son récipient.

 - Laissez-moi voir... Hm... Oui !! s'exclama-t-il. Vos cheveux s'éclaircissent et vos yeux perdent leur teinte rougeâtre. Mon Prince ! Je suis si fier de vous ! Votre décision était sans aucun doute la meilleure !

Ses flatteries me firent sourire et finalement nous avons pris le chemin du retour. Sur une proposition de sa part, nous sommes allés à la prairie de Lumari pour une balade.

Nous avons pris plus de temps pour apprendre à se connaître et j'ai été surpris quand il m'annonça qu'il avait 346 ans. Il me raconta rapidement d'où il venait mais quand je lui demandais de me parler un peu de sa famille, il se renfermait et ne disait plus rien, puis changeait de sujet.

 - Theldir, ça ne te dérangerait pas de m'accompagner au Vaillant de ma mère ? J'aimerais lui déposer des fleurs.

 - Non, cela ne me dérange pas mon Prince. Au contraire. Et puis comme ça, nous irons chercher les fleurs ensemble.

Il m'adressa un sourire et nous nous sommes levés pour cueillir les orilimis. Comme ces fleurs poussaient près d'un petit fleuve tranquille, j'ai profité du fait que Theldir ne soit plus vigilant pour le pousser dans l'eau. Quand il sortit sa tête de l'eau, il me jeta un regard meurtrier et tendit sa main pour que je le sorte de l'eau. J'ai tendu la mienne et il l'agrippa mais alors que je tirais pour le sortir, il m'entraîna moi aussi dans l'eau.

En sortant ma tête du fleuve, je le vis rigoler, se moquant de ma chute pathétique. Avec de la magie, j'ai formé une boule d'eau et lui aienvoyé en pleine figure, partant moi aussi dans un fou rire. Et c'est comme ça que durant presque une heure entière nous avons passé notre temps à jouer dans l'eau, malgré notre âge.

oOo

Nous patientions que nos vêtements sèchent au soleil, complètement nu. Par précautions, nous nous sommes installés derrière des buissons. Theldir ne semblait pas gêné et me racontait des anecdotes de quand j'étais petit.

J'ai rougi de honte quand il me raconta que jusqu'à mes 2 ans c'était lui qui prenait mes bains, m'accompagnant dans l'eau et que je répétais sans arrêt que c'était mon tonton et que plus tard je me marierais avec lui.

 - À cette époque vous étiez tellement mignon. Vous me suiviez partout même quand je devais partir en mission. Je me souviendrais toujours quand vous vous étiez faufilé dans les écuries et êtes allez vous cacher dans le gros sac dans lequel il y avait un présent pour célébrer l'alliance entre notre Royaume et celui des Dragons. Quelle surprise quand je vous ai découvert car j'avais entendu un petit gargouilli.

Il rigola et soupira, souriant en regardant l'horizon. J'en ai profité pour regarder son corps et j'ai pu constater qu'il avait sur son dos une marque noir. Il tourna son regard vers moi et j'ai détourné les yeux.

 - Vous savez mon Prince, quand vous m'aviez dit petit que vous vouliez vous marier avec moi, j'étais très flatté. Mais comme vous le savez très bien, dans notre Communauté, cela est très mal perçu. Votre père était à deux doigts de me jeter en prison. Alors, il m'a empêché de vous approcher pendant une année entière. C'était dur à vivre mais en tant que garde je pouvais voir votre petite tête gambader dans le palais. Vos cornes étaient si minuscules ainsi que votre queue.

J'avais reposé mes yeux sur lui et j'étais un peu déstabilisé. Pourquoi il me racontait ça que maintenant ?

 - Mon Prince, depuis petit vous êtes une personne à l'opposé des lois. Vous les trouviez stupides et votre père n'en pouvait presque plus de vous voir agir ainsi. Seule votre mère vous comprenait. La Reine était si ouverte d'esprit que parfois j'hésitais à demander à votre mère de diriger à elle seule le Royaume.

 - Theldir...

 - Je ne regrette rien mon Prince, mais uniquement un secret que sa Majesté à demander à rester secret. Un secret que vous aviez découvert par erreur de notre part. On aurait jamais du faire ça. J'en prends conscience aujourd'hui que notre Communauté est vraiment horrible et ignoble.

 - Un secret ? Lequel ? demandais-je, curieux.

 - Oui, j'en ai encore honte mais j'ai besoin d'en parler maintenant. Honnêtement , il n'y a qu'en vous que je peux faire confiance. Vous êtes l'avenir de notre Communauté avec l'humain.

 - Et c'est quoi ce fameux secret ?

Theldir frotta la peau de son cou, tout de même gêné. À vrai dire, je pense savoir de quoi il parle. Mais mes souvenirs étaient bien trop flous. Je courrais le risque de penser une fausse pensée. Un souvenir qui ne m'appartenait pas et qui se pouvait être qu'une erreur de ma part.

 - Et bien, avec votre père, après la mort de la défunte reine, nous ne savions plus quoi faire. On avait bu un peu trop d'alcool des nains. On a...

Il a déglutit, rouge de honte. Mon cerveau commençait à rassembler les morceaux quand il annonça tout au haut ce que je pensais tout bas :

 - On a pratiqué l'accouplement ensemble..