M'ayant viré tout à fait de chez nous, je m'étais comme ça retrouvé dans un minable studio, dans une minable ville, dans ma minable vie.

 Les premiers moments, pourtant, avaient été pour moi tout comme une libération absolue. J'avais la grande échelle des possibilités devant. Persuadé à fond que tout allait devenir faisable, le bonheur surtout.

Ca n'a duré que deux ou trois jours de fait.

 La désillusion au bout de la rue, au bout de la cervelle. Il y a un peu, quand on rentre en dépression, le deuil en-dedans. On croit que tout est possible, ou plutôt que tout cela est impossible, on flamme, on lutte, on s'énergise. Et, comme ainsi la réalité claque, grand vertige de la chute, de l'abandon et de la désillusion. Tout étant s'affale-t-on dans la mélasse, se perd-on dans la vasière. Pour finir dans un écran noir total sur la vie, écran noir total sur l'estime.

 Ensuite, ensuite, c'est de la paresse, de la déconfiture, de la déchéance . C'est de la 8-6 achetée chez le chinois à 23h13. C'est de la crasse qui s'accumule, qui s'immisce partout, chez soi, en soi. Et plus tout s'accumule, plus le courage de lutter se fait petit. C'est ainsi.

 C'est ainsi donc que je me suis retrouvé tout comme ça dans le creux, tout au fond.

Qu' on se comprenne, à ce point là il n'y a plus de tristesse, plus de chagrin, plus de malheur. Pas envie de crever non plus. La situation est là, on l'accepte, on s'en suffit. Les armes pour lutter ne sont plus à portée de main. Tout juste capitule-t-on. Accepte-t-on d'avoir une vie de merde, de ne plus avoir aucune ambition, de ne faire que passer en somme.

 Bref, mes journées avaient pris le pas régulier du néant. Manger, picoler, regarder TF1, dormir, chier. Et recommencer inlassablement.