Au combat
Après notre séparation, j'avais démissionné et depuis je me retrouvais au chômage. Bientôt en fin de droit. Ca me convenait. Me paraissait un bon projet d'être en fin de droit. Tout comme en fin de vie.
Le chômage a ça de bien, il permet de s'emparer pleinement de la vacuité de la vie jusqu'à céder sur toute ambition de modèle social.
Lorsqu'elle m'a appelé, lorsqu'elle a fait sonner ce putain de téléphone à la con, je savais que j'étais prêt. Il était temps que je finisse par tout lacher, que je me sépare du superflu. C'est-à- dire tout ce qui n'est pas vital dans le sens premier du terme. Je me devais de me dessaisir de tout. Cette sonnerie avait été pour moi comme le dernier branle-bas. Il fallait partir à la guerre, partir titiller le peu qui restait en moi, l'instinct de vie, l'instinct de mort, mon Eros et mon Thanatos.
J'ai alors vendu à peu près tout ce qui me restait dans l'appartement que j'avais acheté après le divorce. Bien vite, je fis le vide. Restait tout juste un lit, la cuisine et un fauteuil. Les pièces s'étaient immaculées du néant qui les remplissait. Au milieu de tout ça moi.
Ces 73 mètres carrés, c'était ma vie.
Elle a essayé de me rappeler quelques jours plus tard, j'ai laissé sonner encore jusqu'au répondeur. Là, j'ai entendu son souffle léger devant un brouhaha de rue piétonne, puis la sonnerie. Je n'allais pas m'y attarder plus longtemps, je ne me laisserai pas bousculer encore. Non, non. On n'arrête pas une troupe qui part au combat.
J'avais 37 ans. Certains parlent de la crise existentielle de la quarantaine. De la voiture, de la moto rouge, des divorces, des gamins, des dépressions, des burn-out, des aventures à la petite semaine. Il n'en était rien me concernant. J'avais déjà passé toutes ces étapes en amont. Et bien.
Moi, je voulais juste continuer à marcher.
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