Epurer
Il me fallait épurer mon style, chercher le détachement maintenant. Quitter la ville, quitter cette vie. Tout cela ne faisait plus sens. Je ne savais pas encore très bien quel aspect tout cela allait prendre, mais peu m'importait. C'est le thème de tous les mélancoliques, les fuyards, les voyageurs.
Arrive-t-il, quoi qu'on en dise, toujours dans la vie d'un homme ou d'une femme un moment où l'inconscience est de mise ? Cet instant où on se doit d'oser, d'avoir les couilles (ou les ovaires) d'y aller. J'en étais arrivé là. Voilà tout.
Je l'ai mis en vente, mon appartement. Il est parti vite, je me retrouvais, dès lors et sans trop y croire, dans la précipitation. Il me fallait désormais choisir.
Bien que le choix, je crois, je l'avais bien en tête depuis un certain temps. Retourner à la pureté de la nature, de l'espace. Gamin, je construisais des cabanes avec les potes pour rouler des galoches aux filles le mercredi après-midi. Je voulais un mercredi éternel.
Se cacher dans une cabane avait pour moi cette saveur de l'adolescence.
C'est l'idée que je m'en suis faite.
Du moins.
Il m'avait fallu quelques semaines pour tout régler, la vente de l'appartement, l'achat de la cabane, ma crise d'adolescence.
Il ne me restait plus qu'à m'installer et vivre à la petite journée.
Dormir, se nourrir, respirer, boire et chier. Comme un chien.
Pour tout dire, je le savais, à 37 balais, je fuguais. Je fuyais le fantôme de mon ex, mon malheur, la pression sociale, la famille, le flouze et le blues. Ca allait être ma révolution. Un peu à la Sylvain Tesson. A la Sibérie près. A la gueule cassée près. Aux désirs macabres près. Là où lui cherche un peu la mort, je cherche un peu la vie.
Ma fuite, elle, allait se situer dans une petite cabane au bord d'une petite rivière dans un petit coin de province de cette petite France.
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