Thésauriser
La guerre était déclarée. Je venais d'arriver sur le terrain.
Il appartenait à un couple de retraités qui avait tout au long d'une modeste vie, construit, entretenu, amélioré, enjolivé ce doux coin de verdure et d'eau pour au fond devoir le vendre.
Ils avaient vu leurs enfants y courir, y nager, y crier, y rire en se disant que cette petite parenthèse chronique des week-ends serait éternelle. Que les mêmes gamins y viendraient avec d'autres gamins. Que l'Histoire, leur histoire allait continuer dans ce petit trésor.
J'allais leur donner le coup de poignard ultime aujourd'hui. Leurs gamins les appelaient une fois le mois, ils voyaient leurs petits-enfants quelques jours par an, et encore cachés derrière leurs tablettes à chercher du wi-fi. C'était les choses devenues de la vie. Il n'y a plus de place pour la thésaurisation. Je les avais spoliés mais en douceur.
La cabane faisait tout juste 10 m2. Lasure , intérieur et extérieur, construite de demi-rondins . L'équipement y était sommaire, de mauvais goût et en mauvais état. Déjà je savais que j'allais tout démonter à l'intérieur ; de la vieille table au vieux linoleum amianté, le gros évier, les araignées, la grande nappe itou.
J'allais vivre la grande aventure ouais. Le dernier voyage dont on peut rêver ici-bas : avoir le temps. Tout quitter n'était en fait pas une fuite, mais une recherche, une bataille.
De nos jours tout était confort, pantoufle, maison. Nous sommes à la recherche de l'effort moindre. On googlise à tout va notre vie au fond de notre gros canapé (acheté sur internet, livré à domicile testable 100 jours).
J'allais laisser tout cela. Ressentais comme une immense joie de me laisser aller dans le dur qui allait m'attendre.
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