Rénover
J'ai mis dix jours à restaurer la chose. Du petit jour à la grande nuit, scier, clouer, visser, découper, brosser, peindre. Je ne les ai pas vu filer. Chaque soir, je m'endormais rinçé, lessivé comme une loutre.
Quant on travaille comme ça tout à la main, il y a cette chose formidable qu'on appelle la fatigue au bout. Chaque centimètre à découper à la scie à main, chaque vis enfoncée et vissée demandent l'effort qu'on avait oublié. Il y a le monde des outils mécaniques et le monde des mains. La facilité et la satisfaction. Il n'y a pas plus belle fatigue que la fatigue volontaire. J'avais passé ma vie à être fatigué et je n'en avais tiré que de la lassitude, aujourd'hui de la fierté, un peu primaire sans doute, mais de la fierté tout de même.
Tout n'était pas droit, tout n'était pas beau, mais ma sueur et mes ampoules rendaient tout ça parfaitement idéal à mes yeux. La cabane, ma cabane avait tout ce qui me fallait, un coin douche, un lit, une gazinière, un poêle à bois, une table et une chaise. C'était la plus belle de toute. J'en étais persuadé maintenant.
Puis vint le dernier.
Puis vint le premier.
Le réalisme. Je venais en dix jours de tout achever, il allait désormais falloir trifouiller dans le temps qui s'égrène. N'y-a-t-il pas toujours quelque chose d'angoissant de ne rien avoir à faire ?
C'est qu'il faut en affronter des démons dans le temps qui attend. Les mêmes qu'on s'est toujours évertué à refouler dans les distractions, le cul, le boulot, les gamins, le pognon, les voyages, l'alcool pour la plupart.
Ici, il n'y a pas d'échappée. Le temps s'écoule plus doucement que le flot de la rivière. Et qu'en cette période de sécheresse file-t-elle avec paresse.
Annotations