Vision N°7
Une rue la nuit. Trois chats ont renversé une poubelle. Ils sont en train de trier les déchets. Ce sont de gros chats. Un homme arrive en promenant son chien. Les trois félins se retournent. À la vitesse de l’éclair, ils se ruent sur l’animal et le dévorent. L’homme est terrorisé. Il lâche la laisse et tente de s’enfuir, mais le sol est devenu glissant. Au lieu d’avancer, il tombe. Il se relève, il tombe à nouveau. Après avoir dévoré le chien, les chats s’en vont. L’homme reste allongé sur le sol. Arrive le camion benne. Deux éboueurs aperçoivent la poubelle éventrée, et son contenu éparpillé sur la rue.
« Encore ces maudits chats, dit l’un
— Il va falloir prendre les choses en main, dit l’autre. »
Ils ont rassemblé les déchets, vidé le contenu de la poubelle dans la benne, et ils repartent. Le corps de l’homme est toujours étendu au sol. On entend les « Dring ! Dring ! » des sonnettes de bicyclettes, et l’on voit arriver des femmes assises dessus. Elles sont habillées comme au début du vingtième siècle. Leurs vêtements sont fluorescents. On entend l’une d’elles dire :
« C’est toi, Véra ?
— Non, répond une autre. »
Une troisième voix demande :
« C’est qui Véra ? »
Chaque mot se termine par un coup de sonnette. La dernière de la file va se tourner vers l’Œil et dire d’une voix théâtrale :
« Il faut maintenant que le jour se lêêêêve !!!! »
Dès qu’elle a disparu, la rue s’éclaire. Le corps de l’homme est devenu une masse informe. Deux spéléologues se penchent dessus. Ils l’auscultent au moyen de leur stéthoscope :
« Ça ne peut pas être ça, dit l’un.
— Tu as raison, ça ne peut pas être ça, dit l’autre. »
Ils s’en vont. On voit alors la masse bouger et se transformer peu à peu en banc public. Deux amoureux arrivent. Ils s’embrassent. Ils viennent s’asseoir sur le banc. Ils échangent un long baiser ; puis la femme dit :
« Non, je ne t’aime plus. »
L’homme lui répond :
« Moi non plus. »
La femme gifle l’homme, qui riposte à son tour. Ils se lèvent et partent chacun de leur côté. Deux colombes se posent sur le banc. Elles prennent feu. De leurs cendres, naissent deux aigles qui s’envolent jusqu’au sommet d’une montagne enneigée. Près de leur nid, se trouve une cabane. Un vieil Inca, dans son plus bel apparat, sa grande couronne de plumes sur sa tête, sort et dit aux aigles :
« Dieu merci, vous êtes revenus mes enfants. Je peux enfin mourir en paix. »
Il s’étend sur le sol et ferme les yeux. La lumière décline peu à peu jusqu’au noir total.
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