Chapitre 4
You're putting your jacket on
Oh no, is the moment gone?
Don't wanna regret this one
Ooh, I wanna know ya
you're a face I won't forget
(I want ya) don't know how much time is left
(I want ya) haven't had a moment yet[1]
— T’es prête ? crie Matt depuis le salon.
J’émerge de ma chambre, les traits marqués, le regard hagard et toujours vêtue de mon indémodable combo legging/sweat.
— Mais ?
Mon ami pose sur moi un regard perplexe, le bras tendu dans un geste pour saisir sa veste. Il vient finalement crocheter sa nuque et agite la tête dans un geste de dénégation.
— Tu viens comme ça ?
— Je ne viens pas.
J’observe ses épaules s’affaisser et devine l’expression de déception qui se peint sur ses traits.
— Qu’est-ce qui t’as fait changer d’avis depuis ce matin ? souffle-t-il
— Rien. Je n’ai pas envie c’est tout.
Cette fois c’est un soupire qui accueille ma réponse.
— Tu m’uses. Shay est en route. Tu te débrouilleras avec elle.
— Quoi ? Mais non ! Dis-lui de te rejoindre au bar directement.
— Non, tu lui expliqueras pourquoi on a organisé une soirée pour ne pas venir au final.
— C’est bas ça ! pesté-je.
— J’te laisse, je suis attendu.
Il se saisit de ses clés et enfile ses chaussures avant de se diriger vers la porte.
— Tu es attendu ? Mais par qui ? On devait passer la soirée ensemble.
— Des connaissances que je retrouve sur places.
— C’est qui ces connaissances ? Je connais tous tes potes.
Ses yeux se lèvent aux ciel, signe que je commence à l’agacer.
— Si tu es si curieuse tu n’as qu’à venir.
— J’suis pas curieuse, baragouiné-je.
— A d’autre.
Cette fois il franchit la porte qui se referme sur mes questions et ma curiosité non assouvie.
Qui va-t-il rejoindre ? Pourquoi tous ces secrets ? Matt n’a pas été très présent cette semaine et il s’est bien gardé de revenir sur notre discussion de dimanche après-midi. Ce n’est qu’après sa garde de soixante-douze heures à l’hôpital qu’il s’est manifesté. Nous avons convenu de retourner dans le petit troquet de la semaine précédente pour profiter de l’exposition photographique organisée par les propriétaires de l’établissement. Inviter Shay était mon idée, mais entre le message que je lui ai envoyé et maintenant, une nouvelle nuit de cauchemars est venue entamer mon capital sommeil et moral. Je n’ai tout simplement pas l'énergie d’affronter une nouvelle soirée à être sur le qui-vive.
Je n’ai pas le temps de m’appesantir plus que déjà la sonnette retentit. J’ouvre à une Shay souriante et radieuse dans sa petite robe noire. J’admire tellement sa jovialité constante et sincère que mon cœur se pince à la comparaison de son état d’esprit et du mien. Après une brève étreinte de salutation, son regard se pose sur ma tenue.
— Je viens de croiser Matt dans les escaliers. Tu sors comme ça, Sweetie ? Pas que je sois contre un peu de confort mais, c’est une tache de quoi là sur ton pull ? questionne-t-elle en pointant un doigt inquisiteur.
Mes yeux glissent jusqu’à l'endroit indiqué par mon amie pour découvrir une tache qui ressemble à du yaourt. Quand est-ce que j’ai mangé ça ? Je sens mes joues rosirent sous le coup de la honte. Matt a bien joué son coup en m’envoyant Shay, je me sens merdique de lui avouer que je n’ai pas la force de sortir.
— Et donc ? reprend-elle.
— Euh, c’est que je... enfin...
— Tu avais décidé de me faire faut bond ?
Je déteste Matt, c’est acté. Je n’ai pas envie de me défiler devant Shay et surtout j’ai envie de savoir qui sont ces personnes mystérieuses dont je n’ai jamais écouté parler. Il savait en lâchant sa bombe que mon besoin de réponse serait plus fort que mon envie de me terrer.
— Bien sûr que non, mens-je effrontément. Tu me laisse cinq minutes pour me changer ? dis-je en l’invitant à entrer.
— Tu veux un coup de main ?
— Non, non. Assieds-toi, j’arrive.
Je cours presque jusqu’à ma chambre et enfile les premiers vêtements qui me passe sous la main. Pas compliqué, ma penderie se compose d’une déclinaison de jean noirs et de hauts dans le même coloris. Je réarrange rapidement ma coiffure en un chignon déstructuré et applique un rouge pétant sur mes lèvres histoire de casser un peu la morosité de ma tenue.
Lorsque je reviens dans le salon je suis accueillie par le clin d’œil appréciateur de la petite brune.
— Tu sais que je suis jalouse de toi, n’est-ce pas ? s'extasie-t-elle.
— Qu’est-ce que tu racontes ?
— T’es prêtes en cinq minutes top chrono et t’es super canon ! Il m’a fallu une heure pour arriver à ce résultat, s’offusque-t-elle.
Je balaye ses propos d’un geste de la main et l’invite à me suivre. Dans les escaliers, rongée par la curiosité, je tente de l’interroger discrètement.
— Tu sais qui est-ce qu’on doit rejoindre ?
Ok, c’était pas du tout discret. Faut croire que mes réflexes de flic ne sont plus qu’un lointain souvenir.
— Pourquoi est-ce que j’ai l’impression que tu cherches des infos ?
— Parce que c’est le cas. Matt a dit qu’il allait rejoindre des connaissances.
— Et bien tu as ta réponse, sourit-elle, mutine.
Le grognement qui m’échappe n’a rien de féminin, ni même d’humain, ce qui déclenche l’hilarité de mon amie.
— Il ne m’en a pas dit plus. Laisse-toi surprendre, tu pourrais apprécier, tente-elle de ma rassurer.
Son sourire énigmatique ne me dit rien qui vaille mais surtout il me confirme qu’elle en sait bien plus qu’elle ne veut bien le dire.
*
Arrivée sur place, je reconnais la porte cochère qui abrite le petit bar d’ambiance de la dernière fois. L’appréhension du trajet s’est vite dissipée face au flot incessant de parole de Shay. Notre dernière soirée ne nous avait pas permis de rattraper le temps perdu du fait de l’interruption du joggeur et de son pote. Bien que je sois peu sortie cette semaine, j’ai scruté chaque personne dans l’appréhension de croiser sa silhouette. Appréhension ou espoir ? Si j’étais honnête, je dirais un peu des deux. L’appréhension que ma crainte passée soit vérifiée et qu’il soit bien à la botte de mon ex-partenaire, l’espoir car malgré cela, il m’a intrigué, a réveillé chez moi une envie de renouer avec le monde. Sera-t-il présent aujourd’hui ? Est-ce un lieu où il a ses habitudes ? L’établissement fait carton plein ce soir et il est si difficile de se repérer parmi la foule compacte que je me demande comment nous allons pouvoir retrouver Matt. Un instant l’angoisse me cueille face à cette masse d’inconnu que je n’ai pas le temps d’analyser, déjà Shay me saisit par le poignet pour se glisser à travers les corps. Je tente de respirer et d’ignorer le filet de sueur froide qui serpente le long de ma colonne vertébrale. Focalisée sur la chaleur des doigts de mon amie, j’ignore les regards, passe outre les réflexions de la gente masculine qui se permet de nous apostropher avec un langage que leur propre mère leur ferait ravaler. C’est mal de regretter de ne plus porter d’arme dans ces moments-là ?
Perdue dans mes scénarios d’extermination de la deuxième partie de l’humanité, je ne remarque pas que Shay s’est arrêtée et percute son dos de plein fouet. Mon front vient cueillir l’arrière de son crane faisant exploser la migraine qui menaçait depuis ma sortie dans le monde réel.
— Merde Rae, ça va ?
— T’as la tête dure, grogné-je en massant l’endroit de l’impact.
— Je te retourne le compliment, rigole mon amie une main dans les cheveux.
— Pas trop de casse ? interroge une voix familière.
Je lève enfin les yeux sur mon environnement pour observer trois paires d’yeux rieurs, dont les deux prunelles vertes que j’ai tant espéré croiser cette semaine.
— Tu t’es décidée finalement ? reprend Matt. Une raison à ce changement ?
Son petit sourire en coin, il arbore l’expression de celui qui est sûr de lui. Je déteste qu’il me connaisse si bien.
— Y’avait un truc qui puait à l’appart’, lâché-je dans un haussement d’épaule.
— Ah bon ? Quoi ? reprend-il plus sérieusement cette fois.
— Ton arrogance !
Les éclats de rires de Liam et Alec me répondent alors que Matt me saisit par le cou pour me rosser le cuir chevelu.
— Putain, lâche-moi, tenté-je de me défendre.
Je tache de me soustraire de sa prise et visualise très bien la position improbable dans laquelle je me trouve : la tête coincée sous le bras de mon ami, mes mains viennent encercler les muscles de ses bras dans une veine tentative de me libérer.
— Allez fais pas la tronche, je te paye un verre la teigne, se moque-t-il alors qu’il relâche son emprise.
Le doigts dans mes mèches de cheveux, les yeux au sol, je tente d’endiguer les dégâts causés par Matt tout en râlant contre ses mauvaises manières. Pourtant au travers cette attitude, je cherche surtout à éviter Liam et ses yeux bien trop expressifs, bien trop perçants. Je cherche à repousser les sensations d’émoi qu’il avait déclenché lors de notre dernière rencontre, je me retranche derrière cette certitude - plus si certaine- qu’il est affilié à mon l’autre enflure de Barr. J’ai besoin de me raccrocher à ça pour tenir à distance les émotions contradictoires qui m’animent.
— Vous buvez quoi les filles ? intervient Alec.
— Une Pina colada pour moi, Honey, s’empresse de commander Shay.
— Un coca s’il te plait.
— Avec du whisky dans ton soda ? taquine le blond à l’allure de surfeur.
La migraine me vrille les tempes, au point que je ne pense plus qu’à percuter un mur de mon crane pour faire stopper cette douleur insupportable.
— Non, un coca sec, tenté-je dans un trait d’humour.
— Tout pour faire plaisir à la demoiselle.
A mes côtés Shay glousse face aux blagues de mauvais goût d’Alec et je retiens cette envie irrépressible de me claquer le front pour montrer ma consternation devant si peu de niveau.
— Hey, Decker ! Ça fait une paye !
La fureur me saisit lorsque je reconnais l’énergumène qui vient de s’inviter à notre table. Parmi tous les bars de toutes les villes du monde, il a fallu que je le croise lui.
— Dick...
— Alors là, si je m’attendais à te croiser ! Je pensais que tu avais carrément changé d’État après l’histoire avec...
Mon sang ne fait qu’un tour et mes poings se crispent prêt à aller rencontrer le visage bien trop jovial de cet insolent.
— Pourquoi est-ce que j’aurai dû déménager ? T’en as d’autres des conneries comme ça ?
Derrière moi je sens la présence de Matt qui s'est rapproché, son ombre m’entoure d’un halo sombre dans lequel je puise la force de soutenir le regard de mon ancien collègue. Dick change de couleur et remballe son vieux sourire prétentieux.
— Oui… non… Ce n’est pas ce que je voulais dire, enfin c’était pour rire, tu vois. Bref, je vais te laisser avec tes amis. J’étais content de te revoir.
— Ouais, c’est ça.
Casse-toi.
Il fait un dernier signe de tête aux personnes présente autour de la table avant de partir à reculons. Ce n’est que lorsqu’il a quitté mon champ de vision que je relâche l’air contenu dans mes poumons. Je n’avais même pas conscience d’être en apnée. J’ose un coup d’œil à Liam consciente que cet échange doit générer un nombre sans fin de question auxquelles je ne suis pas près de répondre. Pourtant, il se garde de tout commentaire et me renvoi un sourire discret. Soit c’est le mec le moins curieux de la terre soit il est au courant de mon histoire personnelle. Qui es-tu Liam ?
C’est dans un silence de mort qu’Alec revient du bar avec les boissons. Mon soda apparait devant moi et il devient clair qu’il ne suffira pas à faire redescendre mon niveau de stress. Tomber sur Dick ne fait que renforcer ma crainte de croiser Barr. Le whisky de Matt m’appelle, il m’attire, me nargue, je m’en saisi sans réfléchir et le descend d’une traite. Les mines effarées de Shay et d’Alec viennent renforcer mon malaise et alors que je cherche une autre échappatoire, un second verre glisse jusqu’à moi, accompagné par le sourire enjôleur de celui que je déclare être mon nouvel allié : Liam. Je ne réfléchis pas plus et réserve à ce verre le même traitement que son prédécesseur. Matt initie le geste de s’approcher de moi, mais mon regard noir suffit à le dissuader de toute tentative.
L’alcool agit rapidement et m’enveloppe dans un brouillard rassurant. Je secoue la tête pour me remettre les idées en place et reprendre contenance.
— Bon, on la visite cette expo ? m’enquié-je.
Les mêmes regards de merlan frit répondent à ma proposition.
— C’est que, nous allons perdre notre place assise si on y va tous ensemble, débute Shay.
— On peut faire des groupes, propose Alec.
— Oui, bonne idée. Qui veut y aller en premier ?
— Allez-y, on garde les places au chaud, intervient Liam.
Matt me questionne du regard, je n’hésite pas longtemps avant de lui confirmer d’un léger signe de tête que la proposition me convient. Il me jette un dernier regard puis disparait dans la foule me laissant seule avec Liam. J’avise mon soda et trempe mes lèvres dans la boisson, plus dans une volonté de me donner une contenance que par réelle soif. Si d’ordinaire je ne suis pas gênée par le silence, aujourd’hui il se fait inconfortable malgré le brouhaha ambiant. Ni mon compagnon du soir ni moi n’osons faire le premier pas. Si je devais extrapoler, je dirais qu’il doit s’interroger sur mes facultés mentales aux vues de nos différentes interactions. Les minutes s’égrènent. Longues, de plus en plus longues.
— Euh, donc... Et toi tu fais quoi dans la vie ? je lâche dans une attitude que je veux désinvolte et qui transparait tout sauf ça.
— Je suis éditeur.
— De livres ?
Putain Rae qu’elle perspicacité, j’me collerais des baffes.
— Oui. De livres, sourit-il.
Je me racle la gorge, incapable de relancer la conversation, mon doigt trouve le bord du verre et en trace le contour. Le contenant reste muet et ne me joue pas la mélodie du cristal, j’ai toujours cet espoir un peu ridicule de faire chanter n’importe quel verre.
— Et toi, que fais-tu de tes journées ?
Mon corps se tend. Je ne compte plus le nombre de fois dans cette soirée ou j’ai dû prendre sur moi, me contrôler, ne rien laisser paraitre. Donner le change. Ma vie est devenue une vraie pièce de théâtre et je suis en représentation à chaque sortie. Je savais qu’en l’interrogeant sur sa carrière je risquais de me prendre le retour de bâton. La question est : que répondre ? La vérité ? Je suis une grosse flemmarde qui vie au crochet de la société et s’apitoie sur son sort la majorité du temps. Ou l’enjoliver un peu et parler de reconversion professionnelle ? Forcée.
— Rien.
Mes yeux capturent les siens, j’y cherche le jugement mais ne le trouve pas. Je n’ai pas le temps de me plonger plus dans cette connexion visuelle que nos amis sont déjà de retour.
Liam se lève de son siège et tend vers moi une main avenante.
— Prête ?
Pourquoi est-ce que j’ai l’impression qu’il ne parle pas de l’exposition ? Pourquoi est-ce que j’ai la sensation que ce contact physique revêt une importance singulière ?
Mes doigts glissent dans sa paume, effleure la douceur de sa peau, s’arrêtent sur le renflement des veines de son poignet. Mon souffle se bloque et mon rythme cardiaque accélère mais cette fois pas de crise de panique à l’horizon, juste une attraction à peine compréhensible qui fait vriller mes sens.
*
Je regarde les photos sans les regarder. Je ne vois que Liam, son sourire. Ses lèvres s’incurvent devant les photographies d’enfants exposées ou au contraire son expression se fait dure face à une scène plus sombre. Il a l’air d’être un réel sensible, de ceux qui vivent au travers de leurs émotions, il semble à fleur de peau, comme si la vie le percutait de plein fouet. Je passe tellement de temps dans le contrôle et l’observation que je ne suis en capacité de laisser filtrer mes émotions ni même de les interpréter. Pourtant à cet instant je n’ai qu’une envie : me lover dans ses bras, voir ce qu’il voit, ressentir ce qu’il ressent. Ressentir tout court…
Le peu d’interaction que nous avons eu a réussi à déclencher quelque chose chez moi. Comme un petit souffle de vie qui reprenait possession de moi. Une petite étincelle qui ne demande qu’à s’embraser. Il a réussi la prouesse, sans même en avoir conscience, de me faire sortir de mon autarcie. De me donner envie de me mélanger au monde à nouveau. Et je n’arrive pas à déterminer si c’est une bonne chose ou pas. Gérer la douleur physique, je sais faire maintenant. Je suis même passée maître dans l’art. Mais toutes les autres émotions me sont lointaines.
Les yeux de Liam accrochent mon regard, je dois le dévisager depuis un moment. Je souris, me sens gauche… punaise,quelle cruche !
Ne voit-il pas à quel point je suis abîmée ? J’ai l’impression que tous les pores de ma peau crient « fille à problèmes » et pourtant il est là et il semble me voir. Moi qui ai tenté de me terrer chez moi pendant plus d’un an. Comment je vais faire pour retourner à mon isolement maintenant ?
Au fil de mes réflexions, je me rends compte que mon niveau de stress a diminué et que je suis rapidement passée sur « l’incident » Dick.
La soirée poursuit son cours, nous rejoignons le reste du groupe presque à regret. Je le vois s’installer à côté d’Alec. Je voudrais discuter plus longuement avec lui, apprendre à le connaître, mais je ne sais plus comment faire pour entrer en contact à force de repousser tout le monde.
Alors qu’il se dirige vers le bar pour commander une nouvelle tournée, il m’effleure en passant. Son parfum reste dans son sillage. Il sent bon, il n’est pas entêtant, il lui va bien.
— Rae à la terre ? Rae ?
Matt m’extrait de ma rêverie et je reviens à la conversation un peu à contrecœur. Autant j’ai envie de sortir de mon mutisme pour Liam, autant les autres peuvent aller se faire voir.
— Ouais ? Qu’est-ce qu’il y a ?
— Euh… c’est bon Rae, te sens pas obligée d’agresser tout le monde !
— Ta gueule, Matt.
Alec nous regarde interrogatif, Shay plus habituée à nos échanges avec Matt, ne réagit pas.
— Bref, je disais à Alec que j'avais mangé dans une brasserie sympa l’autre jour avec ton père. Tu te rappelles son nom ? Je te l’ai dit en revenant.
— Oui. Brasserie Simon.
— Oui, voilà ! Je me souvenais que c’était un prénom, mais je ne savais plus lequel. Merci, poupée.
Mon premier réflexe est de lui tirer la langue, il sait que je déteste ce surnom, c’est pourquoi il s’amuse à m’en affubler dès qu’il en a l’occasion. Je croise le regard espiègle de Liam. Je ne l’avais pas vu revenir du bar. Son sourire illumine son visage. Il est beau, genre vraiment beau. Il va causer ma perte, aucun doute là-dessus.
C’est cette révélation me fait paniquer. Il faut que je sorte. J’ai besoin d’air. Mon cœur s’affole, je cherche mon sac, il m’échappe des mains lorsque je le saisi et la moitié de son contenu se déverse sur le sol poisseux du bar. Je baragouine des excuses sur un rendez-vous tôt le lendemain. Le besoin de sortir se fait urgent. Je sais que c’est le résultat de mon stress post-traumatique, mais impossible de me raisonner. Je fais signe à tout le monde et cours presque vers la porte. Matt me rattrape rapidement. Il ne dit rien, mais saisi ma main et la serre de toutes ses forces. L’air frais de la nuit m’enveloppe en opposition avec la chaleur que Matt dégage à mes côtés. Je me concentre sur ce contraste et fait le vide dans mon esprit.
Me concentrer sur du réel.
J'inspire, ferme les yeux quelques secondes le temps de faire reculer les dernières pensées négatives qui m’assaillent. Surtout ne pas me laisser envahir par mes craintes. Les larmes me montent aux yeux. Ce sont des larmes de douleur, de honte aussi. Je ne supporte plus cet état de stress permanent. Ne pas savoir ce qui déclenchera une nouvelle crise de panique ni si je réussirai à la gérer.
Lorsque j’ouvre les yeux à nouveau, la crise a reflué. La nuit est toujours aussi sombre et mon ami toujours à mes côtés. Je respire.
Un pas après l’autre Rae. Un pas après l’autre.
[1] The chainsmokers – it won’t kill ya (feat Louane)
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