Chapitre 20 La légende du Tharok
- Drakorin, raconte-nous une légende !
Le conteur baissa les yeux vers le marmot qui tirait son surcot. Il avala la dernière gorgée de sa bière sans répondre.
- S'il te plaît, Drakorin.
L'enfant croisa les bras derrière son dos et prit un air suppliant. L'homme rit : le gamin ne manquait pas d'aplomb.
- Laquelle ?
- Celle du Tharok, du grand héros !
- Vous la connaissez par coeur !
Les petits camarades se rapprochèrent pour aquiscer. Même les adultes prêtaient une oreille attentive au dialogue.
- C'est notre préférée !
- Soit.
Drakorin s'assit sur le banc pour se mettre à la hauteur des enfants. Il se racla la gorge avec componction, rajusta sa tenue, se frotta la nez.
- Vous êtes prêts ?
- Oui !
Le silence se fit. On aurait pu entendre voler une mouche dans la salle de la Taverne de l'Etoile Brillante.
- Eldrin !
Le jeune homme ainsi interpellé pose sa cognée et essuie les perles de sueur qui glissent le long de sa joue. Il fait face aux paysans terrifiés.
- Les monstres attaquent !
- La brèche s'est ouverte !
- Ils tuent tout sur leur passage !
Le guerrier n'attend pas qu'on lui en dise plus. Il se précipite de toute la force de ses longues jambes au combat, armé uniquement de sa hache.
Fort de son expérience militaire, il affronte seul les créatures des ténèbres. Le passage sur le Royaume des Ombres ternelles crachent des nyaxars, des ténébrors et des éclipseurs.
Les enfants frémirent. Plusieurs fois, le conteur leur avaient décrit l'apparence des bêtes et leur seule évocation les effrayaient.
La lame bénie du héros renvoyoie des reflets brillants et lançe des éclairs rougeoyants qui foudroient les créatures maléfiques.
Effrayées par la puissance de leur adversaire, ces dernières reculent peu à peu. Elles faiblissent devant la détermination inébranlable d'Eldrin que rien ne peut empêcher de défendre les siens.
Il combat jusqu'à l'instant où les bêtes cessent d'apparaître. La brèche commence à réduire.
- Y va pas mourir, hein ? demanda un petit nouveau, des larmes pleins la voix.
- Shhh !
Les autres enfants lui intimèrent le silence. Drakorin enchaîna avec la suite de son récit.
Les villageois soulagés lancent vers le ciel leurs bonnets et et poussent des exclamations de joie et de victoire.
Eldrin trébuche et tombe sur ses genoux devant le portail sombre. Il joint les mains et dans un ultime sacrifice, scelle l'abîme maudit.
Une lueur dorée jaillit de son corps : il utilise son énergie vitale pour lancer le sort qui fermera définitivement le passage.
A cet instant, le conteur posa un silence. L'attention était toute entière tournée vers lui.
Un instant aveuglés par la lumière, les spectateurs se précipitent vers lui. Le visage calme, toute trace de sang effacée, Eldrin a fermé les yeux pour toujours.
Avant que les amis du défunts et toutes les familles qu'il a sauvés n'aient le temps de déplorer sa mort, les Dieux descendent de leur royaume.
Drakorin fit une pause.
- Alors, les enfants, qui étaient-ils ?
- Thalor !
- Et Morthavar !
- Et puis Lyndor !
- C'est cela.
Thalor, dieu de la guerre et du courage, arrive dans son char mené par deux dragons rouge sang. Lyndor, dieu de la justice et de l'équilibre, se matérialise à la droite d'Eldrin, vêtu de sa toge pourpre et portant sa balance. Morvathar, dieu de la mort et de la renaissance se place à la gauche du guerrier, habillé de blanc, la couleur du deuil.
Les entités louent la vaillance et la fermeté du guerrier qui gît, paisible, les mains croisées sur la poitrine.
En hommage, les dieux créent le titre de "Tharok", qui symbolise le courage et le sacrifice et n'est réservé qu'aux héros les plus valeureux.
Eldrin devient ainsi le premier Tharok, inspirant les générations futures à défendre le Royaume d'Elaria avec la même détermination.
Ils unissent leurs pouvoirs pour dresser un tombeau digne du héros. Par la suite, c'est sur ce lieu que fut dressée la Chambre des Braves.
- On raconte que les meilleurs artistes furent engagés pour immortaliser le passage des Dieux parmi nous et l'histoire d'Eldrin le Tharok. La légende est parvenue aux Trois Royaumes, véhiculée par les conteurs. C'est de l'un d'entre eux que je l'ai apprise.
- Et les dieux, conteur ? Que sais-tu des dieux ?
Drakorin se tourna vers l'étranger qui venait de parler.
- Les dieux sont des êtres dont les pouvoirs dépassent ceux de nos meilleurs magiciens. Il furent créés par Etherius pour maintenir la paix sur Daerilia. Ils interviennent très peu, car les actions ont toujours de l'influence sur notre monde et qu'elles ont souvent été désastreuses. Depuis la dernière Guerre, ils ne se sont pas manifestés.
- Ta connaissance de la mythologie est aussi parfaite que ton talent de conteur. Tu as su me passionner tout au long de ton récit. Laisse moi t'offrir un repas.
- Ce sera avec plaisir, étranger. Mon nom est Drakorin, je traverse les Royaumes et distrait les foules de mes contes. Quel est ton nom ?
- On me nomme Reed.
- Très bien, Reed. Je ne t'ai jamais vu parmi nous. D'où viens-tu ?
- D'une petite ville de la campagne, pour affaires. Tu dis que tu voyages, tu dois certainement avoir des anecdotes à me compter.
- Certes. Il y a cette fois où j'ai faillit me faire dévorer par un ours.
Le reste de son discours se perdit dans le brouhaha de conversations qui reprenaient. Les enfants s'enfuirent jouer au "héros qui tue les monstres".
NDA : le personnage de Reed apparaît au chapitre 3, Alice, Etoile de la Guile.
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