08/04
Elle avait cette beauté un peu molle de motte de beurre ou de neige ensoleillée, un peu giboulée, sans vraiment de ces grâces tapageuses qui tordent le cou à l’indifférence et pourtant avec quelque chose de confortable à l’oeil, quelque chose de gourmandise enfantine qui fait coller les mains aux vitrines, quelque chose… Et l’oeil guettait les agapes de chaque geste et, dans le creux des mains noires des cendres des nuits où le feu semble envahir le lit des rivières assoiffées, un peu de rosée, comme la promesse d’un déjeuner sur l’herbe à en faire mouiller la jupe dans le pli des pissenlits. Quand vole à tes nuits le parfum corrompu des jours acides qui rongent les dents et émaillent les feuilles vierges des calendriers et jaunir dans la poussière de l’automne les calendulas gothiques. Mais rongé de plaines meurtrissures, comme la pomme qui roule dans la caillasse grave et cremeuse, qui gicle au flans caramels des montagnes battues en neige, que l’orient teinte de rose, tels ces loukoums englacés de sucres dont on salit les doigts de l’enfance. Museliere d’épine aux cieux noués, comme des cordes par dessus des champs de cotons et de nuages, et que pendent les anges, sur la balançoire acrimonieuse des radiances éclusées. Et dans le froid des glaçons rongés de vers d’hivers, un peu de tisane diffuse, quelques larmes agaçantes, glissant des glycines à l’agapanthe et dans le ventre des pythons. Et dans l’anneau du serpent, détresse de doigts confus, creusant le soc des charrues sous le regard volatile des serfs volants, et le gui en fleur empoisonné de baisers alcalins. L’infirme roulait sa bosse, fabuleux comme la tortue à la fontaine des salamandragores, et nageait dans l’eau de nénuphe, enroulé de lotus et de joncs, jachère d’orgueil, cimetière des sourire hautains sur les miroirs sans tain. Comme Ophélie en sa rivière d’automne, nimbée de nymphéas et de voiles sans mat, échec au roi et que sonne le glas, que triomphe le mépris et que règne l’indifférence, bénie entres tous, qu’importe l’après que le vent emporte toujours plus loin, comme une pie voleuse, dans son bec un fromage, que le temps est comté. Accourez à la chasse, dans l’aiguail de l’aube, à l’aune des aulnes, quand dorment les ormes, hêtres sans charme à l’écorce rongée, au feuillage galeux comme des pubis adolescents, aux racines sans ailes, nourries de cadavres, aux troncs sonnés, frappés de foudre de guerre et d’opium, lacérés les uns contre les autres et advienne que pourra. Comme une course au soleil dans les cratères de grès où le vin s’aère, aux lèvres de l’aède qui change le vin en ode, et le vain en sang que mille artères, et autant de veines épuisées, charriant des caillots de rubis, ne sauraient épouser. Jamais. Jamais dans les borées de cidre qui grèlent nos palais comme l’on grave le stuc de mots d’ordres et de silences d’or. Enfant, où se cache la vérité, se gâche la candeur, dans les bouches noires acariâtres tapissées de langues de bois brûlé, qui s’embrasent sans s’embrasser et s’éteignent de n’avoir su briller. Singulière destinée qu’avançaient alors les éons sur le plateau vermeil des mille merveilles comme un labyrinthe de tentes dans le désert d’une nuit sans l’une ni l’autre, où sont elles, muses infidèles, sybilles de mauvaise augure, divaguant sur des chemins de fils et des ponts de cordes aux dessus d’inextricables jungles. Amère, épuisette, charançon, danse dans les coquilles vides des boules à ciel, crevées de satellites, comme des vitraux sans fenêtres, traversés de gargouilles aux ventres affamés. Retiens l’espoir, à double tour d’ivoire, aux tréfonds des abysses incarnates que baignent tes pieds, vestale, ne cherche pas d’un regard le léviathan qui rôde en maraude, courant d’aires en nids, pèlerin en chemise pourpre, chasuble de jute, le plumage ne fait pas le moineau, et l’étourdi ne passe pas l’hiver sur le fil rasoir des jetées matinales. S’envolera, la plume au bec, avalant l’espace et la distance, oiseau de passage, offrant son tribut à l’éole dans le parfum de méridion et d’encens des valses d’altitude.
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