Libération
Nerwen fait de lents mouvements de va-et-vient avec ses doigts contre la corde qui la retient prisonnière, même Ninquelotë qui est à côté d’elle ne remarque pas ses mouvements furtifs. Ménestho qui a pansé sa plaie au pouce est en train de remuer un liquide à l’odeur pestilentielle dans un vieux chaudron, la soupe de ce soir semble être encore plus infecte que d’habitude, il a l’air de bonne humeur et fredonne une musique inconnue des deux elfes, il tourne autour du chaudron pour surveiller ses deux prisonnières, quel ne fut la surprise de Nerwen de voir que ce qui aide Ménestho à mélanger sa bouilli infâme est l’arc sacré, elle lui jette un regard noir, il répond à ce regard par un sourire satisfait, il sort l’arc du chaudron et tape sur le bord pour enlever le surplus de soupe et se rapproche de ses prisonnières, il s’accroupit et montre l’arc à Nerwen :
–Moi t’ai emprunté ça et c’est super pratique.
Il l’utilise pour se gratter le dos :
–Vraiment super pratique ! Ahahah !
Le regard de Nerwen devient plus sombre encore et cela semble l’amuser :
–Oh oui ! M’adore ce regard, cela me donne envie, de te frapper, de te fracasser, de te détruire, de te tuer. Oh ! Quel plaisir ce serait de faire tout ça. Tu as bien de la chance ! Tu vas être vendue aux humains, ces êtres sont encore plus dérangés que moi, veux-tu savoir ce qu’ils font à leur esclave ? Ils leur mettent un collier qui les empêche de se rebeller, ils ne peuvent que dire oui à toute leur demande. T’imagines ça ? On te demande de te casser le bras, tu t’exécutes, on te demande de la fermer, tu te tais à jamais, on te demande de marcher nue sans gêne, et tu ne peux même pas dire que ça te déplait, ces êtres libidineux peuvent même te demander des faveurs et toi, tout ce que tu peux faire c’est te mettre à leur pied. Et arrive alors le moment où le maître en as marre de son objet et lui demande de se tuer, et toi que feras-tu ? Tu trouveras le moyen le plus rapide pour abréger tes souffrances. N’est-ce pas merveilleux ?
Nerwen lui rend son sourire satisfait :
–Tu crois que tu me fais peur ?
–Moi ne faisait qu’exposer la vérité qui t’attend, mais moi m’attendait à cette réaction de ta part.
Il attrape son menton et met son pouce bien loin de sa bouche, il la force à regarder son amie et lui lèche la joue, il s’écarte, lâchant son menton et se transforme en Nerwen, malgré ce changement d’apparence, il garde sa voie rauque :
–Et maintenant, tu vas avoir peur en te voyant toi-même.
Il attrape Ninquelotë par les cheveux et la force à se trainer jusqu'à lui, lui arrachant des cries de douleur, Nerwen serre les dent :
–Tu comptes faire quoi ?
–Mais moi ne vais rien faire, c’est toi qui vas le faire, tu crois que moi n’ai pas remarqué vos regards ? Moi veux bien être rôtis si vous n’êtes pas amoureuse.
Il soulève Ninquelotë, qui l’insulte, jusqu’à son visage et l’embrasse sur les lèvres, Nerwen profite de ce moment d’inattention pour essayer de couper la corde qui la retient prisonnière, Ménestho prend cette agitation pour une preuve de ce qu’il avance :
–M’avait raison ! Alors ?
Ninquelotë lui répond en colère :
–Elle me demande toujours avant ce que je désire.
–Oh ! Et qu’est-ce que tu désires ?
Son corps émane une aura verte autour d’elle et lui crie :
–Je ! Veux ! Revoir ! MES PAPAS !
Son aura s’intensifie et des racines surgissent de sous terre, attrapant Ménestho qui lâche Ninquelotë et s’extirpe de ses pièges rampants qui essayent de l’agripper :
–Tu crois que ça va m’arrêter salope !
Il essaye de la frapper, mais les racines ce profil en pointe, sortent de terre telles des lances et bloque sa progression, Nerwen finit de couper sa corde et se libère de ses liens, elle se lève et récupère l’arc des mains de Ménestho, qui se retrouve pris au piège des racines de Ninquelotë, il ne peut que regarder Nerwen qui le tient en joue, son sourire satisfait ne l’à toujours pas quitter :
–Tu crois que me tuer va changer quelque chose ? Ah ! Vous êtes tous que des idiots ! Nos objectifs sont déjà atteints, votre annihilation est proche.
–Peut-être, mais toi, tu ne seras pas là pour le voir.
Elle décoche une flèche de l’arc sacré et Ménestho dans un dernier râle retrouve son apparence d’océanide, Nerwen accourt vers son amie et coupe les liens de Ninquelotë en lui demandant :
–Est-ce que ça va ?
–Je vais avoir besoin de désinfecter ma bouche plusieurs fois après ça, ce connard m'a volée mon premier baiser.
–Je suis désolée, j’aurais dû nous libérer plus tôt.
Ninquelotë est enfin libre et se masse les poignées, Nerwen continue :
–Je t’avais dit que je te protègerais, mais j’ai échoué.
–Ce qui est fait est fait.
Dit-elle froide en se relevant, Nerwen essaye de changer de sujet :
–Je ne savais pas que tu étais si doué en magie.
–C’est parce que tu n’écoutes pas Circë, elle a toujours répété que nos émotions influençait l’utilisation de notre magie.
Elle part en direction de la sortie de la planque :
–Partons, je n’ai plus envie de revenir ici.
Nerwen silencieuse la suit, elles traversent la forêt sans un bruit, Nerwen essaye par plusieurs fois de briser le silence, mais se ravise à chaque fois, Ninquelotë s’arrête d’un coup et lâche froidement :
–Qu’est-ce que tu fais ?
–Pourquoi t’es si en colère ?
Elle fait volte face et lui crie :
–En colère ! Tu me demandes pourquoi je suis en colère ! Donne-moi une seule raison de ne pas me mettre en colère ! On nous a enlevés ! J’ai subi les tortures de l’autre connard pendant quatre jours ! Sans compter ses humiliations ! Toi t'a dormi pendant trois jours ! Trois putain de jours ! Et le pire dans tout ça, c'est que tu m’as dit que tu me protègerais ! Et même ça t’en est pas capable !
Elle finit par s’agenouiller en larme, cachant son visage avec ses mains :
–J’ai cru que t'allait mourir, j’ai cru QUE j’allais mourir et que je n'allais jamais revoir mes papas sans leur dire que je les aime.
Elle relève la tête et lui crache :
–Et tout ce que tu as fait ! C'était dormir !
Nerwen ne sait que répondre, elle avance sa main vers son amie et se ravise, regarde ses pieds et sert les poings, des larmes pointent au coin de ses yeux et tombent par terre, elle finit par lui dire :
–Je sais, ç'a toujours été comme ça, j’suis censée être la porteuse, celle qui protège la terre des elfes, celle qui protège tous ses habitants, celle qui prend tous les risques pour que les autres vivent une vie normale, mais je ne suis qu’une ratée.
L’arc murmure :
–Je n’aurais jamais fait confiance à une ratée.
Mais elle ne l’entend pas :
–Une moins que rien, qui ne mérite pas ta confiance. Je ne peux sauver personne, je n’ai pas pu sauver mes parents, je n’ai pas pu te sauver, je suis inutile, j’aurais tellement voulu ne jamais être née en tant que porteuse.
L’arc s’apprête à lui faire une remontrance, mais Nerwen le coupe de cours :
–Mais je n’ai pas le choix ! Je serai la porteuse jusqu'à ma mort et rien ni personne ne pourra échanger sa place avec moi. Ça fait si mal, tellement mal, toujours et encore à devoir prouver aux autres que tu es dignes, à être meilleur que tout le monde, à me surpasser encore et encore et encore. Si j’ai pu tenir le coup, c’est uniquement grâce à toi et à mon oncle.
Elle s’agenouille et elles se retrouvent face à face, Nerwen lui tend la main :
–Alors, s’il te plaît, pardonne-moi.
Nerwen lui fait un sourire triste et Ninquelotë lui prend la main, Nerwen s’apprête à se réjouir, mais elle la coupe :
–Tu n’es pas entièrement pardonnée. Disons que je ne veux pas qu’on se quitte en aussi mauvais terme.
Elles se relèvent et Nerwen lui demande :
–Qu’on se quitte ?
–J’ai besoin de temps, Nerwen, j’ai besoin d’une douche, de repos et je veux revoir mes papas.
–Quand est-ce qu’on pourra se revoir ?
–Paie ta dette en nous protégeant de ses nageoires et de leurs plans d’annihilations et je pourrais envisager de te pardonner, en partie.
Ninquelotë lâche la main de Nerwen, elle se retourne et s’enfonce dans la forêt. L’arc se fait entendre :
–On dirait que tu as réussi.
Nerwen lasse et fatiguée, jette un œil à l’arc et souffle :
–De quoi tu parles ? J’ai réussi quoi ?
–Réunis deux sœurs ennemies sans aucune rixe.
Elle écarquille les yeux et regarde Ninquelotë qui disparait derrière un arbre :
–Tu veux dire, que si je…
Elle laisse sa phrase en suspens, et reprend :
–Ils nous restent donc trois objectifs à atteindre pour te sauver.
–Pour tous nous sauver.
–J’ai encore beaucoup de question à te poser, mais…
L’arc complète sa phrase :
–Nous en aurons tout le temps d’en discuter plus tard.
Elle hoche la tête et se dirige vers l’arbre de Tauron, elle s’arrête à une centaine de mètres de son objectif et monte en haut d’un arbre, elle regarde les alentours pour voir si il y a un océanide en train de surveiller Tauron, Nerwen se concentre sur son sens de l’ouïe et de sa vue. Un bruit attire son attention, un feuillage à bouger, fixant l’endroit, elle s’aperçoit qu’un elfe a perdu l’équilibre et à glisser, c’est ce qui a fait ce bruit, et au vu de comment il fixe la maison de Tauron ce doit être l’un d’entre eux. Elle hésite un instant à lui tirer dessus, mais elle se retient, le tuer risque d’alerter les autres. La bonne nouvelle, c'est qu’il y a un angle mort et c’est pile l’endroit où est la fenêtre qui donne sur son lit, elle saute de branche en branche sans un bruit, en faisant bien attention de ne pas rentrer dans le champ de vision de l’océanide et finit par arriver dans son angle mort. Il ne lui reste plus qu’un saut pour arriver chez son oncle, la fenêtre est ouverte et il semble que Tauron ais enlever la mousse et les fleurs de la chambre, elle prend appuie sur la branche et bondit, elle atterrit sur son lit sur le ventre, comme elle l’avait calculée, mais son drap la fait glisser vers le sol et tombe dans un bruit sourd, elle avait oublié d’ajouter la masse d’accélération. Nerwen se relève en se massant la tête de douleur et distingue des pas feutrés montés les escaliers, le rideau séparant les deux lits s’ouvre d’un coup, Tauron bouche bée de voir sa nièce ne dit rien, Nerwen et lui se regarde et elle finit par dire :
–Oncle Tauron, je suis rentrée.
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