6ème jours
Léo se dirige vers la cuisine et regarde dans l’évier avant de renifler. Il fait une grimace avant de regarder partout dans l’appartement, puis dans la salle de bain. Reprenant contenance je le regarde faire avec interrogation.
— Tu… tu fais quoi ?
— Ça sent le rat crevé chez toi, ils ont foutu de la mort-aux-rats dans le grenier et la bestiole est venue crever dans le mur, c’est sûrement ça. Je regarde s’il n’y a pas de trace chelou.
— Ce n’est pas ça.
Il s’arrête et me regarde avant d’exploser de rire.
— Si c’est juste un pet foireux de ta part faut consulter, car tu es pourri de l’intérieur mec.
Je fais une grimace vexée, non ce n’est pas moi qui sens ainsi. Heureusement, mais c’est la chose qui était là avec moi il n’y a pas cinq minutes. Cette chose qui sentait le cadavre et qui s’approchait de moi en grattant le sol. Un frisson me parcourt de nouveau, Léo vient de me sauver la vie, enfin je crois. Je ne sais pas ce qu’elle m’aurait fait si j’étais resté encore paralysé. Quant à Léo, il est en train d’ouvrir toutes les fenêtres et de passer les pshit de toilette partout dans l’appartement.
— Arrête, ça sent les toilettes c’est pas mieux, dis-je sur un ton agacé.
— Nan mais je ne sais pas si tu te rends compte de l’odeur… Enfin bref, si ça part pas on dort chez moi ce soir ? Tu devrais en parler à ta concierge on ne sait jamais, si y’a un rat crevé dans le mur ou dans le plafond, ça risque de faire une tache dégueulasse et tu en auras pour une semaine avec l’odeur.
— Ouais… mais je suis sûr que l’odeur va partir rapidement…
Je devrais lui parler de ce qui m’arrive, mais comme le psychologue j’ai peur qu’il ne me croie pas. Il s’approche soudainement de moi et pose sa main sur mon front, fronçant des sourcils. Il file dans la salle de bain et prend le thermomètre pour le poser sur mon front.
— Tu es tout pâle, mais pas de fièvre. Tu te sens comment ?
— Fatigué, j’ai… j’ai encore fait une sorte de cauchemar comme l’autre nuit. Je suis allé voir mon psy et il m’a redonné des calmants, mais je ne veux pas les prendre.
— Pourquoi ? Ça pourrait te faire du bien, non ? Justement pour que tu ne fasses pas de cauchemars tant que tu es malade, me conseille-t-il.
— J’ai arrêté les médicaments, je ne veux pas en reprendre d’autres. J’ai peur de redevenir dépendant de cette merde.
Il me fait un sourire triste, avant de me tapoter l’épaule. Il comprend parfaitement mon point de vue, car il y a cinq ans j’ai voulu arrêter mon traitement du jour au lendemain, les effets secondaires m’ont rendu nerveux et violent. Il sait que cela m’a fait peur, car notre amitié avait failli se briser à cette époque.
— Tu as revu la chose, me demande-t-il, mine de rien.
— Oui… et… c’est elle qui pue…
— Ouais, dans ton rêve tu l’as assimilée à l’odeur.
Je baisse les yeux, c’est une explication tout à fait logique pour lui. Ça ne peut être autre chose qu’un rat crevé dans le mur. Il finit par ouvrir le frigo, regardant ce qu’il y a à manger, avant de lâcher un soupire désespéré et de commander un Uber. On se pose sur le canapé, révisant les cours de la journée, il m’explique ce que j’ai loupé. Avec lui ça a l’air tellement plus simple qu’en cours à vrai dire. L’odeur semble passer et il finit par refermer les fenêtres juste avant que le livreur n’arrive. L’appartement se remplit alors de la délicieuse odeur de kebab.
On continue de réviser et finalement on reste dormir dans mon appartement. La prochaine fois on ira chez lui, j’ai juste peur que cette chose n’apparaisse aussi là-bas. Je sais qu’elle me suit, elle était avec moi à l’hôpital, alors pourquoi elle ne viendrait pas avec moi chez Léo ? Juste avant de dormir, mon meilleur ami s’approche de moi avec un cachet dans la main et un verre d’eau.
— Écoute, je sais que tu ne veux pas en prendre, mais pour cette nuit OK ? Je serai avec toi, je vais te prendre dans mes bras tu ne risqueras rien d’accord ?
Je le regarde de façon tremblante, j’ai les larmes qui me montent aux yeux. Je ne veux vraiment pas reprendre cette merde, mais je n’ai pas le choix. J’ai vraiment peur que cette chose en profite alors que je suis drogué par les médicaments. Et si jamais elle s’en prend aussi à Léo, je serre des poings avant de finalement céder pour ce soir, je verrai bien, peut-être qu’il me croira. Je prends le petit cachet et m’enfile le verre d’une traite, avant de me glisser sous la couette. Léo fait le tour du lit avant de venir me prendre doucement dans ses bras. Je soupire de contentement, j’aime vraiment la chaleur de ses bras, ils sont tellement rassurants.
— Bonne nuit, Alex, fais de beaux rêves, me murmure-t-il.
— Toi aussi Léo, bonne nuit.
Je m’endors avec un petit sourire au coin des lèvres, il est si adorable quand il s’y met. Je crois que j’ai passé ma meilleure nuit depuis longtemps, je ne sais pas si c’est le calmant ou si ce sont les bras de Léo, mais en tout cas le mix des deux ne m’a pas fait voir la chose. Par contre l’odeur dans mon appartement est réapparue et une tache étrange commence à se montrer dans un coin de mur, là où la veille j’ai vu la chose apparaître. Léo regarde la marque, la touche et fait une grimace horrifiée. Il se tourne vers moi, manquant de limite vomir sur mes chaussures.
— La bestiole est morte ici, préviens ta concierge, et viens t’installer dans mon appart pour être tranquille, me propose-t-il.
— Ouais je vais faire ça, merci.
Je descends avec lui, avec ma valise dans les mains, je frappe chez la concierge juste après avoir souhaité bonne journée à Léo. La vieille dame m’ouvre et me fait un sourire.
— Oui ?
— Je crois qu’il y a un rat crevé dans mon mur.
— Oh, mon Dieu, je vais appeler quelqu’un pour m’occuper de ça, vous avez de quoi vous reloger le temps qu’on s’en occupe ?
— Oui, de toute façon vous ne le louperez pas, il y a une grosse tache immonde dans un coin de la cuisine et ça sent… mauvais, je lui explique.
Elle m’assure qu’elle s’en occupera rapidement. Je finis par sortir de l’immeuble et rejoindre celui de Léo, j’ai toujours un double de ses clefs, on s’est échangé nos doubles depuis très longtemps déjà. Une fois dans l’appartement je me vautre dans le canapé, allumant la télé, c’est mon dernier jour d’arrêt avant de reprendre les cours. Cette nuit de sommeil m’a fait beaucoup de bien dans tous les cas. Et puis j’arrive à la fin de mes antibiotiques, j’espère que mes hallucinations vont disparaître. Car après avoir bien dormi je ne peux que me dire que c’était des hallucinations.
Une personne saine d’esprit ne peut pas croire en des choses monstrueuses, qui sentent le rat mort et qui sont aussi froides qu’un glacier. Je me perds dans mes réflexions, au point où je commence à somnoler, les yeux à moitié ouverts, plongeant dans un état semi-conscient.
— Alex…
Je sursaute d’un coup, manquant de tomber du canapé. Je regarde autour de moi, rien, l’angoisse monte soudainement. La chose est bien réelle, je l’ai encore entendue, je n’hallucine pas, elle vient dès que je commence à m’endormir ou que je ferme les yeux. Je me rue dans la cuisine, mettant la cafetière en route, je ne dois surtout pas m’endormir quand je suis seul. Si Léo est avec moi et me prend dans ses bras, elle reste loin et ne vient pas. Je ne dois surtout pas m’endormir seul, ici ou ailleurs, sinon elle reviendra.
Quand mon meilleur ami rentre enfin de sa journée de travail, j’ai bien bu trois cafetières, je suis aussi excité qu’une puce sur le dos d’un chien. Je cours partout dans l’appartement, avec l’aspirateur dans les mains, j’ai déjà préparé le repas du soir et pris une douche.
— Eh bien, tu n’as pas chômé on dirait, tu aurais pu en profiter pour dormir toute la journée, ricane-t-il.
— Ouais, mais j’en peux plus de rien faire, demain ça ira mieux je reprends les cours, dis-je en trottinant vers lui.
— Hum, tu as bu du café ou tu l’as mangé ? Tu es tellement excité.
— On peut manger le café ?
Il explose de rire, avant de s’asseoir et de sortir ses cours. Je me place à côté de lui pour rattraper les miens, au moins cela m’occupe l’esprit et je ne risque pas de m’endormir. C’est au moment où nous allons nous coucher que je sens l’angoisse me prendre de nouveau. Je viens me blottir contre Léo qui me tourne le dos pour le moment, il se met à glousser avant de se retourner et de me prendre à nouveau dans ses bras.
— Ne prends pas l’habitude Alex, demain on va considérer que tu n’es plus malade, c’est la dernière fois.
Je me mords la lèvre, je vais donc profiter d’être à l’abri de ses bras pour la dernière fois.
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