7ème jours

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Je n’ai pas beaucoup dormi même si je me sentais en sécurité dans les bras de Léo. La reprise des cours est catastrophique, je n’arrête pas de bâiller. Je me sens piquer du nez à chaque parole que prononce la prof de science. Heureusement Léo est là pour me donner de petits coups de coude à chaque fois qu’il voit ma tête partir en avant. À la pause il ne manque pas une seconde pour se moquer de moi, mais surtout pour m’offrir un café.

— Faut dormir la nuit, me lance-t-il en gloussant.

— Ouais, mais j’étais avec un mec cette nuit, je ne te dis pas on s’est fait un câlin toute la nuit.

Il explose de rire face à ma repartie. Je savoure mon café dans un soupir de satisfaction, j’espère que ça me fera tenir. Je ne sais pas ce qui pourrait se passer si je m’endormais en cours. La chose viendrait sûrement, mais suis-je le seul à la voir ? Ou bien tout le monde me croirait si jamais je m’endormais ? Je n’ai pas envie de tester réellement, savoir que cela peut mettre en danger quelqu’un me glace le sang.

Ce qui devait arriver arriva. Même si je m’étais gavé de café toute la matinée, la première heure de l’après-midi fut traître. Je me sens piquer du nez sans pouvoir me retenir, c’est en plus une heure d’option, Léo n’est pas avec moi. Mon front vient se poser sur mes mains alors que je sombre dans le sommeil.

— Alex…

L’angoisse monte d’un coup, je sens mon esprit sortir de mes rêveries dès que j’entends cette voix m’appeler. La chose est bien là, en cours avec moi, elle n’a pas perdu une minute dès que je me suis endormi. Sa main se pose sur mon épaule, je fais un sursaut et la repousse violemment. Je vois alors les sourcils froncés de ma prof, qui me lance son plus joli regard noir.

— Alex, je veux bien croire que vous revenez d’une maladie, mais ne vous endormez pas pendant mes cours je vous prie.

Le rouge me monte aux joues, ce n’est plus l’angoisse qui me prend l’estomac, mais la honte. Je regarde autour de moi, tout le monde m’observe avec des sourires amusés. Je murmure un désolé en baissant la tête avec un sourire des plus gênés. La prof reprend sa place puis continue son cours, je ne me suis jamais tapé une honte pareille. Je reprends mon stylo pour prendre note du tableau, mais au moment où je lève les yeux vers celui-ci, je la vois. La chose se tient dans un coin de la classe. Immobile, elle est courbée, sombre, et semble absorber toute la lumière.

Je me crispe en la voyant, mes mains se mettent à trembler légèrement. Je regarde autour de moi, je suis bien le seul à la voir, mais quand je veux à nouveau poser mes yeux sur elle, elle a disparu. Il n’y a plus rien dans le coin de la pièce. Je commence à douter de mon état mental, comment puis-je avoir des hallucinations aussi réelles ? Ce n’est tout de même pas l’arrêt des médicaments ? Quand j’étais petit, j’avais un soi-disant ami imaginaire, et je faisais des terreurs nocturnes. Cette chose me suit depuis bien plus longtemps. C’est la prise des médicaments qui l’a fait disparaître, mon ami imaginaire a disparu à ce moment-là. Est-elle là pour se venger, car je l’ai abandonné ?

Je n’ai aucune réponse à mes questions, à part la peur qui me tenaille. Personne ne semble me croire, pas même mon meilleur ami. D’un côté si j’étais à sa place, en école de médecine, je ne croirais qu’en ce que je vois et surtout en une explication logique. Il doit forcément y avoir une explication logique à ce qui m’arrive, il faut que je sache quoi.

Le soir, alors que les cours se terminent, je fais savoir à Léo que je veux passer à mon appartement, voir s’ils ont résolu le problème de rat. J’ai envie de voir ce qui se passera si je dors seul, de voir si cette chose me fera vraiment du mal. Si c’est une hallucination demain matin tout ira bien et je serais en cours avec tout le monde. Mais une fois seul dans mon appartement le courage m’abandonne. Je n’arrive pas à trouver le sommeil et surtout je ne cherche pas. Je me suis encore bu une tonne de café, ayant peur de m’endormir et de la voir. Ce sont les nerfs qui ont lâché en premier cette nuit-là, j’ai passé ma nuit à pleurer dans la salle de bain.

Le lendemain en cours c’est bien plus horrible que la veille. Léo s’inquiète encore plus en voyant ma tête de mort-vivant. Il m’ordonne de prendre rendez-vous chez mon psychologue et que si je devais prendre des médicaments pour aller mieux, je devrais le faire. Je ne pouvais pas lutter j’avais besoin d’aide, mais comment obtenir de l’aide quand personne ne me croyait. J’arrive à obtenir un rendez-vous le soir même avec mon psychologue. Il se rend bien compte de ma détresse. Quand je me retrouve face à lui j’ai le même discours. Ce sont des hallucinations, il me prescrit à nouveau ce traitement que j’ai pris pendant dix ans.

Je rentre chez moi abattu, je ne veux pas reprendre mes médicaments, je sais que ce que je vois n’est pas une simple hallucination. Cette chose qui vient me voir est bien réelle, même si j’essaie de me persuader parfois que non. Ce soir-là Léo est à mon appartement encore une fois, il regarde l’ordonnance et les médicaments qui sont posés sur la table.

— Bon ! Ça devrait aller mieux si tu prends ça, dit-il.

— Je ne veux pas les prendre.

— Tu vas les prendre, tu n’es pas bien, tu ne dors plus. Tu hallucines, tu fais n’importe quoi, et tu pionces en cours.

— Cette chose est bien réelle, Léo.

— NON ! Cette chose c’est une hallucination, tu vas prendre tes médicaments un point c’est tout.

Je relève la tête et lui lance un regard noir, je ne prendrai pas les médicaments. Cette fois c’en est assez. Le ton monte de plus en plus entre nous, avant que finalement Léo décide de partir en claquant la porte derrière lui dans une colère noire. Je serre les poings, les larmes montent. Personne ne veut me croire, pour tout le monde la solution c’est des médicaments. C’est le cachet magique qui résout tous les maux, mais cette chose est réelle, je le sais.

Je ne dois pas dormir, sinon elle reviendra. Ce soir je lutte de toute mes forces pour ne pas sombrer dans le sommeil. C’est vers trois heures du matin que tout bascule, alors que j’avais lutté je suis finalement tombé dans le sommeil, allongé sur le canapé.

— Alex…

Je sens l’angoisse monter dès que mon esprit commence à sortir des brumes du sommeil. Je garde cependant les yeux fermés, je ne dois pas les ouvrir, car sinon je la verrai.

— Alex, ouvre les yeux…

Sa voie glaciale est proche de mon oreille, me faisant frissonner de tout mon corps. Je les garde clos, ne bougeant surtout pas. Sa main vient alors se poser sur ma jambe, l’enserrant d’un coup avec force. J’ouvre les yeux d’un coup, voulant hurler, mais aucun son ne sort de ma bouche. Je suis paralysé, je ne peux pas bouger, subissant ce qui m’entoure. J’entends un bruit de gargouillement sinistre, une ombre se dessine juste à côté de moi. Elle se redresse, se plaçant juste au-dessus de moi. Je ne distingue pas son visage, je ne vois que cette chose sombre et difforme. J’ai tellement mal à ma jambe, j’ai l’impression qu’elle est en train de me la broyer.

La télé est toujours allumée, mais c’est un écran grisâtre qui clignote, ne donnant pas assez de lumière pour que je puisse voir cette chose. L’odeur revient, cette odeur de pourriture infâme, son bruit de gorge aussi, ce gargouillis comme si elle se noyait. Son autre main commence à se poser sur ma hanche, la douleur vient immédiatement, je sens ses griffes rentrer dans ma chair, et cette fois j’arrive enfin à pousser un hurlement de douleur.

Je reprends possession de mon corps et m’extirpe rapidement de sa prise. Je tombe lourdement de l’autre côté du canapé, ma jambe me fait mal, mais j’arrive à me traîner jusqu’à l’interrupteur. Au moment où je sens qu’elle m’attrape l’épaule, j’allume la lumière et tout disparaît. Je me retourne, il n’y a plus rien dans la pièce. Comme si je venais de rêver de ce qui était arrivé. Cette fois c’est bien réel, je regarde ma hanche et y découvre une large trace de griffure à sang. Cette chose est bien réelle, je n’ai pas rêvé, elle a voulu me faire du mal.

J’attrape mon téléphone et appelle la seule personne que je veux voir. Léo décroche au bout de quelques sonneries en grognant.

— Quoi ?

— Cette chose m’a attaqué.

— PUTAIN ALEX ! Il est trois heures du matin, prend tes putains de médicament et ne me fais pas chier.

Il me raccroche au nez, il ne veut même pas savoir et chercher à comprendre. Je suis donc à nouveau seul.

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