Contexte :

Valérian, ancien magicien de la Tour Blanche a perdu son épouse et sa fille dans un tragique accident. Il tient ses ancien alliés pour responsables et jure de se venger. Reclus dans son sanctuaire, il forme son fils Dorian afin que ce dernier l'aide dans le plan terrible qu'il a imaginé.

***

• Espèce d’incapable !

La gifle claqua comme un fouet sur la joue de Dorian, faisant voler ses longs cheveux sous l’impact. Le jeune homme baissa les yeux comme un enfant, préférant ne pas soutenir le regard furieux de son père.

• Je suis navré, murmura-t-il.

Les années s’étaient envolées depuis cette terrible nuit, mais face à la colère paternelle, Dorian optait pour le stoïcisme ; même si ça lui demandait un sang froid hors du commun. Il ne fallait pas réagir ni répliquer. La seule fois où il avait osé lui tenir tête, il avait rapidement compris qu’il devait éviter ce comportement s’il voulait rester en vie. Ce jour-là, son père avait déchaîné sa rage et sans l’intervention de Syphilis, il serait probablement mort. Il lui fallut des jours pour s’en remettre de la correction paternelle. Depuis, il encaissait les coups et les brimades en silence.

Il laissa éclater sa fureur une fois que Valérian eut quitté la pièce où ils s’entrainaient. Il se sentait inutile, incapable de maîtrise ce simple sortilège sur lequel il travaillait depuis des années. Ce n’était pourtant pas compliqué, mais le jeune homme n’arrivait pas à lancer ce sort comme son père l’exigeait. Pourquoi Valérian s’obstinait-il à vouloir qu’il puise son éther dans celui des autres ? Il aurait généré le bouclier infranchissable tant désiré avec une telle facilité en canalisant dans ses propres ressources. Malgré le fait qu’il avait appris les choses ainsi au travers des livres volés à son père, ce dernier lui interdisait d’user de ses pouvoirs. L’éther qu’il puisait chez les autres, de mauvaise qualité, ne lui permettait pas de façonner la protection voulue.

Enfin, si c’était vraiment une protection. Valérian ne lui avait jamais exposé son plan. Depuis la mort de sa mère et de sa sœur, il ourdissait une sombre vengeance qui le rongeait de l’intérieur. Il s’enfermait des heures dans son laboratoire de fortune à distiller des mélanges inconnus. Il ne parlait à Dorian que pour l’entrainer sur le même enchantement encore et encore : puisant dans l’éther de Syphilis, il devait ériger un dôme de protection autour de son père ; bouclier qui explosait dès la première attaque paternelle. L’unique fois où il ne fut pas aisément brisé arriva le jour où Dorian utilisa un peu de son pouvoir pour le sort.

Ce jour-là, Valérian avait esquissé un sourire… Enfin, un rictus qu’il n’avait pas vu depuis longtemps. Ce dernier fondit comme neige au soleil lorsqu’il prit conscience que son fils avait enfreint les règles imposées. Sa colère qui en suivit s’avéra terrible.

Dorian poussa un soupir chargé de frustration et de peine puis décida, une nouvelle fois, de continuer l’entraînement seul. Certes, il canaliserait son propre éther, mais il pourrait en étudier les moindres détails afin de comprendre ce qui ne marchait pas avec ce sort généré autrement. En son for intérieur, il pressentait qu’il devait se hâter de percer ce mystère. Son père s’impatientait, ses échecs l’exaspéraient. À chaque entraînement, Valérian se retenait de l’éliminer. Irait-il jusqu’à tuer son propre fils ? Dorian n’avait pas le moindre doute à ce sujet.