La demande
Meril Galadh-dril était la nièce de la reine et c'était aussi ma meilleure amie. Depuis le plus jeune âge, nos tempéraments fougueux et inconscient nous ont valus bien des problèmes mais nous avaient aussi rapprochés.
Meril était une femme magnifique et incroyable. Elle répondait à tous les classiques de beauté de la cour : grande, fine et légère comme une plume, des cheveux rouge coquelicot, lisses et brillant comme un rubis. Une peau blanche parfaite et un visage angélique. C’est bien nos caractères qui nous rapprochaient parce que physiquement nous n’avons rien à voir. J’avais de la chance de l’avoir comme amie. Sa mère était la Duchesse de Lagnor, un des plus grands domaines du royaume et un des plus riches. Elle accepta cependant mieux sa condition noble que moi en grandissant.
Bien sûr je savais que j’avais de la chance d’être née au sein d’une famille noble et respectée par le Roi. Mais, mon tempérament indépendant et fougueux ne correspondait pas à ce qu’on attendait d’une jeune femme de mon rang. Petites, Meril et moi étions téméraires et dotées d’un esprit de contradiction surdéveloppé. Plus quelque chose était interdit, plus c’était tentant de le faire. Évidemment, en grandissant, notre éducation et notre instruction rigoureuse nous avaient obligées à nous plier un minimum. Personnellement, je l’avais fait par amour pour mes parents. Je savais combien c’était important pour ma mère. Le regard des autres avait toujours compté fortement pour elle. Et mon père, bien qu’il soit un proche du Roi, mon image pouvait ternir la sienne.
Étant donné que le domaine de Galadh'dril était sur notre route pour Avalon, capitale du royaume de Yule, Orel accepta de passer par le château sur la route. N’ayant pas eu le temps de prévenir de notre venue par messager, Meril fut fort étonnée de me voir arrivée, entourée de tous ces soldats hauts gradés.
Par sens des convenances, nous nous inclinions légèrement envers Meril lorsqu’elle venu nous accueillir. Étant la fille du Duc et de la Duchesse, son statut était placé au-dessus du mien. Et depuis notre majorité, nous étions obligés de nous saluer de cette manière et j’étais obligé de la vouvoyer. Du moins, en public.
- Thirra ! Quelle joie de te revoir. C’est une agréable surprise et je vois que tu es en bonne compagnie.
Elle avait toujours fantasmé sur les uniformes. Et épouser un commandant ne lui aurait pas déplu, peu importe l’âge de celui-ci.
- Dame Meril, je vous prie de nous excuser d’arriver à l’improviste, sans nous être annoncés. Nous devons de toute urgence parler de choses sérieuses au Duc et à la Duchesse. Pouvons-nous entrer ?
- Bien entendu.
Elle se tourna vers mes soldats et les invita à profiter de l’auberge en attendant. Mais Orel et Daekar refusèrent d’une même voix, afin d’assurer ma sécurité. Il n’en fallait pas plus pour attiser la curiosité maladive de Meril. Elle fit quérir sa mère par une servante et nous fit entrer dans la pièce principale. N’ayant pas beaucoup de temps, dès que Riel Galadh-dril, Duchesse de Galadh-dril entra dans la pièce nous expliquions le minimum à savoir. Orel préférait limitter les fuites, ne sachant pas à qui se fier. Étant le plus gradé dans la pièce, Daekar prit la parole en premier.
- Duchesse, je vous prie d’accepter nos respectueuses salutations et nos plus plaintes excuses pour notre arrivée impromptue.
Il n’y avait pas à dire, Daekar savait cirer les bottes et flatter les nobles. En non pas l'inverse, ce qui aurait été drôle.
- Je vous en prie commandant, je me doute que vous avez de bonnes raisons à votre venue, aussi surprenante soit-elle.
- En effet Duchesse et j’ai peur de ne pas pouvoir répondre à toutes vos questions. Il y a des sujets confidentiels dont je ne peux vous dévoiler les détails sans l’accord de Ses Majestées.
- Je comprends tout à fait. Mais dites-nous, en quoi pouvons-nous vous être utiles ?
- Thirra Sea, fille du Comte de Sea est attendu à Avalon de toute urgence afin de rencontrer le Roi.
Cette annonce coupa la répartie de la Duchesse. Elle eut du mal à cacher sa surprise sur son visage, mais se repris rapidement. Meril fronça les sourcils et me jeta un regard noir. Elle devait croire que je lui avais caché des informations. Deakar laissa quelques instants à la Duchesse pour intégrer cette information puis fit sa requête.
- Étant donné la réputation et les conseils avisés de votre fils Meril, Thirra nous a suggéré qu’elle nous accompagne et qu’elle la prépare pour cette rencontre. Nous sommes venus demander votre accord.
- Merid ? Pour rencontrer le Roi à Avalon ? Comment pourrais-je lui refuser de rencontrer son oncle et sa tante. Ce serait un honneur bien sûr.
Les yeux de Meril brillaient de joie et elle se retenait vivement de me bombarder de questions jusqu’à sa chambre. Dès que nous étions entrée dans sa chambre elle me harcela. Mais je la sentait contrariée.
- Je suis désolé Meril, m'excusais-je, je n’ai jamais eu aucun secret pour toi, mais j’ai reçu l’ordre de garder cela secret, comme l’a dit Deakar. En revanche, j’ai besoin de toi pour me transformer avec tes doigts d’Elfes. Elle me regarda d’un air intrigué.
- Peux-tu me prêter une de tes robes et me rendre présentable pour le Roi ? Je sais que je suis plus petite et que j’ai plus de formes que toi, mais je ... Elle me coupa la parole.
- Combien de temps disposons-nous ?
- Je, hésitais-je, je pense que le plus vite sera le mieux. Nous devons repartir pour Avalon dès que je suis prête.
Meril, se précipita vers son bureau et secoua vigoureusement une cloche posée dessus. Quelques instants plus tard, sa servante entra dans la pièce. Sans un regard vers elle, Meril commençait à défaire ma cape.
- Gathi, va chercher la couturière de toute urgence.
- Oui Madame.
La servante repartit en courant. Nous étions quasiment nues, l’une et l’autre quand Gathi et d’autres servantes entrèrent et se mirent à la tâche immédiatement. Meril fut prête en premier, car il fallut qu’on me mesure et qu’on me pique avec des aiguilles de partout pour ajuster une belle robe rouge. La torture se poursuivit par la mise en place d’un corset étouffant, d’une coiffure rapide d’un chignon tressé et d’un maquillage en règle.
Meril était habillée d’une sublime roble bleu nuit, qui faisait ressortir ses yeux aux couleurs d’un ciel d’hiver et ses cheveux de feu.
Durant cette séance de transformation Meril me rappela toutes les règles du palais et comment se comporter devant le Roi et ses sujets.
Dès que nous descendîmes au séjour pour retrouver les soldats et la Duchesse, un silence fut tenant. Même Orel semblait retenir sa respiration. Sentant le malaise, Meril les invita à nous hâter. Les servantes de Meril suivirent notre escorte, ainsi que deux ânes chargés des "indispensables de son séjour", comme elle nommait.
Nous arrivâmes au château d’Avalon en fin de journée. Quand le soleil était sur le point d’être avalé par l’obscurité. On se serait cru dans les histoires que Leta me racontait enfant. Les descriptions de mon père sur Avalon étaient bien en dessous de sa beauté.
Les tours immenses semblaient transpercer les nuages, les murs blancs brillaient de mille feux, éclairés par des centaines de torches, rien qu’à l’extérieur. Des sculptures délicates ornaient chaque pan de mur. Des rosiers de toutes les couleurs entouraient notre chemin qui menait à la cour principale. Orel m’aidait à descendre de Marsha. Il était évident que chevaucher en robe était peu confortable et pratique. J’avais le sentiment d’être ridicule accoutrée de la sorte. Tandis que Meril semblait parfaitement à sa place ici, comme si elle y avait toujours vécu. Nous patientâmes dans une immense pièce attenante à la salle du trône. Mon coeur battait fort et je réprimais des tremblements. Je tentais de respirer calmement pour apaiser mon trac.
Après une éternité, un major d’homme vint à notre rencontre. Nous étions quatre à patienter dans une pièce attenante, mais il demanda à ce que seul Daekar et moi-même le suivions. Meril ne montra pas sa déception et m’encouragea d’un grand sourire. Elle devait se dire qu'elle préférait rencontrer le Roi et la Reine sans toute cette tension.
Étonnamment la salle du trône était quasiment vide. J’imagine que l’heure tardive de notre rencontre expliquait cet accueil. La salle semblait être la plus grande du château, c’était certainement le cas. Le plafond était fait de voûtes immenses peintes de chef d’oeuvre et entourés de sculptures. De chaque côté de la pièce, de grandes tapisseries étaient pendues. Le sol en marbre blanc était recouvert d’un tapis rouge sang qui traversait la pièce jusqu’au trône.
Je suivais Daekar comme son ombre.
Le Roi était assis à son trône avec nonchalance. Un homme grand, blond et yeux bleus, d’une carrure athlétique et marquée par le temps. Pourtant il se redressa et s’inclina vers moi pour mieux me distinguer lorsque je m’approchais de lui.
- Ce n’est pas de si triste nouvelle dont j’ai besoin avant d’aller dormir Deakar.
- Vous m’en voyez navré Votre Majestée. je ferais tout pour retrouver le Baron au plus vite.
- Je n’en attends pas moins de toi Deakar. Mais quel est l’objet de ta visite et qui est cette ravissante jeune femme.
- Votre Majesté, cette jeune femme est la fille de Kael Sea, je vous présente Thirra Sea. Je m’inclinais promptement devant le Roi.
- Votre Majesté, c’est un honneur de vous rencontrer.
- Thirra, j’ai beaucoup entendu parler de toi. Tu offres à ton père de nombreuses préoccupations et d'histoires à ma raconter, Il souria d'un air taquin en me fixant. Le rouge me monta aux joues. Je suis également ravi de faire votre connaissance. Mais, puis-je vous demander pourquoi votre mère n’est pas ici à votre place ?
- Ma mère est souffrante, votre Majesté. Et je dois assumer désormais entièrement les responsabilités de mes parents. Toutes leurs responsabilités, d’où l’objet de ma présence.
- Je comprends mieux en effet. Je dois dire que cela fait beaucoup pour une seule personne, d’autant plus pour une jeune femme.
- J’aimerais vous dire que j’en ai conscience, votre Majesté, mais ces évènements sont si récents que je ne sais pas vraiment en mesurer la portée.
- C’est très honnête. Le Roi me souriait tendrement. Vous ressemblez décidément beaucoup à votre père, me semble-t-il. Mais je ne pense pas que vous soyez prête à assumer toutes ces responsabilités. Vous resterez au château jusqu’à ce que je décide de quelles responsabilités vous hériterez ou jusqu’au retour de votre père.
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