L'absence

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Au petit matin, je me dirigeais avec hâte auprès de ma jument, après un bon petit déjeuner. La fraîcheur matinale et l'herbe recouverte de rosée me procuraient un agréable frisson. J'avais toujours appréciée la fraîcheur, le froid. Je trouvais beaucoup plus facile de se couvrir lorsque l'on a froid plutôt que de se rafraîchir par un temps caniculaire.

Aujourd'hui, je troquais ma robe habituelle pour un collant de laine rouge sang, un pantalon court noir et une tunique blanche ample. Pour palier temporairement à la fraicheur matinale, je me couvrais d'une cape épaisse en velours vert. Un cadeau de mon père, ramené du royaume.

Marsha piétinait dans son écurie avec impatience. À peine ai-je passé le pas de la porte qu'elle tendait la tête pour attendre ses friandises. Je lui caressais la joue et posait ma tête contre la sienne. C'était notre façon de nous saluer chaque jour. Puis, pour me montrer son impatience et sa gourmandise, elle pencha sa tête vers mon panier en osier qui pendait dans ma main droite.

Je lui offris une carotte et une pomme. Elle aurait la suite à notre retour.

Nous descendîmes la vallée au trot, en guise d'échauffement. Tous les habitants me saluaient sur mon passage. Ma répartie était connue et les hommes et femmes du village s'amusaient à me taquiner. C'était toujours bon enfant.

Puis, dès que nous eûmes passé le pont de l'Elve, nous traversions les champs jusqu'à la forêt de L'Adel'Kian. Marsha adorait courir dans les bois. En moi aussi. Sautant par dessus les souches et les arbres morts, descendant le cours du ruisseau et soulevant la terre et les feuilles sur notre passage, comme une tempête, nous étions libres et heureuses.

Marsha s'arrêta pour boire dans la rivière et elle se gava d'herbe fraîche dans notre clairière secrète.

Sur le chemin du retour, je sentis comme une lourdeur dans l'air. Comme si un orage allait éclater alors que le soleil printanier chauffait mon visage. Les villageois semblaient inquiets et je fus vite entourée par la garde personnelle de mon père. Orel, le guerrier en charge de ma sécurité et de mon éducation aux armes, s'approcha. Il était habillé entièrement de cuir noir, son étalon noir , Dolnen, semblait camouflé. Orel avait le visage grave et je commençais à paniquer. Mon coeur cognait fort dans ma poitrine, mes mains étaient moites et je retenais ma respiration. Marsha sembla percevoir mon trouble, elle souffla et trépigna.

  • Bonjour Comtesse. Je suis venu assurer votre sécurité jusqu'au manoir. Ainsi que tous ces hommes.
  • Mais pourquoi ? Je n'ai jamais eu besoin d'escorte jusqu'à aujourd'hui.
  • Je ne peux vous expliquer les raisons ici. Il jeta un regard aux villageois pour appuyer ses mots.

Nous rentrâmes à la hâte jusqu'au manoir. Mes pensées défilaient à toute vitesse dans ma tête et mon angoisse s'amplifiait plus je me rapprochais du domaine. Dès que nous eûmes passé le pont-levis, celui-ci fut fermé et bloqué par de lourdes poutres de bois. La cour était remplie des domestiques et des soldats de mon père.

Je m'étonnais de ne pas trouver mes parents pour m'accueillir et m'expliquer la situation. Le laissais Marsha aux palefreniers et je m'empressais de suivre Orel dans le séjour.

  • Comtesse, je dois vous annoncer une bien inquiétante nouvelle. Il prit sa respiration et reprit.
  • Votre père a été enlevé, il a disparu. Nous n'avons pas eu de demande de rançon pour l'instant, mais nous sommes sûrs que nous avons eu affaire à des hommes aguerris.
  • Comment est-ce possible ? Comment cela a-t-il pu arriver ? Ma voix se fit cinglante sur ces derniers mots.

Mon père est un des meilleurs commandants du roi et ses hommes sont à l'origine de nombreuses victoires. Comment quelques hommes, aussi aguerris soient-ils, puissent s'en prendre à mon père, en toute discrétion, chez lui, entouré de ses hommes. Non, décidément, tout cela était complètement invraisemblable. Soudain, ma peur s'amplifia en songeant à ma mère. Je retins mon souffle.

  • Où se trouve ma mère ?
  • Dans sa chambre. Elle est dévastée par la nouvelle. Elle est encore plus malade, elle ne peut plus tenir sur ses jambes. Leta est avec elle, ainsi que plusieurs soldats. Elle est sous bonne garde et sous les bons soins de notre merveilleuse guérisseuse.

J'aillais me précipiter vers elle lorsqu'Orel me retint le bras. Je lus dans son regard beaucoup de honte et de tristesse. Orel était bel homme, mais il a toujours été pour moi le grand frère que je n'avais jamais eu. Nous échangeâmes un regard complice.

  • Ta mère n'est plus en capacité de gérer la situation pour le moment. Tu hérites des responsabilités tes parents. Mais nous allons t'aider, ne t'en soucis pas, tu es bien entourée. Par contre, je pense que nous avons un bien plus grand problème à résoudre Comtesse.
  • Je vous écoute.

Orel, Deakar et Olton, les trois plus hauts gradés du commandement de mon père, vinrent se poster devant moi et partagèrent un regard gêné. Deakar, le bras droit de mon père prit la parole.

  • Comtesse, vous devez assumer toutes les responsabilités de vos deux parents. Jusqu'à ce qu'on retrouve votre père ou jusqu'à ce que le roi désigne quelqu'un d'autre.
  • Toutes ? Vous voulez dire, le commandement de son armée ?
  • Entre autres.
  • Comment, ce n'est pas le seul rôle de mon père ?
  • Par raison de sécurité, votre père cachait certains aspects concernant ses fonctions, sous ordre du roi. J'attends l'aval de Sa Majesté pour vous en dire plus, mais nous devons prendre les dispositions qui s'imposent avant sa réponse. Vos domestiques sont en train de préparer vos affaires. Nous partons au plus vite au royaume. Le roi veut vous rencontrer.

Moi qui espérais vivre le plus loin possible de la royauté, de ses paillettes et de ce monde obscur, j'allais rencontrer le Roi en personne. Il fallait que je voie Meril, avant de partir.

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