Premiers cours 1/2
Le réveil matinal est difficile. Je ne supporte pas de partager ma chambre avec quelqu'un d'autre que Mélia. Tout me gêne. Leurs respirations, leurs odeurs, leurs manies. Je n’aime pas qu’on change mes habitudes. Je n’aime pas cette pièce. Je n’aime pas leurs manières. Elles mettent trop de temps à s’habiller. Leurs fringues sont moches et criardes. Leur parfum empeste. En plus, elles se maquillent et se disputent pour accéder au seul miroir. Ça ne sert à rien d’autre que perdre du temps de se peinturlurer quand on a des têtes aussi ravagées.
Quoique je suis mauvaise langue. Les deux bécasses sont des squelettes décharnés d'un mètre soixante-dix aux cheveux secs comme la paille à force de décoloration blonde. Leur teint est gris et le maquillage nécessaire pour leur donner figurine humaine. En revanche, Naya, la reine du lycée, est d'une grande beauté même les cheveux emmêlés. Plus grande que Mélia, je dirais un mètre quatre-vingts, ses yeux noirs sont légèrement bridés et sa peau parfaite caramel reflète des origines asiatiques. Elle est athlétique et pourvues de courbes aux bons endroits qui m'expliquent le baveux collant d'hier soir. Ses gestes, à défaut d'être élégants et gracieux, n'en sont pas moins pourvus de classe. Le plus redoutable chez elle reste son intelligence accompagnée d'un esprit vif et cinglant. Elle est potentiellement dangereuse et je dois me méfier d'elle.
Je suis de mauvaise humeur et je ronchonne en pestant dans mes dents comme tous les matins. Aucun effort de gentillesse ou de sociabilité de ma part. Fort heureusement, les trois filles se tiennent aussi éloignées que possible. Elles évitent d'être sur mon chemin. D'ailleurs, cette chipie a dû parler à mes colocataires, aucune n'ose m'adresser la parole. Elles se tiennent bien distantes de la bestiole grincheuse que je suis au réveil.
Nous entendons toquer. Naya, le sublime frelon asiatique, va ouvrir la porte avec un grand sourire, en vérifiant son maquillage au miroir auparavant. Génial, les andouilles s’invitent. Déjà qu’on manque de place avec les nombreuses valises de chacune de mes colocs…
— Bonjour Naya. Tiens Farmer. Pour la survie de tes pauvres colocs, me dit cet imbécile de Maltez en embrassant baveusement sa petite amie et en me jetant une brique de jus d'orange.
Je vais tuer Mélia. Là, c'est sur elle a fourni des informations à l'ennemi. Comment il sait que le premier truc que j’avale le matin est du jus d’orange ? C’est une information confidentielle. Il y a de la trahison dans l’air. En parlant d’air, son petit sourire satisfait et son after shave puant m’irritent au plus haut point. S’il croit qu’il va s’en sortir si facilement, il se fourre le doigt dans l’œil bien profond.
— Salutations MALTEZ. Ça va, Naya ? Il n'a pas une haleine de chacal ou un goût douteux au réveil ? Dis-je avec un grand sourire.
Ils me jettent tous les deux, un regard surpris et furieux. Aucun doute, ils n’ont pas l’habitude qu’on leur parle sur ce ton et qu’on ne les vénère pas comme des dieux. Le jour où je plierais le genou devant quelqu’un, c’est qu’il m’aura foutu une sacrée raclée. Et encore. Avec mon caractère, je tenterais de le frapper sous la ceinture avant de m’incliner. Une teigne. Mélia a raison. Je souris à son surnom affectueux.
— Ne t'inquiète pas pour Naya, petit cœur. C'est une dure à cuire. Elle en a vu d’autres. Et puis, Damien s'est soigneusement lavé les dents et a même mis du parfum avant de venir pour camoufler l’odeur de la pizza aux peppéronis d’hier soir, me réponds une voix masculine rieuse.
— BLAISE. LES FILLES. Bonjour. Vous avez bien dormi ?
Je fais la bise à Blaise et aux trois colocs de ma chipie chérie. Mélia me fait un gros câlin. C'est dur pour elle aussi d'être séparée. On est si fusionnelles. On se frotte l’une contre l’autre comme deux chats qui marquent leurs territoires. Elle retrouve le sourire et ma mauvaise humeur diminue très vite. J’ouvre mon jus d’orange pour enfin descendre à un niveau social acceptable tour en la gardant dans mes bras pour humer son parfum de lavande et de violette.
Blaise semble amusé de ma façon de parler. Mes sarcasmes le divertissent fortement. Il doit avoir de l’entrainement à supporter les grincheux, vu qu’il est le meilleur ami de l’autre andouille. Je ne sais pas comment il fait pour ne pas le taper ou l’étrangler avec une clé de bras pendant qu’il dort. C’est ce que je ferais si j’étais sa colocataire. Après avoir bouffé toute la pizza aux peppéronis bien sûr. On ne gâche jamais de la nourriture aussi délicieuse. Je vais me renseigner sur la provenance de ce mets illégal au sein des dortoirs. Je dois trouver le dealer local pour ma propre consommation.
Je ne m'offusque pas de son "petit cœur" matinal. Blaise est un séducteur, mais un gentil. Le genre à aimer toute la gent féminine. Il vante chacune de nos qualités tant physiques que morales ou intellectuelles. Le gars trouve ce qu’il y a de bien ou de meilleur en nous et le souligne avec douceur et un immense sourire qui fait ressortir ses fossettes. J'ai pu discuter avec lui hier soir et évaluer son potentiel de dangerosité à l'égard de ma frangine. Aucun de ses mots ou de ses gestes ne m'a paru inquiétants. Il est adorable. En plus, il est drôle et m'a fait mourir de rire hier soir.
Après le repas à la cantine, ma jumelle s'est plaint que je n'avais pas défoulé mon trop plein d'énergie. Blaise a voulu m'apprendre à jouer au basket pour m'aider à me détendre et à digérer. Mon problème de respect des règles a transformé cela très vite en balle au prisonnier. Lui et un autre pote basketteur se sont amusés avec les petites Secondes que nous sommes très gentiment. Deux Terminales contre cinq Secondes. Ils ont gagné, toutefois, la tâche n’a pas été aussi facile qu’ils auraient voulu. J'ai enragé. Je déteste perdre.
Ils ont fini par reconnaître que Mélia et moi leur avaient leur a causé pas mal de de souci. Les autres étaient trop froussardes. Moi et ma jumelle, on allait au combat, contre deux types qui font au moins dix centimètres de plus. On ne s’est jamais laissé faire par les pseudos plus forts. Mélia est moins agressive que moi, cependant, elle ne se laisse jamais marcher sur les pieds, y compris face à une sale teigne comme moi. Même pas peur, les jumelles.
Je suis certaine que si Mélia ne m'avait pas entravé à certains moments, les filles auraient pu gagner. Je n'ai pas bien compris pourquoi cette chipie m'as fait des croches pattes invisibles pour permettre aux garçons de vaincre. Il va falloir que je l'interroge davantage. Peut-être qu'elle ne veut pas montrer toute notre puissance pour le moment. Ou alors, elle voulait juste passer un bon moment amical sans que ça ne tourne à la compétition comme c'est souvent le cas avec moi. Je penche plus pour cette hypothèse puisque les filles et les deux gars sont sympas.
Le pote de Blaise s'appelle Thibaut Noguerra. Un blondinet aux cheveux en brosse d'un mètre quatre-vingts, très mince, plutôt du genre silencieux si on ne l'interroge pas, avec une bonne culture générale quand on le questionne. Son visage me fait penser à Brad Pitt ou Chad Mickael Murray dans leurs jeunesses. Je me suis surprise à discuter littérature et biologie avec lui une bonne partie de la soirée. Blaise et lui se sont gentiment proposé de nous aider, les cinq filles de Seconde, pour les cours si besoin. C'est un bon élève, et d'après Blaise, il est patient et pédagogue.
En tout cas, hier soir, il a réussi à parler avec moi et à m'apprendre des choses sans que je n’aie envie de le taper. Et ça, c'est un miracle d'après Mélia. Même Papinou n'y arrivait pas. Je reconnais aussi que c’est quelque chose de rare. De si rare que je crois que c’est la première fois que j’écoutais quelqu’un m’enseigner quelque chose sans ronchonner ou exprimer le moindre mécontentement. Le pire, c’est que j’ai apprécié ce moment. Jamais ne n’avouerais même sous la torture. Toutefois, Thibaut a fait fort. Ces deux gars sont cool, pour des mecs, plus âgés et basketteurs de surcroît.
Si j'en crois les roucoulements des autres demoiselles, ils sont aussi à classer dans la catégorie des beaux gosses. Je reconnais que la peau halée, les yeux chocolat rieurs et les petites bouclettes noires de Blaise peuvent lui donner du charme. Son atout majeur reste son immense sourire et ses fossettes. Thibaut quant à lui, possède un visage aux traits fins et délicats, avec des yeux noisette expressifs, un visage tout en douceur et presque imberbe. Je comprends les minaudages sans toutefois y participer. Je me demande si mon petit ange n’aurait pas craqué pour l'un d'eux. Ça expliquerait ses entraves d'hier. Il va falloir que j'aille lui casser les pieds pour être sûre.
Mais revenons au petit déj et aux premiers cours. J’ai la dalle. Je pourrais manger une cuisse de bœuf. Pourtant hier, le repas était conséquent. Ça doit être le sport qui me fait cet effet-là. Quoique, je suis toujours affamée. Je suis un estomac sur pattes d’après Parrain. Papinou me vermifugeait régulièrement par crainte des vers. Pour mon plus grand bonheur, la cantine est fournie et ne regarde pas aux quantités, pour autant qu’on finisse son assiette. Pas de gaspillage. Cela est bien normal. Ils n'ont rien à craindre de mon côté. Je mange beaucoup certes, mais je finis toujours ce que j'ai pris.
Le choix matinal est varié, incluant aussi bien du sucré avec des pains au chocolat et des fruits que du salé avec des œufs et du bacon. Je me ressers plusieurs fois, un peu de tout. La grimace de mes congénères de tablée m'indique que le mélange œufs pâte à tartiner chocolatée n'est pas à leur goût. Je profite de l'abondance pour faire des expériences gustatives. Les saucisses au miel ne sont pas une réussite. Heureusement, entre deux morceaux de pain, le gout est acceptable. Mon double lève les yeux au ciel de désespoir, toutefois, elle n'intervient pas. Tant que je ne touche pas à son pain toasté au sirop d'érable, je peux faire ce que je veux.
On débute par le cours de mathématiques avec notre professeur principal. J'ai appris ce matin au petit déj en regardant le planning que c'est le père de Thibaut. Je comprends rapidement d'où vient l'aura pédagogue du blondinet. Son père parvient à rendre vivante une matière assez difficile. Il a dû transmettre son don à son fils. Il est vraiment captivant et dégage une prestance et une assurance incroyable. La plupart des élèves boivent ses paroles. Moi, il me laisse silencieuse, ce qui est déjà un miracle.
Aujourd'hui, il a repris les fondamentaux et nous a demandé de remplir un questionnaire pour voir nos bases. Il a insisté sur le fait qu'il voulait avoir une idée du niveau de chacun et que cela ne serait pas noté. La correction s'effectue tout de suite après. Je suis contente. Mélia et moi avons plutôt bien réussi le test. On est dans le top cinq de la classe toutes les deux. Pour un campagnard, il en avait des choses dans la tête mon Papinou. Je sais que toutes les deux, nous avons largement le niveau de nos camarades malgré nos cours à domicile. Il aurait été si fier.
Le professeur souligne nos méthodes scientifiques bien qu’elles ne soient pas celles du programme. Le raisonnement est bon. C’est ce qui compte le plus pour lui. Il compare nos deux styles si différents et pourtant issus d’un même enseignement. Mélia le corrige avec douceur. Papinou n’expliquait pas les choses de façon identique selon la jumelle. J’ai un esprit plus masculin dans mes réflexions, ce que confirme Monsieur Noguerra. Il valide les cours de Papinou. C’est tout ce qui compte.
Français puis Histoire géographie et enfin Physique chimie. Ils nous ont gratinés la matinée. Le lundi matin va être difficile. Que des cours chiants et pas moyen de bouger. À midi, j'ai déjà un mal de crâne pas possible ainsi que des fourmis dans les jambes. Je déteste le lycée. Ils ne peuvent pas intercaler un cours de sport entre deux efforts intellectuels, afin d’aérer le cerveau en surchauffe ? C’est ce que faisait Papinou. Il m’envoyait courir ou couper du bois toutes les deux heures. Sinon, il parait que j’étais ingérable et chiante. Je commence à comprendre certaines de ses méthodes d'éducation. J'ai mal partout à force d'immobilité.
Je suis en train de faire des étirements pour me calmer les nerfs et les muscles dans la file d’attente avant de rentrer à la cafét, devant les colocs de Mélia, un brin désespérées par mon attitude. J'ai cessé de leur faire peur je crois. Elles sont adorables et très tolérantes face à mon caractère particulier. Je n'ai pas eu le moindre signe d'impatience ou d'énervement avec elles. Ma sœur s’en fout de mon gigotage. Elle a l’habitude. Tout juste, elle me bouscule pour avancer quand il le faut. Ses trois colocs sont marrantes et super gentilles. Je crois même que je vais finir par accepter leur présence régulière.
Lilou est presque aussi grande que Mélia et son visage fin fait penser aux statues d’anges que l’on croise. Elle est d’une grande timidité et rougit dès qu’on lui parle. Fleur est de taille normale, dans les un mètre soixante-cinq. Un visage de poupée effrayée aux yeux bleus immenses et une taille aux hanches rondes. Des tenues colorées et mignonnes assorties à celle de Sarah ou de Mélia.
Alors que je papote amicalement tout en essayant d’atteindre le ciel et d’évacuer les fourmis qui me tiraillent le corps, je tends mes bras vers le haut pour dénouer mon dos. Je me hisse sur la pointe des pieds, voulant attraper un papillon imaginaire. Quelqu'un dans mon dos en profite et me saisit les poignets par-derrière. On me soulève avec facilité. Une odeur de transpiration sale me parvient. Musclor.
Annotations