Travailler sa souplesse 1/2
Ce soir, nous avons décidé de faire travailler nos chevaux avec un fond sonore. Depuis la rentrée, les palefreniers et même le père de Naya ont vu que les chevaux, qu'il s'agisse des nôtres mais aussi de ceux des écuries, apprécient un peu de musique lorsqu'ils sont dans les près ou les carrières. Ils ont investi dans des enceintes intérieures et extérieures indépendantes. Ainsi, au niveau des stalles, une musique douce et apaisante est diffusée quelques heures par jour. Dans les cinq carrières, on peut choisir l'ambiance en connectant nos téléphones en Bluetooth. La plupart du temps, ce sont des musiques populaires rythmées. De plus en plus d'élèves, pas forcément cavaliers, viennent profiter de ce simili radio pour se détendre avant d'aller manger.
J'ai bien essayé de faire payer l'entrée mais je me suis fait traiter d'escroc par mon double. Alors pour me venger et faire fuir les indésirables, je sélectionne les musiques les plus expérimentales que je peux à chaque fois que je prends le contrôle des enceintes. Cela va de chants d'amour indiens à de la Kpop incompréhensible en passant par les musiques de rituels sataniques sur fond de heavy métal. Il n'y a que Grognon qui apprécie la diversité et l'humour de la playlist personnelle.
Nous avons établi des règles pour la sécurité de tous. Personne dans les carrières, pas de bruit fort autre que notre musique ou de gestes brusques. Ils peuvent nous regarder sans nous déranger. Les basketteurs viennent assez souvent après leurs entrainements. Ils s'occupent de faire le service d'ordre si besoin. Les lutteurs ont bien tenté de foutre le bordel en faisant sonner une corne de brume alors que je travaillais avec Grognon en liberté.
La réaction de mon étalon n'a pas été celle qu'ils attendaient. Non seulement il n'a pas eu peur mais cette andouille leur a foncé dessus et les as poursuivi pour leur mordre les fesses jusqu'à l'entrée des dortoirs, avec l'aide d'Etoile soudainement agressive. Depuis, ils sont terrorisés y compris par la douce jument qui fait des câlins à tous les autres adolescents. Le prof d'équitation et les palefreniers leur ont interdit de revenir.
Pour attirer encore plus de curieux, Naya fait parfois répéter les pom-pom girls sur une carrière adjacente. Je pensais qu'elle surveillait que je ne torture pas son étalon. En réalité, elle admire les talents en voltige de ma frangine et toutes les deux travaillent parfois ensemble sur les chorégraphies des pom-pom girls le soir. Mélia et elle s'entendent à merveille. La reine des abeilles a aussi clairement placé les Kawai sous sa protection, en particulier Sarah qu'elle défend farouchement. Elle se comporte en grande sœur avec les trois timides et en amie avec Mélia. L'affection envers elles est sincère, et je réalise qu'elle n'aime guère la petite cour de crétins et d'idiotes qui la vénèrent. Elle profite de son statut social sans accorder vraiment d'importance à l'admiration futile qu'elle génère.
Entre elle et moi, c'est un mélange de guerre froide, de piques acides, de respect et de complicité. Par instant, on tire à vue. A d'autres moments, on s'apprécie presque, surtout quand on travaille avec les chevaux d'ailleurs. Ce soir, je challenge Prince pour le saut. Grognon n'a pas besoin de cavalière pour le guider. Alors, je monte l'étalon de Naya et le mien saute en même temps. Pour que les deux mâles soient parfaitement synchros, j'utilise la musique des pom-pom-girls comme base de déplacement. C'est de la pop mais je survivrais. En plus, j'aime bien regarder les filles en jupette répéter leurs chorégraphies. C'est un très joli spectacle et Naya est une excellente cheerleader.
Voilà qu'un rythme de percussions fait remuer du popotin Grognon. Je passe illico une barre super haut sur les poteaux et tire la longe du poteau à la rambarde adjacente. Mon étalon et moi-même commençons à nous défier au limbo version crétins. Prince trouve ce jeu amusant et tente de passer lui aussi sous la barre. Blaise qui me regarde à ce moment-là, éclate de rire et attire l'attention de tout le monde. Mon chouchou vient m'imiter et essaye de se plier en arrière, aussitôt imité par Thibaut et Maltez. Tous les basketteurs à proximité se chamaillent et se défient pour rire. Thibaut étant l'un des plus petit, et un chouia plus souple, il triomphe pour la partie des gars. Il ne peut me battre. Les pom-pom girls rappliquent pour faire changer un peu leur routine.
Mélia gère les deux étalons et sa jument qui s'amusent tranquillement à côté. Les hennissements joyeux et les tentatives lamentables des étalons me font rire. Étoile se roule par terre et se dandine pour se glisser sous une barre au niveau des hanches de ma sœur alors que les deux patapoufs n'ont réussi à se glisser que sous une barre de ma hauteur. Je me moque sans aucune pitié des deux mâles et aussi des basketteurs. Très vite, les filles s'éliminent les unes après les autres. Il ne reste plus que Naya et moi avec une corde de plus en plus basse. Maltez soutient sa copine. Blaise est de mon côté. Il a piqué les pompons de sa sœur et imite la chorée des filles pour rajouter à l'ambiance pleine de rires. Je m'étonne que Mélia ne vienne pas. C'est le genre de choses qu'elle adore. Elle répond à mes regards inquiets par un bisou et se blottit contre la petite souris. Elle doit être fatiguée.
Naya et moi finissons par échouer à la corde au niveau du milieu de la cuisse d'Alex. Nous tentons à plusieurs reprises. Thibaut nous déclare alors exæquo, ce qui ne me convient pas. Je veux une victoire franche. Ma jumelle se rapproche alors et murmure quelque chose à l'oreille du blondinet. Son sourire me fait immédiatement comprendre ses intentions. J'ouvre la bouche, stupéfaite du coup fourré de mon double adorée. Elle va m'humilier.
Elle a économisé ses forces et s'est échauffée dans mon dos. Alex et Thibaut place alors la corde au niveau de leurs genoux. Tout doucement, Mélia se plie et avance lentement, en ne remuant que les pieds en cadence avec le rythme. Ses chevilles et ses genoux s'inclinent de plus en plus. Sa tête touche presque le sol. Elle passe avec une marge de plusieurs centimètres. Quand elle se relève, elle me tire la langue avec espièglerie et va se réfugier dans les bras de Blaise pour que je ne lui botte pas les fesses.
Naya rigole de sa défaite. Je finis par m'incliner aussi. Mélia est d'une très grande souplesse. Parfois, j'ai l'impression que son corps est fait en élastiques quand je la vois retourner ses épaules ou ses chevilles. Les filles demandent à voir plus de mouvements. Nous rangeons donc rapidement la carrière et ramènent nos chevaux à leur box. Naya a les clés du gymnase et nous ouvre, uniquement aux basketteurs et aux pom-pom-girls plus Fleur, ma frangine et moi. Nous installons les tapis en quelques secondes. Un mini cours de gymnastique s'improvise sous les lumières. Je défie les gars avec des mouvements de poiriers à tenir le plus longtemps possible ou des exercices de gainages à un bras. Je décortique les appuis tendus et les roulades arrière. Ils sont aussi souples que des manches à balai sauf Thibaut. Ils se cassent plusieurs fois la figure mais retentent sans se fatiguer.
Bien qu'il ronchonne et s'interroge sur l'utilité de l'exercice pour son équipe de basket, Maltez tente les défis et se vautre comme tous ses potes. Blaise et Thibaut soutiennent l'importance en précisant que Mélia et moi leur piquons le ballon en utilisant notre souplesse et notre vitesse. Comme le grand dadet n'est pas convaincu, un match pom-pom girls contre basketteurs s'organise très vite. Nous rangeons les tapis et allons chercher les ballons. Deux équipes de seize. Un beau bordel en prévision. Comme nous avons besoin de quelqu'un qui sait viser le panier, nous échangeons honteusement Naya, Clarissa et Pétunia contre Blaise, Thibaut et Alex. Fleur devient l'arbitre.
Maltez se place pour le début de partie. Je suis face à lui. Il ricane et me taquine en me traitant de minus avec des sauts de puce et de courte patte. Il se moque quand je place mes mains dans mon dos au lieu de devant au moment où Fleur s'apprête à lancer le ballon en l'air. Il n'a pas réalisé à quel point les sœurs Farmer sont vicieuses. A l'instant même où il saute, ma frangine utilise mes mains comme courte échelle et le dépasse d'un bon mètre. Elle envoie la balle à Blaise en tirant la langue au grand dadet qui ouvre la bouche de surprise. Il rigole et poursuit son pote. Il est hors de question que je laisse ce crétin approcher mon chouchou.
J'empêche Maltez de passer et me charge de le bloquer. Mélia s'occupe de Naya et de mes deux colocs. Les filles font de leur mieux pour contrer les gars. C'est une chamaillerie générale qui se fait sous les rires. Blaise, Thibaut et Alex sont les seuls à pouvoir jouer à peu près correctement. Entre la galanterie des basketteurs et Maltez qui ne peut pas toucher la balle puisque je lui récupère à chaque fois, l'équipe des pom-pom-girls écrabouille celles des basketteurs avec un score de 46 à 10. Le grand dadet a une crise de fou rire et me traite de véritable emmerdeuse. Il n'a jamais vu un défenseur aussi chiant que moi. C'est un compliment à mes yeux.
Thibaut suggère de me faire venir lors des entrainements pour faire travailler un peu les réflexes des gars. Maltez se tâte. Il a clairement été mis en difficulté et voit l'intérêt que cela apporterait à son équipe. Cependant, la plupart du temps, il a envie de m'étrangler. Naya lui propose alors une solution qui lui convient. A cause du froid, les pom-pom girls s'entrainent souvent dans le gymnase à côté des basketteurs. Elle suggère que le pitbull vienne avec sa dompteuse une fois par semaine. Autrement dit, pendant que je teste les réflexes des gars, Mélia aide à construire et améliorer la routine des pom-pom-girls en me surveillant de loin. Blaise et Thibaut promettent de me faire plein de câlins pour que je sois sage et de bonne humeur. Le grand dadet accepte vite avant que son pote n'ait l'idée de faire pareil avec lui. Il est trop tard pour Sarah qui est déjà suspendue à son cou et qui le couvre de bisous pour l'embêter.
Je dois reconnaitre que le grand dadet m'a bien fait courir et que je suis en transpiration et un peu essoufflée. Je pense que cela me fera du bien de venir si j'arrive à maitriser l'agacement que me provoque Maltez. J'aime déjà faire mes deux heures de sport avec eux le mardi et l'endurance avec des garçons du soir. En fait, mis à part ma sœur, je préfère la compagnie masculine surtout quand il s'agit de pratiquer l'activité physique. Mon niveau dépasse largement celui des autres filles et je dois baisser mon niveau, ce qui m'agace.
Mélia se rapproche d'Alex et Thibaut et leur demande une faveur. Je suis surprise et attend la suite. Elle a remarqué qu'ils couraient ensemble tous les matins, à peu près aux mêmes heures que moi. Nous avons un rythme assez similaire. Du coup, comme je m'entends bien avec les deux, elle les supplie de m'accompagner afin que je ne sois pas seule. Je la regarde et cherche le traquenard. Je ne suis jamais seule. J'ai toujours ce patapouf de Grognon qui me suit et de plus en plus souvent Prince. Elle me tire la langue en cachette. Il y a bien une escroquerie en cours. Alors que les filles s'éloignent, Naya et Blaise se marrent et m'expliquent.
Mon absence totale d'intérêt pour les histoires adolescentes me fait ignorer des informations cruciales. Thibaut et Clarissa sortent ensemble et cela ne plaît pas aux Kawai. La reine des abeilles et Chouchou pensent que le blondinet a un faible fraternel pour moi car il me défend souvent quand Clarissa ou Pétunia me critiquent dans mon dos. Il parle de moi comme une fillette, donc ils ne croient pas que ce soit de l'attirance physique. Toutefois, il apprécie beaucoup ma compagnie et utilise souvent le prétexte de m'expliquer un cours pour abandonner Clarissa. Ma frangine essaye donc de convaincre le blondinet de larguer la pouffe en le faisant trainer avec moi, puisque la pétasse ne peut pas me blairer. Mélia et Naya veulent créer des tensions dans le couple récent, estimant que le blondinet n'acceptera pas les reproches incessants qui vont arriver.
Je n'aime pas Clarissa et je suis d'accord sur le fait qu'elle ne mérite pas un garçon aussi adorable que Thibaut. J'accepte donc de faire péter un câble à la pouffe à l'unique condition que si cela fait de la peine au blondinet, Blaise, Naya et Mélia me préviennent aussitôt pour qu'on arrête. Il est hors de question que je fasse le moindre mal à notre ami commun. Les deux complices me jurent de surveiller et de me dire si quoique ce soit arrivait. Ça tombe bien, en ce moment, je ne comprends rien au cours de mathématiques. J'ai déjà l'intention de demander des cours de rattrapage. Il suffit que j'en rajoute quelques-uns de plus.
Mélia nous rejoint assez vite et je reste avec ma jumelle pour un petit moment toutes les deux. Elle me confirme les intentions malveillantes des autres. Je rigole à ce coup foireux. Ma sœur a aussi un autre besoin. Elle aime beaucoup les deux garçons et s'inquiète de les voir courir au bord de la forêt sans défense après ce qui s'est passé avant Noël. Maltez et Blaise ont un parcours qui va vers la ville. Eux, restent près du lycée et aux abords des arbres. Elle frotte sa tête contre moi pour que je les protège si besoin et surtout pour leur faire changer leur parcours. Je la chatouille pour m'assurer qu'elle ne craque pas pour l'un des deux garçons. Ce n'est pas le cas. Ses hormones ne la titillent pas encore. Elle préfère les gars plus matures et se fait un délire sans conséquence avec le père de Thibaut. Ma frangine reconnait qu'il est bien trop vieux. C'est ce genre de maturité qu'elle recherche sans trouver parmi ceux plus proches en âge. Thibaut et Alex sont encore trop gamins pour elle.
Dès le lendemain matin, j'accompagne donc les deux garçons avec les crétins d'étalons à mes basques. Ils ont deviné eux aussi un coup, fourré et croient que j'ai le béguin pour l'un d'eux. Ils essayent de savoir en me posant quelques questions absolument pas discrètes. J'éclate de rire. Je leur dis de ne pas s'inquiéter et que je n'éprouve que de l'amitié envers eux. Je leur avoue les craintes de ma frangine à propos de la forêt pour les rassurer. La présence des deux andouilles équines, parfaits pour fuir si besoin, renforce mon demi-mensonge. Ils soupirent de soulagement et m'avoue bien m'aimer mais comme une amie, une petite sœur et ne voulait pas me faire de la peine si je m'étais amourachée pour l'un d'eux. Ils sont trop mignons. Je confirme que tout va bien et en profite pour demander des cours particuliers au blondinet sans problème. Je passe un excellent moment en leur compagnie. Je sens que les matins vont être très agréables. Les deux garçons sont aussi très contents de passer plus de temps avec moi.
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