Connerie transgénérationnelle 1/2
Les Terminales sont contents ce soir. Demain matin, ils vont avoir une semaine d'orientation avec différentes interventions et stands des universités et écoles supérieures dans le grand amphithéâtre. Chaque intervenant va venir une demi-journée pour leur présenter son métier et son domaine d'activités ou les possibilités qu'il offre en termes d'avenir. Je ne suis pas certaine que les échoppes de l'armée de l'air et de terre attirent beaucoup de monde avec les derniers événements. Peu motivée par mes cours en ce moment, j'ai envie de faire l'école buissonnière pour aller écouter tout cela. Mélia me surveille et me prévient qu'elle contrera toutes mes tentatives d'évasion.
Les gars souhaitent rester ensemble et veulent intégrer la fac prestigieuse de la ville. C'est surtout à cause de l'équipe de basket qui ouvre les portes à des équipes pro. Seulement, pour cela, ils doivent se choisir un des cursus proposés. Le problème, c'est qu'ils sont très différents et ne veulent pas les mêmes choses pour leurs avenirs. Thibaut aimerait enseigner comme son père. Il hésite sur la voie à suivre, entre une formation plus générale pour un poste de maître d'école, lui qui adore les bambins, ou une orientation plus spécialisée pour éduquer plutôt au niveau collège ou lycée. J'éclate de rire quand il nous dit que son père tente de le dissuader en le faisant imaginer une classe entière, peuplée de casse pieds dans mon genre. Monsieur Noguerra teste juste la motivation de son fiston. En plus, Thibaut s'en sort à merveille avec moi.
Alex rêve de devenir ingénieur agronome ou chercheur en biologie végétale. Il est passionné par tout ce qui a trait aux plantes, à leur développement et à leur culture. Il a un intérêt tout particulier pour celles qui permettent de nourrir animaux et humains. Ses parents sont agriculteurs et il aimerait reprendre l'exploitation pour la moderniser et la faire prospérer davantage en diversifiant les types de cultures et surtout les méthodes utilisées. Il s'exerce déjà aux expérimentations sur mes plants de tomates illicites en cherchant le moyen pour que les pigeons ne touchent pas à mes précieuses cultures.
Blaise n'a aucune idée de ce qu'il aimerait. Tout lui donne envie et aimerait éliminer quelques pistes. Cet éternel optimiste voit les qualités de chaque métier et sa curiosité naturelle l'incite à tout vouloir comprendre et apprendre. Il se voit travailler avec les enfants et les personnes âgées, en équipe ou tout seul, dans un bureau ou en extérieur. Il est adaptable et son projet professionnel n'est absolument pas défini. Bien qu'il soit fiable et sérieux, Blaise vit au jour le jour et n'a pas d'avenir très précis en tête.
Maltez est mitigé. Sa famille l'oriente vers les sciences politiques, le droit ou le commerce. Rien de cela ne l'intéresse. Ce qu'il aime, c'est le sport et la bouffe, mais pas au point d'en faire son métier. Le grand dadet a déjà éliminé des tas de possibilités qui le dégoutent ou l'ennuient. Rien ne le satisfait et les aspects négatifs des domaines d'activité lui sautent aux yeux. Il s'arrache les cheveux pour choisir et espère une illumination. Il est tout le contraire de Blaise.
Naya, quant à elle, est certaine de vouloir devenir styliste ou designer. Elle souhaite faire une école dans ce but. La reine des abeilles a choisi son école et fait une visite virtuelle ainsi que sa lettre de motivation. Son plan de carrière est organisé pour les dix prochaines années. Elle a déjà démarché des ateliers et des créateurs de renom pour ses futurs stages. Cette semaine ne va lui servir qu'à montrer son book aux recruteurs. Nous avons tous été contraints de subir deux séances photos. Une de démarrage et une après un relooking d'après nos points forts et les couleurs qui nous mettent en valeur. Je me suis prêté au jeu de bonne grâce au contraire de son petit ami qui a rejeté toutes les propositions visant à modifier sa coupe de cheveux et son sempiternel blouson en cuir.
Chacun débute cette semaine d'orientation avec des buts différents. Afin de mettre mon grain de sel là où on ne me le demande pas, je décide de faire en ce dimanche soir, des propositions de métier à Blaise et Maltez qui sont refusées sans que je ne comprenne pourquoi. Pourtant, ma proposition de mariage avec une riche héritière ou de mannequin de maillot de bain est idéale pour Chouchou. Il voyagera partout dans le monde et rencontrera des tas de gens. Je lui propose même ma main une fois que j'aurais récupéré tout mon fric auprès de mes géniteurs. Sarah met un droit de veto absolu en déclarant qu'elle ne supportera pas une belle-sœur aussi chiante que moi et que son frangin est bien plus qu'un beau corps. J'opte alors pour le conseil d'une carrière de clown au sein d'un cirque de renommée mondiale ou de mascotte au sein d'un parc d'attractions. Ces propositions-là ne remportent pas plus de succès auprès de la petite souris. Elle a de grandes ambitions pour son frangin. Je ne peux pas la blâmer. Blaise est capable de faire de grandes choses. Il doit juste encore apprendre à se canaliser et à se focaliser.
Pour Maltez, et suite à une déclaration tendancieuse de Naya, je propose gigolo ou acteur de films pornos. Étrangement, il est partant et très motivé, acceptant même d'écrire un scénario et de se déguiser en plombier. Je trouve un site de rencontres spécial sugar mummy et toy-boy pour inscrire le grand dadet. Blaise m'aide à remplir sa fiche le plus fidèlement possible. Maltez est prêt à me filer des photos quand sa petite amie débarque et apprécie beaucoup moins mes conseils d'orientation. Elle me passe un savon sur mes suggestions foireuses et mes tentatives de saborder l'avenir professionnel de Maltez qui me fait mourir de rire. Je trouve que pourtant, j'ai de super idées, très originales et personnalisées. Pour une fois qu'on était d'accord sur quelque chose avec le grand dadet. Juste pour faire râler la reine des abeilles, je lui montre les premiers contacts qui écrivent déjà à son chéri sans même avoir de photos.
Josiane, 77 ans, en couple avec un vieux croulant en fin de vie dont elle va piquer l'héritage, s'ennuie au lit et cherche de la viande fraîche. Elle en est à son septième message en dix minutes. Ses propos débridés choquent les gars et me font rire aux éclats. Plus modérée, Gilberte, 85 ans, est encore très alerte et aimerait de la compagnie pour lui faire la lecture et la faire sortir. Elle propose des restaurants et des voyages, de beaux vêtements et la possibilité de payer les études de son toy-boy. Je lis à haute voix les messages pour embarrasser les gars et faire enrager Naya. Elle me court après sans parvenir à me rattraper. Mon blondinet préféré met fin au supplice en rougissant fortement lorsque Josiane pose la question des mensurations de l'entrejambe et de l'expérience de terrain du grand dadet. Il m'attrape et me supplie de supprimer le profil en faisant une grimace de dégoût. J'ai pitié des gars et je m'arrête en lui faisant un bisou sur la joue.
Chaque soir de la semaine, nos amis nous font un compte-rendu détaillé des présentations de la journée. En compilant les données de chacun, nous arrivons à avoir une idée complète. Comme prévu, l'armée ne remporte pas un grand succès. Je souris quand Maltez trouve que je suis un bien meilleur vendeur que les recruteurs qui sont venus. Chaque jour, je les bassine avec l'éventail des métiers et diplômes que l'on peut acquérir au sein des troupes militaires. Je tente de convaincre Alex de s'inscrire et de demander à faire ses armes dans la forêt tropicale. Puis Blaise qui est un touche-à-tout en lui apprenant qu'il pourra conduire toutes sortes de véhicules intéressants et divers comme des 4*4, des fourgons ou même des tanks.
En fin de semaine, Clarissa se découvre une passion soudaine pour la psychologie. Elle est fascinée par ce domaine après qu'un prof, hyper mignon si j'en crois les filles, est venu expliquer certains comportements humains avec ces exemples concrets célèbres. Elle est clairement sous le charme du prof et ne cesse de parler de lui pendant plusieurs jours. J'aurais presque pitié de Thibaut si celui-ci portait un quelconque intérêt à l'amourette de sa petite amie. Le blondinet n'est absolument pas jaloux et attend tout bonnement que cela passe. J'admire sa patience et sa maturité.
À la demande de Thibaut, je prête à Clarissa les quelques ouvrages dont je dispose et j'essaye de lui en obtenir d'autres par l'intermédiaire de Tata qui est elle-aussi passionnée de cette discipline. C'est bien la première fois que je vois cette pouffe ouvrir un livre. Je commençais à me demander si elle savait lire à force de ne la voir feuilleter que des magazines féminins sans intérêt et commenter les images et non le sujet de l'article. Bref, la donzelle se cultive un peu, ce qui offre du répit pour mes oreilles irritées par son jacassement strident incessant.
Un nouveau problème apparaît malheureusement très vite. Comme toutes les personnes avec peu de culture, dès qu'elle pense avoir compris quelque chose, elle s'en vante sans comparer les courants de pensées et les informations contradictoires ou complémentaires pour se forger une opinion valable. Comme Papinou disait toujours : " La culture, c’est comme la confiture. Moins on en a, plus on l'étale". Et Clarissa... Elle l'étale grave et tente d'analyser la personnalité de chacun et de trouver le traumatisme d'enfance lié quitte à l'inventer et prétexter qu'on le refoule pour prouver sa théorie. Un festival de grand n'importe quoi.
Tour à tour, elle s'en prend à chaque élève du lycée. Même les profs subissent des questions indiscrètes et stupides pour savoir si leur mère était alcoolique ou si leur frère a abusé d'eux enfant. Elle nous gonfle et se rend encore plus détestable qu'avant. Les gens la fuient et font de leur mieux pour ne pas la croiser et lui parler. Thibaut finit par la larguer, épuisé, un midi où elle lui explique que c'est l'absence de mère qui justifie son manque d'engagement dans leur relation. Je pense intérieurement que c'est plutôt parce qu'elle est sacrément conne. Il quitte la table avec un simple " OK. Je ne te mérite pas. Tu as raison. C'est fini entre nous. Bonne continuation à toi Clarissa". Elle n'a pas le temps de partir dans des explications ou dans des lamentations.
Tout le monde sort de table en félicitant le blondinet pour avoir ENFIN pris la bonne décision. Les gars lui donnent des claques dans le dos. Les filles lui font des câlins. Les garces comme moi hurlent de joie et proposent toutes leurs copines en remplacement. Thibaut sort de la cafet sous les applaudissements, preuve du manque de popularité de la donzelle. J'arrive à faire rire mon ami au moment où je vante les qualités de Naya puis de Sarah pour embêter ses deux potes. Je ne sais pas ce qui lui semble le plus drôle. Imaginer que le grincheux accepte de partager sa copine ou vanter les points communs entre lui et Sarah, y compris le fait qu'elle préfère les filles. Thibaut apprécie le fait que je ne cherche pas vraiment à le caser, mais plus à lui changer les idées. Bien que je désapprouve leur relation, je n'ai jamais émis de critiques dans le dos de Clarissa, ni d'opinion sur leur couple.
Dans la journée, Naya vire Clarissa de l'équipe des pom-pom girls et du soir, elle n'est plus la bienvenue à la table des populaires, ni à celle des autres. Elle se retrouve donc à manger seule dans un coin de la cantine. Pétunia est triste et rejoint sa meilleure amie. Je ne comprends vraiment pas pourquoi elle reste copine avec elle. Certes Pétunia n'est pas la fille la plus intelligente que je connaisse, mais quand même, elle est mille fois plus sympa que Clarissa. Alors que je m'étonne de ce duo indécollable, Naya me dit de laisser tomber. Cela fait des années qu'elle essaye de les décoller sans succès.
L'ambiance dans la chambrée est affreuse. Maintenant qu'elle ne sort plus avec Thibaut, Naya ne se retient plus et lui envoie des piques à longueur de soirée. Comme le blondinet ne peut plus dormir dans mon lit quand je le kidnappe deux à trois fois par semaine, c'est Mélia qui propose le sien. Je suis d'ailleurs étonnée qu'il continue de venir maintenant qu'il n'est plus en couple. Même Alex s'incruste parfois dans le dortoir des filles. Fleur et Lilou dorment alors ensemble pour lui offrir un lit. Je tente de comprendre leurs véritables motivations en les questionnant sans relâche. Blaise finit par m'avouer que leur voisin de chambre ronfle parfois tellement fort que le son de la tronçonneuse traverse les murs et qu'ils n'arrivent pas à dormir. Du coup, quelques nuits de repos avec des princesses sont une véritable bénédiction.
Toute la diplomatie de ma frangine peine à calmer les disputes quand Maltez, Naya et Clarissa se prennent le bec. Pétunia pleure souvent. Cela me navre. Je n'aime pas voir les gens pleurer, même si c'est une pouffe. Quand je ne peux pas supporter ma colocataire, j'ai au moins la décence d'aller dormir ailleurs pour ne pas pourrir davantage l'ambiance. Clarissa refuse de changer de pièce. Alors, pour aider Mélia et aussi pour éviter une troisième guerre mondiale dans ma chambre, je propose assez vite de conduire Naya chez les gars pour qu'elle reste avec son petit ami les jours où je kidnappe les trois autres mecs. Pétunia nous remercie, Mélia et moi, de nos efforts pour apaiser la situation malgré que nous ne pouvons pas supporter Clarissa.
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