Connerie transgénérationnelle
Les Terminales sont contents ce soir. Demain matin, ils vont avoir une semaine d'orientation avec différentes interventions et stands des universités et écoles supérieures dans le grand amphithéâtre. Chaque intervenant va venir une demi-journée pour leur présenter son métier et son domaine d'activités ou les possibilités qu'il offre en termes d'avenir. Je ne suis pas certaine que les échoppes de l'armée de l'air et de terre attirent beaucoup de monde avec les derniers événements. Peu motivée par mes cours en ce moment, j'ai envie de faire l'école buissonnière pour aller écouter tout cela. Mélia me surveille et me prévient qu'elle contrera toutes mes tentatives d'évasion.
Les gars souhaitent rester ensemble et veulent intégrer la fac prestigieuse de la ville. C'est surtout à cause de l'équipe de basket qui ouvre les portes à des équipes pro. Seulement, pour cela, ils doivent se choisir un des cursus proposés. Le problème, c'est qu'ils sont très différents et ne veulent pas les mêmes choses pour leurs avenirs. Thibaut aimerait enseigner comme son père. Il hésite sur la voie à suivre, entre une formation plus générale pour un poste de maître d'école, lui qui adore les bambins, ou une orientation plus spécialisée pour éduquer plutôt au niveau collège ou lycée. J'éclate de rire quand il nous dit que son père tente de le dissuader en le faisant imaginer une classe entière, peuplée de casse pieds dans mon genre. Monsieur Noguerra teste juste la motivation de son fiston. En plus, Thibaut s'en sort à merveille avec moi.
Alex rêve de devenir ingénieur agronome ou chercheur en biologie végétale. Il est passionné par tout ce qui a trait aux plantes, à leur développement et à leur culture. Il a un intérêt tout particulier pour celles qui permettent de nourrir animaux et humains. Ses parents sont agriculteurs et il aimerait reprendre l'exploitation pour la moderniser et la faire prospérer davantage en diversifiant les types de cultures et surtout les méthodes utilisées. Il s'exerce déjà aux expérimentations sur mes plants de tomates illicites en cherchant le moyen pour que les pigeons ne touchent pas à mes précieuses cultures.
Blaise n'a aucune idée de ce qu'il aimerait. Tout lui donne envie et aimerait éliminer quelques pistes. Cet éternel optimiste voit les qualités de chaque métier et sa curiosité naturelle l'incite à tout vouloir comprendre et apprendre. Il se voit travailler avec les enfants et les personnes âgées, en équipe ou tout seul, dans un bureau ou en extérieur. Il est adaptable et son projet professionnel n'est absolument pas défini. Bien qu'il soit fiable et sérieux, Blaise vit au jour le jour et n'a pas d'avenir très précis en tête.
Maltez est mitigé. Sa famille l'oriente vers les sciences politiques, le droit ou le commerce. Rien de cela ne l'intéresse. Ce qu'il aime, c'est le sport et la bouffe, mais pas au point d'en faire son métier. Le grand dadet a déjà éliminé des tas de possibilités qui le dégoutent ou l'ennuient. Rien ne le satisfait et les aspects négatifs des domaines d'activité lui sautent aux yeux. Il s'arrache les cheveux pour choisir et espère une illumination. Il est tout le contraire de Blaise.
Naya, quant à elle, est certaine de vouloir devenir styliste ou designer. Elle souhaite faire une école dans ce but. La reine des abeilles a choisi son école et fait une visite virtuelle ainsi que sa lettre de motivation. Son plan de carrière est organisé pour les dix prochaines années. Elle a déjà démarché des ateliers et des créateurs de renom pour ses futurs stages. Cette semaine ne va lui servir qu'à montrer son book aux recruteurs. Nous avons tous été contraints de subir deux séances photos. Une de démarrage et une après un relooking d'après nos points forts et les couleurs qui nous mettent en valeur. Je me suis prêté au jeu de bonne grâce au contraire de son petit ami qui a rejeté toutes les propositions visant à modifier sa coupe de cheveux et son sempiternel blouson en cuir.
Chacun débute cette semaine d'orientation avec des buts différents. Afin de mettre mon grain de sel là où on ne me le demande pas, je décide de faire en ce dimanche soir, des propositions de métier à Blaise et Maltez qui sont refusées sans que je ne comprenne pourquoi. Pourtant, ma proposition de mariage avec une riche héritière ou de mannequin de maillot de bain est idéale pour Chouchou. Il voyagera partout dans le monde et rencontrera des tas de gens. Je lui propose même ma main une fois que j'aurais récupéré tout mon fric auprès de mes géniteurs. Sarah met un droit de veto absolu en déclarant qu'elle ne supportera pas une belle-sœur aussi chiante que moi et que son frangin est bien plus qu'un beau corps. J'opte alors pour le conseil d'une carrière de clown au sein d'un cirque de renommée mondiale ou de mascotte au sein d'un parc d'attractions. Ces propositions-là ne remportent pas plus de succès auprès de la petite souris. Elle a de grandes ambitions pour son frangin. Je ne peux pas la blâmer. Blaise est capable de faire de grandes choses. Il doit juste encore apprendre à se canaliser et à se focaliser.
Pour Maltez, et suite à une déclaration tendancieuse de Naya, je propose gigolo ou acteur de films pornos. Étrangement, il est partant et très motivé, acceptant même d'écrire un scénario et de se déguiser en plombier. Je trouve un site de rencontres spécial sugar mummy et toy-boy pour inscrire le grand dadet. Blaise m'aide à remplir sa fiche le plus fidèlement possible. Maltez est prêt à me filer des photos quand sa petite amie débarque et apprécie beaucoup moins mes conseils d'orientation. Elle me passe un savon sur mes suggestions foireuses et mes tentatives de saborder l'avenir professionnel de Maltez qui me fait mourir de rire. Je trouve que pourtant, j'ai de super idées, très originales et personnalisées. Pour une fois qu'on était d'accord sur quelque chose avec le grand dadet. Juste pour faire râler la reine des abeilles, je lui montre les premiers contacts qui écrivent déjà à son chéri sans même avoir de photos.
Josiane, 77 ans, en couple avec un vieux croulant en fin de vie dont elle va piquer l'héritage, s'ennuie au lit et cherche de la viande fraîche. Elle en est à son septième message en dix minutes. Ses propos débridés choquent les gars et me font rire aux éclats. Plus modérée, Gilberte, 85 ans, est encore très alerte et aimerait de la compagnie pour lui faire la lecture et la faire sortir. Elle propose des restaurants et des voyages, de beaux vêtements et la possibilité de payer les études de son toy-boy. Je lis à haute voix les messages pour embarrasser les gars et faire enrager Naya. Elle me court après sans parvenir à me rattraper. Mon blondinet préféré met fin au supplice en rougissant fortement lorsque Josiane pose la question des mensurations de l'entrejambe et de l'expérience de terrain du grand dadet. Il m'attrape et me supplie de supprimer le profil en faisant une grimace de dégoût. J'ai pitié des gars et je m'arrête en lui faisant un bisou sur la joue.
Chaque soir de la semaine, nos amis nous font un compte-rendu détaillé des présentations de la journée. En compilant les données de chacun, nous arrivons à avoir une idée complète. Comme prévu, l'armée ne remporte pas un grand succès. Je souris quand Maltez trouve que je suis un bien meilleur vendeur que les recruteurs qui sont venus. Chaque jour, je les bassine avec l'éventail des métiers et diplômes que l'on peut acquérir au sein des troupes militaires. Je tente de convaincre Alex de s'inscrire et de demander à faire ses armes dans la forêt tropicale. Puis Blaise qui est un touche-à-tout en lui apprenant qu'il pourra conduire toutes sortes de véhicules intéressants et divers comme des 4*4, des fourgons ou même des tanks.
En fin de semaine, Clarissa se découvre une passion soudaine pour la psychologie. Elle est fascinée par ce domaine après qu'un prof, hyper mignon si j'en crois les filles, est venu expliquer certains comportements humains avec ces exemples concrets célèbres. Elle est clairement sous le charme du prof et ne cesse de parler de lui pendant plusieurs jours. J'aurais presque pitié de Thibaut si celui-ci portait un quelconque intérêt à l'amourette de sa petite amie. Le blondinet n'est absolument pas jaloux et attend tout bonnement que cela passe. J'admire sa patience et sa maturité.
À la demande de Thibaut, je prête à Clarissa les quelques ouvrages dont je dispose et j'essaye de lui en obtenir d'autres par l'intermédiaire de Tata qui est elle-aussi passionnée de cette discipline. C'est bien la première fois que je vois cette pouffe ouvrir un livre. Je commençais à me demander si elle savait lire à force de ne la voir feuilleter que des magazines féminins sans intérêt et commenter les images et non le sujet de l'article. Bref, la donzelle se cultive un peu, ce qui offre du répit pour mes oreilles irritées par son jacassement strident incessant.
Un nouveau problème apparaît malheureusement très vite. Comme toutes les personnes avec peu de culture, dès qu'elle pense avoir compris quelque chose, elle s'en vante sans comparer les courants de pensées et les informations contradictoires ou complémentaires pour se forger une opinion valable. Comme Papinou disait toujours : " La culture, c’est comme la confiture. Moins on en a, plus on l'étale". Et Clarissa... Elle l'étale grave et tente d'analyser la personnalité de chacun et de trouver le traumatisme d'enfance lié quitte à l'inventer et prétexter qu'on le refoule pour prouver sa théorie. Un festival de grand n'importe quoi.
Tour à tour, elle s'en prend à chaque élève du lycée. Même les profs subissent des questions indiscrètes et stupides pour savoir si leur mère était alcoolique ou si leur frère a abusé d'eux enfant. Elle nous gonfle et se rend encore plus détestable qu'avant. Les gens la fuient et font de leur mieux pour ne pas la croiser et lui parler. Thibaut finit par la larguer, épuisé, un midi où elle lui explique que c'est l'absence de mère qui justifie son manque d'engagement dans leur relation. Je pense intérieurement que c'est plutôt parce qu'elle est sacrément conne. Il quitte la table avec un simple " OK. Je ne te mérite pas. Tu as raison. C'est fini entre nous. Bonne continuation à toi Clarissa". Elle n'a pas le temps de partir dans des explications ou dans des lamentations.
Tout le monde sort de table en félicitant le blondinet pour avoir ENFIN pris la bonne décision. Les gars lui donnent des claques dans le dos. Les filles lui font des câlins. Les garces comme moi hurlent de joie et proposent toutes leurs copines en remplacement. Thibaut sort de la cafet sous les applaudissements, preuve du manque de popularité de la donzelle. J'arrive à faire rire mon ami au moment où je vante les qualités de Naya puis de Sarah pour embêter ses deux potes. Je ne sais pas ce qui lui semble le plus drôle. Imaginer que le grincheux accepte de partager sa copine ou vanter les points communs entre lui et Sarah, y compris le fait qu'elle préfère les filles. Thibaut apprécie le fait que je ne cherche pas vraiment à le caser, mais plus à lui changer les idées. Bien que je désapprouve leur relation, je n'ai jamais émis de critiques dans le dos de Clarissa, ni d'opinion sur leur couple.
Dans la journée, Naya vire Clarissa de l'équipe des pom-pom girls et du soir, elle n'est plus la bienvenue à la table des populaires, ni à celle des autres. Elle se retrouve donc à manger seule dans un coin de la cantine. Pétunia est triste et rejoint sa meilleure amie. Je ne comprends vraiment pas pourquoi elle reste copine avec elle. Certes Pétunia n'est pas la fille la plus intelligente que je connaisse, mais quand même, elle est mille fois plus sympa que Clarissa. Alors que je m'étonne de ce duo indécollable, Naya me dit de laisser tomber. Cela fait des années qu'elle essaye de les décoller sans succès.
L'ambiance dans la chambrée est affreuse. Maintenant qu'elle ne sort plus avec Thibaut, Naya ne se retient plus et lui envoie des piques à longueur de soirée. Comme le blondinet ne peut plus dormir dans mon lit quand je le kidnappe deux à trois fois par semaine, c'est Mélia qui propose le sien. Je suis d'ailleurs étonnée qu'il continue de venir maintenant qu'il n'est plus en couple. Même Alex s'incruste parfois dans le dortoir des filles. Fleur et Lilou dorment alors ensemble pour lui offrir un lit. Je tente de comprendre leurs véritables motivations en les questionnant sans relâche. Blaise finit par m'avouer que leur voisin de chambre ronfle parfois tellement fort que le son de la tronçonneuse traverse les murs et qu'ils n'arrivent pas à dormir. Du coup, quelques nuits de repos avec des princesses sont une véritable bénédiction.
Toute la diplomatie de ma frangine peine à calmer les disputes quand Maltez, Naya et Clarissa se prennent le bec. Pétunia pleure souvent. Cela me navre. Je n'aime pas voir les gens pleurer, même si c'est une pouffe. Quand je ne peux pas supporter ma colocataire, j'ai au moins la décence d'aller dormir ailleurs pour ne pas pourrir davantage l'ambiance. Clarissa refuse de changer de pièce. Alors, pour aider Mélia et aussi pour éviter une troisième guerre mondiale dans ma chambre, je propose assez vite de conduire Naya chez les gars pour qu'elle reste avec son petit ami les jours où je kidnappe les trois autres mecs. Pétunia nous remercie, Mélia et moi, de nos efforts pour apaiser la situation malgré que nous ne pouvons pas supporter Clarissa.
Un soir, alors que je suis en plein enlèvement masculin, j'ai le bonheur de trouver Parrain qui m'attend tranquillement sur le toit en discutant avec Mitchell. Il salue les garçons et m'aide à les conduire dans la chambre des Kawaï. J'ai envie qu'il reste dormir, cependant, je ne peux pas demander aux autres de supporter Clarissa même pour une nuit. Un texto de Mélia à la reine des abeilles nous autorise à prêter le lit de Naya à Richard. Nous bavardons tous tard dans la nuit puis nous allons nous reposer. Notre vieil ami est très poli et s'excuse de sa présence auprès des deux pouffes. Pétunia accepte facilement et se prépare à dormir sans faire de vagues.
La détestable a une autre idée. Elle commence à asticoter Parrain en demandant si les tireurs d'élite sont des psychopathes ou des sociopathes. Richard sourit, nullement offensé par une gamine acariâtre. Il prend le temps de lui donner une définition complète de chacun des termes en citant plusieurs sources prouvant qu'il en sait déjà plus qu'elle sur le sujet. Ensuite, il lui montre les similitudes entre les deux termes et les différences. Il ne réduit pas les mots aux exemples de barjos qu'elle donne et évoque les politiciens ou les dirigeants d'entreprise comme illustration d'intégration dans la société. Il lui rappelle la différence entre ne pas être capable d'avoir du remords, ne pas avoir de remords pour ses actions et savoir gérer ses remords pour le bien commun.
Comme elle ne parvient pas à le mettre mal à l'aise, elle essaye de critiquer Papinou et sa relation avec notre mère comme un mauvais comportement parental. Elle raconte des choses horribles sur l'emprise de pères violents puis sur des abus, voulant trouver la solution à mes interrogations sur mon peu de ressemblance avec mon géniteur. Elle pose des questions sur le traumatisme qui a empêché notre mère de nous élever et se demande pourquoi Richard est devenu stérile à la même époque. Elle ose insinuer que mon grand-père est peut-être aussi mon père et que c'est pour cela que Mélia et moi sommes dégénérées. Je veux lui sauter au cou à cet instant. Richard réagit plus vite et me choppe ainsi que Mélia. Il nous jette dehors de la pièce et ferme à clé. Je tambourine sans réponse. Alors que j'envisage de passer par la fenêtre de la chambre voisine et d'escalader la façade, il rouvre la porte et nous attrape chacune par la nuque pour nous conduire au campement militaire à côté du lycée. Il est très calme, presque souriant, et nous fait faire des pompes et des abdos toute la nuit pour nous apaiser. Au matin, après un bisou sur le front, il nous dit de rester sages et qu'il a géré le problème.
Nous croisons Clarissa en état de choc qui ne parle pas. Pétunia a les yeux rouges. Elle nous dit que Parrain est un homme bien et très intelligent. Il n'a fait aucun mal à Clarissa. Il ne l'a pas frappé, ni n'a haussé le ton. Il s'est assis tranquillement sur le lit de Naya et a discuté avec les deux filles. Richard a juste remis à sa place l'impertinente en lui faisant subir sa propre médecine. Tout ce qu'il a dit était juste et exact. Il n'a pas utilisé la moindre insulte et lui a parlé avec une voix douce, ferme et hyper calme. Parrain a psychanalysé Clarissa qui a du mal à s'en remettre. Elle ne parle plus qu'à Pétunia après cela et se tient loin des autres, dans son coin. Je ne sais pas ce qui s'est dit, cependant, il est clair que Clarissa semble réfléchir et se poser des questions existentielles. Au moins, elle n'embête plus les autres, ce qui est génial.
Parrain a beau nous avoir dit de ne pas réagir, Mélia et moi n'acceptons pas les propos de la détestable. Ni Pétunia, ni Clarissa et encore moins Richard ne nous diront le contenu de cette discussion. Peu nous importe. Mélia et moi sommes toujours restées correctes avec elle. Elle a insulté Parrain et Papinou. Cela ne restera pas sans réponse. Elle nous a traitées de filles mauvaises. Elle va voir ce que c'est qu'une mauvaise fille. Puisque d'après elle, nous sommes des harceleuses détestables et des brutes, nous allons montrer ce que ferait une personne méritant ces qualificatifs. La donzelle voue un culte à son corps et ses cheveux. J'attends donc qu'elle dorme profondément et se place sur le côté pour que j'aie accès à l'arrière de son crâne. Je coupe au ciseau la paille qui lui sert de tignasse au plus près de la tête, mais uniquement quelques centimètres sur sa nuque. Les cheveux sont ensuite mis dans une poubelle de l'étage, loin de la chambre. Au début, elle ne voit pas mon intervention et ne s'en rend compte qu'au moment de faire sa queue-de-cheval. Elle hurle après moi. Je m'en fiche. Il n'y a plus aucune preuve et tout le monde lui dit que ça repoussera.
Elle n'ose plus dormir et se méfie de moi. Elle me surveille en permanence. Ma sœur entre alors en action et rajoute de l'autobronzant dans sa crème épilatoire. Ma chérie fait très attention aux quantités. Nous voulons nous venger, toutefois, jamais nous ne ferons quelque chose de dangereux. Avec le temps de pause, les aisselles et les jambes de Clarissa ressortent couleur carotte brulée. Le médecin qu'elle consulte en urgence en pensant à une réaction allergique, se moque d'elle et lui explique qu'il ne s'agit que d'une blague innocente. Elle doit porter des collants et des chemisiers longs pendant une semaine, le temps que la peau se régénère. Heureusement, nous ne sommes qu'au printemps.
Du samedi, pendant que Clarissa fait des courses en ville, Mélia lui recoud tous ses vêtements. Elle resserre la taille, agrandit au niveau de la poitrine ou carrément retire quelques centimètres de largeur sur les jupes et pantalons. Clarissa ne rentre plus dans aucun de ses vêtements et pense avoir pris du poids. Déjà que ses jupettes taille enfant la boudinait, maintenant, elle ne passe plus les cuisses et reste coincé à mi-hauteur. Je me marre en la voyant sautiller et rentrer le ventre dans des poses dignes d'un film comique. Elle se met au régime sec avant de comprendre la supercherie en craquant un ourlet invisible.
Elle n'aime pas mon odeur ? Je dissimule son parfum et pose un vaporisateur rempli de pisse de cheval. Lorsqu'elle se décolore les racines des cheveux, la bouteille est remplacée par de la teinture rousse. Cette couleur lui va d'ailleurs bien mieux au teint que le blond blanc peroxydé. Pétunia a beau lui dire, Clarissa ne déroge pas à son sacro-saint blond pétasse. Je planque ses faux cils et ses vernis à ongles puis les replace ailleurs pour qu'elle devienne folle. Mélia cache du carton sous la semelle intérieure de ses talons pour que les chaussures lui fassent horriblement mal aux pieds. Je place sa main dans une bassine d'eau froide la nuit pour qu'elle se pisse dessus. Ma frangine plie les draps en portefeuille, ou dépose du poil à gratter sur la taie d'oreiller. Nous n'abîmons pas ses affaires et ne lui faisons aucun mal physique. Ce ne sont que des blagues potaches et réversibles. C'est une guerre psychologique puisqu'elle aime cela. Elle sait que c'est nous. Elle sait qu'elle n'aura jamais de preuves et nous aurons toujours un alibi à l'heure du crime. Tout le lycée est contre elle, et même Pétunia lui dit qu'elle a dépassé les bornes et doit en subir les conséquences. Au bout de dix jours, elle craque et n'en peut plus. Elle fait enfin ce que nous attendons et présente ses excuses à chacun pour son comportement inacceptable. Nous arrêtons immédiatement nos blagues sans pour autant devenir amies.
Le seul avantage qui ressort de tout cela est que maman nous appelle en visio un soir. Parrain lui as envoyé un message. Elle nous rassure tout d'abord en nous disant que même si elle et Papinou ne s'entendaient pas bien, notre grand-père est un homme merveilleux qui a toujours pris soin d'elle et ne lui as jamais fait le moindre mal. Maman nous affirme que les allégations de Clarissa n'ont absolument aucun fondement même si nous n'avons jamais douté de cela. Ensuite, elle reconnaît que nous sommes grandes aujourd'hui et qu'elle aurait pu expliquer certaines choses plus tôt. Mélia et moi avons raison de nous poser autant de questions sur notre absence de ressemblance avec son mari. Il n'est effectivement pas notre père biologique. Ils se sont mariés quand nous avions un an. Ils se connaissaient au moment de notre conception, cependant ils ne sont sortis ensemble que pendant la grossesse de maman. Notre mère nous explique qu'elle a eu une jeunesse très débridée avec beaucoup de fêtes et de petits copains en même temps. Elle s'est retrouvée enceinte sans savoir avec qui elle nous avait conçues et n'a jamais cherché à le savoir. Aucun de ses mecs de l'époque n'était assez sain pour être père. Sa grossesse l'a assagie et elle a cherché à se marier pour nous donner une famille.
À l'époque, Richard venait d'avoir l'accident qui l'a rendu stérile. Il lui a demandé de l'épouser, par tendresse fraternelle pour elle et pour adopter les bébés, mais elle est tombée amoureuse de son actuel mari peu après. Elle ne se sentait pas capable d'élever un enfant, encore moins deux. C'est pour cela qu'elle nous a confiées à Papinou. Elle n'a jamais eu l'instinct maternel. Voulant malgré tout nous offrir une figure parentale de qualité, Maman a choisi Richard et Tonton comme parrains et Tata comme marraine. L'appel de Maman fait du bien à ma sœur et moi. Nous commencions sérieusement à nous poser des questions et craignions de découvrir un lourd secret. Bien sûr, pas une seconde, nous n'avons douté de Papinou et de Richard. Cependant, nous avons une imagination fertile et nous avons émis des théories les plus folles depuis une semaine.
Je serais presque reconnaissante à Clarissa pour avoir obtenu cette explication. La gravité de ses insinuations ne permet pas que je lui pardonne. Je la laisse en paix faire son mea-culpa général. Je ne suis pas la seule à ne pas lui pardonner. Thibaut refuse de se remettre en couple avec elle et toutes les pom-pom girls mettent un droit de veto à son retour dans l'équipe. Elle reste avec Pétunia le plus souvent, en essayant de ne pas attirer l'attention sur elle. Parfois, j’entends les deux copines discuter entre elles. Pétunia semble rappeler ses mauvais comportements à sa pote et l'inciter à faire profil bas. Je comprends que la pétasse n'a pas toujours été aussi infecte. Tata m'a dit qu’on ne se tourne pas vers la psychologie sans raison et que souvent, les personnes qui suivent ce genre d'études le font par besoin personnel avant tout. Dans son cas, c'était lié à sa mère, un peu trop rigide et pas assez affectueuse si j'ai bien compris Tata.
Je ne m'intéresse pas plus au cas de Clarissa. Je préfère suivre les tribulations des deux grandes andouilles qui ne savent toujours pas quelle filière choisir. Ils sont trop drôles à réfléchir et à se casser la tête. J'ai soudain une illumination pour le grand dadet. Il adore notre activité caritative et déborde d'idées hyper intéressantes à chaque fois. Le responsable l'a même choisi comme second. Sa famille veut un métier qui impressionne. Me réveillant de ma torpeur habituelle, je lui demande pourquoi il ne suivrait pas des études d'architecture pour devenir plus tard chef de projet pour des chantiers de construction. Cette fois, Naya me serre dans ses bras. Maltez pousse un cri à la limite du hurlement. Il adhère totalement à mon idée et va en parler au responsable pour être sûr de bien choisir. Le grand dadet a le niveau requis en maths, physique chimie et dans les autres matières aussi. Cette voie d'avenir lui plaît et sera validée par sa famille.
Blaise est jaloux que je ne trouve pas pour lui. Nous nous creusons tous les méninges pour l'aider. Nous cherchons dans tous les domaines. Notre ami est un créatif, un artiste. Il a besoin de changement, de variété. C'est Lilou qui suggère enfin une solution. Tous les deux sont très doués en dessin et nous font de vraies œuvres. Blaise est aussi un grand fan de jeux vidéo et rêve de créer le sien. Il y a une section programmation au sein de la faculté des arts. En alliant le métier de graphiste et de concepteur, de nombreuses possibilités de job s'ouvrent à lui dans le futur. Ce touche-à-tout est heureux puisqu'il pourra changer d'univers en fonction de ses envies, allant de l'informatique au design de meubles et aux couvertures de romans. Blaise regarde les différentes sections et les possibilités de formation dans l'avenir, afin de s'adapter rapidement si besoin. Sarah valide ce projet avec grand plaisir.
Maintenant que les Terminales ont chacun une meilleure idée de leur avenir proche, du moins pour l'an prochain, ils s'affairent à choisir les options de manière à pouvoir continuer leurs activités sportives. Pour se faire un dossier plus consistant, les gars aimerait poursuivre les projets caritatifs. Ils vont donc négocier avec le responsable de chantier afin d'obtenir l'autorisation de venir en tant que bénévoles majeurs. Le lycée paye une assurance pour protéger ses élèves. Les étudiants doivent soit négocier avec chacune de leurs facultés, soit prendre une assurance personnelle. Heureusement, le directeur a la gentillesse d'appeler les universités et écoles supérieures afin de leur proposer d'ouvrir les activités caritatives aux étudiants. Une grande majorité accepte et se charge des démarches administratives. Les gars et certaines filles de Terminales crient de joie lorsqu'ils apprennent la nouvelle.
L'année scolaire s'avance lentement. Durant les mois qui suivent, Richard nous tient au courant de ce qu'il découvre sur la présence des créatures. Pour l'instant, pas grand-chose, mis à part le fait qu'il se passe quelque chose de vraiment pas net. Les armées s'entraînent trop dur, on dirait qu'une guerre se prépare. Richard et quelques amis à lui ont l'acquisition d'un domaine il y a longtemps et le transforment peu à peu en forteresse. D'autres connaissances font de même à plusieurs endroits autour de la ville et dans le pays. Pour l'instant, ils font figure d'illuminés. La situation semble être parfaitement contrôlée.
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