Connerie transgénérationnelle 2/2

10 minutes de lecture

Un soir, alors que je suis en plein enlèvement masculin, j'ai le bonheur de trouver Parrain qui m'attend tranquillement sur le toit en discutant avec Mitchell. Il salue les garçons et m'aide à les conduire dans la chambre des Kawaï. J'ai envie qu'il reste dormir, cependant, je ne peux pas demander aux autres de supporter Clarissa même pour une nuit. Un texto de Mélia à la reine des abeilles nous autorise à prêter le lit de Naya à Richard. Nous bavardons tous tard dans la nuit puis nous allons nous reposer. Notre vieil ami est très poli et s'excuse de sa présence auprès des deux pouffes. Pétunia accepte facilement et se prépare à dormir sans faire de vagues.

La détestable a une autre idée. Elle commence à asticoter Parrain en demandant si les tireurs d'élite sont des psychopathes ou des sociopathes. Richard sourit, nullement offensé par une gamine acariâtre. Il prend le temps de lui donner une définition complète de chacun des termes en citant plusieurs sources prouvant qu'il en sait déjà plus qu'elle sur le sujet. Ensuite, il lui montre les similitudes entre les deux termes et les différences. Il ne réduit pas les mots aux exemples de barjos qu'elle donne et évoque les politiciens ou les dirigeants d'entreprise comme illustration d'intégration dans la société. Il lui rappelle la différence entre ne pas être capable d'avoir du remords, ne pas avoir de remords pour ses actions et savoir gérer ses remords pour le bien commun.

Comme elle ne parvient pas à le mettre mal à l'aise, elle essaye de critiquer Papinou et sa relation avec notre mère comme un mauvais comportement parental. Elle raconte des choses horribles sur l'emprise de pères violents puis sur des abus, voulant trouver la solution à mes interrogations sur mon peu de ressemblance avec mon géniteur. Elle pose des questions sur le traumatisme qui a empêché notre mère de nous élever et se demande pourquoi Richard est devenu stérile à la même époque. Elle ose insinuer que mon grand-père est peut-être aussi mon père et que c'est pour cela que Mélia et moi sommes dégénérées. Je veux lui sauter au cou à cet instant. Richard réagit plus vite et me choppe ainsi que Mélia. Il nous jette dehors de la pièce et ferme à clé. Je tambourine sans réponse. Alors que j'envisage de passer par la fenêtre de la chambre voisine et d'escalader la façade, il rouvre la porte et nous attrape chacune par la nuque pour nous conduire au campement militaire à côté du lycée. Il est très calme, presque souriant, et nous fait faire des pompes et des abdos toute la nuit pour nous apaiser. Au matin, après un bisou sur le front, il nous dit de rester sages et qu'il a géré le problème.

Nous croisons Clarissa en état de choc qui ne parle pas. Pétunia a les yeux rouges. Elle nous dit que Parrain est un homme bien et très intelligent. Il n'a fait aucun mal à Clarissa. Il ne l'a pas frappé, ni n'a haussé le ton. Il s'est assis tranquillement sur le lit de Naya et a discuté avec les deux filles. Richard a juste remis à sa place l'impertinente en lui faisant subir sa propre médecine. Tout ce qu'il a dit était juste et exact. Il n'a pas utilisé la moindre insulte et lui a parlé avec une voix douce, ferme et hyper calme. Parrain a psychanalysé Clarissa qui a du mal à s'en remettre. Elle ne parle plus qu'à Pétunia après cela et se tient loin des autres, dans son coin. Je ne sais pas ce qui s'est dit, cependant, il est clair que Clarissa semble réfléchir et se poser des questions existentielles. Au moins, elle n'embête plus les autres, ce qui est génial.

Parrain a beau nous avoir dit de ne pas réagir, Mélia et moi n'acceptons pas les propos de la détestable. Ni Pétunia, ni Clarissa et encore moins Richard ne nous diront le contenu de cette discussion. Peu nous importe. Mélia et moi sommes toujours restées correctes avec elle. Elle a insulté Parrain et Papinou. Cela ne restera pas sans réponse. Elle nous a traitées de filles mauvaises. Elle va voir ce que c'est qu'une mauvaise fille. Puisque d'après elle, nous sommes des harceleuses détestables et des brutes, nous allons montrer ce que ferait une personne méritant ces qualificatifs. La donzelle voue un culte à son corps et ses cheveux. J'attends donc qu'elle dorme profondément et se place sur le côté pour que j'aie accès à l'arrière de son crâne. Je coupe au ciseau la paille qui lui sert de tignasse au plus près de la tête, mais uniquement quelques centimètres sur sa nuque. Les cheveux sont ensuite mis dans une poubelle de l'étage, loin de la chambre. Au début, elle ne voit pas mon intervention et ne s'en rend compte qu'au moment de faire sa queue-de-cheval. Elle hurle après moi. Je m'en fiche. Il n'y a plus aucune preuve et tout le monde lui dit que ça repoussera.

Elle n'ose plus dormir et se méfie de moi. Elle me surveille en permanence. Ma sœur entre alors en action et rajoute de l'autobronzant dans sa crème épilatoire. Ma chérie fait très attention aux quantités. Nous voulons nous venger, toutefois, jamais nous ne ferons quelque chose de dangereux. Avec le temps de pause, les aisselles et les jambes de Clarissa ressortent couleur carotte brulée. Le médecin qu'elle consulte en urgence en pensant à une réaction allergique, se moque d'elle et lui explique qu'il ne s'agit que d'une blague innocente. Elle doit porter des collants et des chemisiers longs pendant une semaine, le temps que la peau se régénère. Heureusement, nous ne sommes qu'au printemps.

Du samedi, pendant que Clarissa fait des courses en ville, Mélia lui recoud tous ses vêtements. Elle resserre la taille, agrandit au niveau de la poitrine ou carrément retire quelques centimètres de largeur sur les jupes et pantalons. Clarissa ne rentre plus dans aucun de ses vêtements et pense avoir pris du poids. Déjà que ses jupettes taille enfant la boudinait, maintenant, elle ne passe plus les cuisses et reste coincé à mi-hauteur. Je me marre en la voyant sautiller et rentrer le ventre dans des poses dignes d'un film comique. Elle se met au régime sec avant de comprendre la supercherie en craquant un ourlet invisible.

Elle n'aime pas mon odeur ? Je dissimule son parfum et pose un vaporisateur rempli de pisse de cheval. Lorsqu'elle se décolore les racines des cheveux, la bouteille est remplacée par de la teinture rousse. Cette couleur lui va d'ailleurs bien mieux au teint que le blond blanc peroxydé. Pétunia a beau lui dire, Clarissa ne déroge pas à son sacro-saint blond pétasse. Je planque ses faux cils et ses vernis à ongles puis les replace ailleurs pour qu'elle devienne folle. Mélia cache du carton sous la semelle intérieure de ses talons pour que les chaussures lui fassent horriblement mal aux pieds. Je place sa main dans une bassine d'eau froide la nuit pour qu'elle se pisse dessus. Ma frangine plie les draps en portefeuille, ou dépose du poil à gratter sur la taie d'oreiller. Nous n'abîmons pas ses affaires et ne lui faisons aucun mal physique. Ce ne sont que des blagues potaches et réversibles. C'est une guerre psychologique puisqu'elle aime cela. Elle sait que c'est nous. Elle sait qu'elle n'aura jamais de preuves et nous aurons toujours un alibi à l'heure du crime. Tout le lycée est contre elle, et même Pétunia lui dit qu'elle a dépassé les bornes et doit en subir les conséquences. Au bout de dix jours, elle craque et n'en peut plus. Elle fait enfin ce que nous attendons et présente ses excuses à chacun pour son comportement inacceptable. Nous arrêtons immédiatement nos blagues sans pour autant devenir amies.

Le seul avantage qui ressort de tout cela est que maman nous appelle en visio un soir. Parrain lui as envoyé un message. Elle nous rassure tout d'abord en nous disant que même si elle et Papinou ne s'entendaient pas bien, notre grand-père est un homme merveilleux qui a toujours pris soin d'elle et ne lui as jamais fait le moindre mal. Maman nous affirme que les allégations de Clarissa n'ont absolument aucun fondement même si nous n'avons jamais douté de cela. Ensuite, elle reconnaît que nous sommes grandes aujourd'hui et qu'elle aurait pu expliquer certaines choses plus tôt. Mélia et moi avons raison de nous poser autant de questions sur notre absence de ressemblance avec son mari. Il n'est effectivement pas notre père biologique. Ils se sont mariés quand nous avions un an. Ils se connaissaient au moment de notre conception, cependant ils ne sont sortis ensemble que pendant la grossesse de maman. Notre mère nous explique qu'elle a eu une jeunesse très débridée avec beaucoup de fêtes et de petits copains en même temps. Elle s'est retrouvée enceinte sans savoir avec qui elle nous avait conçues et n'a jamais cherché à le savoir. Aucun de ses mecs de l'époque n'était assez sain pour être père. Sa grossesse l'a assagie et elle a cherché à se marier pour nous donner une famille.

À l'époque, Richard venait d'avoir l'accident qui l'a rendu stérile. Il lui a demandé de l'épouser, par tendresse fraternelle pour elle et pour adopter les bébés, mais elle est tombée amoureuse de son actuel mari peu après. Elle ne se sentait pas capable d'élever un enfant, encore moins deux. C'est pour cela qu'elle nous a confiées à Papinou. Elle n'a jamais eu l'instinct maternel. Voulant malgré tout nous offrir une figure parentale de qualité, Maman a choisi Richard et Tonton comme parrains et Tata comme marraine. L'appel de Maman fait du bien à ma sœur et moi. Nous commencions sérieusement à nous poser des questions et craignions de découvrir un lourd secret. Bien sûr, pas une seconde, nous n'avons douté de Papinou et de Richard. Cependant, nous avons une imagination fertile et nous avons émis des théories les plus folles depuis une semaine.

Je serais presque reconnaissante à Clarissa pour avoir obtenu cette explication. La gravité de ses insinuations ne permet pas que je lui pardonne. Je la laisse en paix faire son mea-culpa général. Je ne suis pas la seule à ne pas lui pardonner. Thibaut refuse de se remettre en couple avec elle et toutes les pom-pom girls mettent un droit de veto à son retour dans l'équipe. Elle reste avec Pétunia le plus souvent, en essayant de ne pas attirer l'attention sur elle. Parfois, j’entends les deux copines discuter entre elles. Pétunia semble rappeler ses mauvais comportements à sa pote et l'inciter à faire profil bas. Je comprends que la pétasse n'a pas toujours été aussi infecte. Tata m'a dit qu’on ne se tourne pas vers la psychologie sans raison et que souvent, les personnes qui suivent ce genre d'études le font par besoin personnel avant tout. Dans son cas, c'était lié à sa mère, un peu trop rigide et pas assez affectueuse si j'ai bien compris Tata.

Je ne m'intéresse pas plus au cas de Clarissa. Je préfère suivre les tribulations des deux grandes andouilles qui ne savent toujours pas quelle filière choisir. Ils sont trop drôles à réfléchir et à se casser la tête. J'ai soudain une illumination pour le grand dadet. Il adore notre activité caritative et déborde d'idées hyper intéressantes à chaque fois. Le responsable l'a même choisi comme second. Sa famille veut un métier qui impressionne. Me réveillant de ma torpeur habituelle, je lui demande pourquoi il ne suivrait pas des études d'architecture pour devenir plus tard chef de projet pour des chantiers de construction. Cette fois, Naya me serre dans ses bras. Maltez pousse un cri à la limite du hurlement. Il adhère totalement à mon idée et va en parler au responsable pour être sûr de bien choisir. Le grand dadet a le niveau requis en maths, physique chimie et dans les autres matières aussi. Cette voie d'avenir lui plaît et sera validée par sa famille.

Blaise est jaloux que je ne trouve pas pour lui. Nous nous creusons tous les méninges pour l'aider. Nous cherchons dans tous les domaines. Notre ami est un créatif, un artiste. Il a besoin de changement, de variété. C'est Lilou qui suggère enfin une solution. Tous les deux sont très doués en dessin et nous font de vraies œuvres. Blaise est aussi un grand fan de jeux vidéo et rêve de créer le sien. Il y a une section programmation au sein de la faculté des arts. En alliant le métier de graphiste et de concepteur, de nombreuses possibilités de job s'ouvrent à lui dans le futur. Ce touche-à-tout est heureux puisqu'il pourra changer d'univers en fonction de ses envies, allant de l'informatique au design de meubles et aux couvertures de romans. Blaise regarde les différentes sections et les possibilités de formation dans l'avenir, afin de s'adapter rapidement si besoin. Sarah valide ce projet avec grand plaisir.

Maintenant que les Terminales ont chacun une meilleure idée de leur avenir proche, du moins pour l'an prochain, ils s'affairent à choisir les options de manière à pouvoir continuer leurs activités sportives. Pour se faire un dossier plus consistant, les gars aimerait poursuivre les projets caritatifs. Ils vont donc négocier avec le responsable de chantier afin d'obtenir l'autorisation de venir en tant que bénévoles majeurs. Le lycée paye une assurance pour protéger ses élèves. Les étudiants doivent soit négocier avec chacune de leurs facultés, soit prendre une assurance personnelle. Heureusement, le directeur a la gentillesse d'appeler les universités et écoles supérieures afin de leur proposer d'ouvrir les activités caritatives aux étudiants. Une grande majorité accepte et se charge des démarches administratives. Les gars et certaines filles de Terminales crient de joie lorsqu'ils apprennent la nouvelle.

L'année scolaire s'avance lentement. Durant les mois qui suivent, Richard nous tient au courant de ce qu'il découvre sur la présence des créatures. Pour l'instant, pas grand-chose, mis à part le fait qu'il se passe quelque chose de vraiment pas net. Les armées s'entraînent trop dur, on dirait qu'une guerre se prépare. Richard et quelques amis à lui ont l'acquisition d'un domaine il y a longtemps et le transforment peu à peu en forteresse. D'autres connaissances font de même à plusieurs endroits autour de la ville et dans le pays. Pour l'instant, ils font figure d'illuminés. La situation semble être parfaitement contrôlée.

Annotations

Vous aimez lire danslalune123 ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0