Le soldat dansant 2/2

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Nous allons vraiment frapper maintenant. Trois blessées, trois blessures. Nous continuons notre danse différente du reste du groupe, mais qui s'y intègre parfaitement. Mélia écrase le pied de la fille en face d'elle en même temps que moi. Elles vacillent et reculent de quelques pas, manquant de faire tomber leurs coéquipières. Tout cela apparaîtra à la caméra comme des bousculades liées à la proximité. On ne pourra rien prouver même si on est filmées. Elles tiennent bon, mais comprennent la menace quand nous murmurons " Pour Hélène" dans un souffle.

Objectif deux, leur pif. Il suffit d'agiter les pompons devant nous puis, d'une droite rapide et efficace, un bon coup dans les narines pour chacune. Les énormes boules de tissu dissimulent parfaitement notre crime. Personne n'a le temps de voir pourquoi le nez des donzelles se met soudain à saigner. Les deux pouffes ne savent même pas qui a fait cela tant que nous ne chuchotons pas " Pour Lilou". Ma sœur et moi avons intégré la beigne dans la chorégraphie. Les deux frappes ont été si vives et fortes que les deux filles sont étourdies. Elles sont déstabilisées et se trompent dans leurs pas. La nana qui s'est disputée avec les deux tricheuses a clairement vu nos gestes. Elle nous observe Mélia et moi sans dire un mot. Elle se place en protection des autres filles, mais elles, on ne les touchera pas. Ma sœur et moi ne nous occupons que des deux qui ont attaqué nos amies.

Tout en restant dans le rythme de notre équipe, nous improvisons quelques mouvements pour faire reculer nos adversaires. Nous avons encore Sarah à venger. Celle que l'on protège le plus farouchement. Cette fois, c'est moi seule qui frappe pendant que ma jumelle me dissimule avec ses pompons. Je vise leur ventre d'un coup-de-poing si rapide qu'il est invisible. Enfin presque. La troisième nana comprend parfaitement mon geste, mais n'intervient pas. Pourtant, je ne ressens pas de peur chez elle. Plus de la curiosité et de la satisfaction. C'est elle qui souffle calmement "Pour Sarah" à ses deux camarades. Les coups sont finis, mais j'ai envie de continuer à les terroriser.

Ma frangine est aussi énervée et rancunière que moi. Une courte échelle fait voler Mélia dans les airs qui atterrit juste derrière l'une des donzelles. Je profite qu'elles suivent ma sœur du regard pour me placer derrière la seconde. Nos pompons en direction de leur visage, mais sans les toucher et surtout notre cri de folle imitant une tigresse qui rugit à leurs oreilles les fait sursauter et rater leurs mouvements. Elles finissent au sol et nous nous moquons d'elles sans aucune pitié.

La troisième fille se positionne clairement en protection du reste du groupe. Je lui envoie un bisou de défi pour la faire ronchonner et nous reprenons notre place. Elle m’a l'air aussi râleuse et protectrice que moi. Les deux tricheuses se tenant à carreaux, je m'amuse avec l'accord de ma sœur à tester les réflexes de la troisième fille. Histoire de voir à qui on a affaire. Je ne lui fais aucun mal. Elle a rattrapé Sarah et grondé les deux autres. Sa position protectrice et surtout ses réflexes me disent qu'elle est mieux entraînée que le reste de son équipe. Elle évite correctement quelques fausses frappes et reste stoïque quand je suis clairement trop loin.

Très vite, mes agacements ont une réponse souriante quand elle comprend que je ne lui ferais rien et que je joue juste. Une sorte de dialogue muet à coup de pompons à deux centimètres du visage nous laisse voir qu'elle sait aussi se battre. Moins bien que ma sœur et moi, mais avec un bon niveau quand même. Son corps est musclé et souple, très réactif. Ses cheveux châtains, nattés, me semblent longs. Elle maîtrise quelques parades et kata de base. Nous nous amusons à simuler à tour de rôle un combat de félines.

La lueur malicieuse dans ses yeux noisette me prouve qu'elle apprécie autant que moi ce petit aparté. Nous nous arrêtons pour effectuer les quelques portés ou mouvements d'équipes quand c'est nécessaire. Puis, nous reprenons nos taquineries mutuelles. Elle cogne dur et pourrait me faire très mal si nous ne simulions pas. Elle sait que je frapperais plus fort et encaisserais sans broncher. Les deux saletés se cachent au fond de leur groupe et ne bougent plus. Notre petite chamaillerie ne perturbe pas le reste de la choré magnifique de mon groupe.

Avec l'aide de ma frangine, Naya tente un mouvement de lancer et de réception hyper complexe et technique. C'est un succès. Je vois les yeux remplis d'admiration de toute la salle. Les filles sont acclamées. En fin de spectacle, et avant que je ne rende son maillot à Blaise, la troisième nana, qui s'appelle Laetitia vient présenter ses excuses au nom du reste du groupe. Les deux tricheuses sont la capitaine et sa seconde. Leur comportement non-fair-play n'est pas validé par les autres filles. Mais comme elles sont les deux enfants du directeur de l'école, elles ne peuvent rien faire. La dénommée Laetitia me semble sincère et je ne réponds pas à sa pique de félicitations pour les deux teignes qui sont entrées en seconde partie. Cette fille me plaît beaucoup. Son caractère semble proche du mien. Le rire de Naya signifie si bien que les deux bêcheuses n'ont eu que ce qu'elles méritaient que je n’aie pas besoin de rajouter quoi que ce soit.

Mélia fait semblant de me retenir quand la reine des abeilles ose me traiter de remplaçante grassouillette qui ne rentre pas dans la tenue classique pour justifier mon port de maillot masculin. De fausse colère, je vais rendre ses vêtements à Blaise et en profite pour me faire câliner et le tripoter un peu, afin de faire rager ses admiratrices. Maintenant que les chorégraphies sont finies, les yeux de beaucoup de filles s'attardent sur ses abdominaux sans aucune pudeur. Je fais mine de m'extasier et de défaillir. Sarah me laisse faire. Elle commence à avoir l'habitude de mes pratiques douteuses juste pour le plaisir de casser les pieds à quelqu'un, de préférence une fille. Je loue la beauté des abdos et des biceps de mon ami et cherche à le faire rougir. Lui aussi me connaît bien et en rajoute une couche en entrant dans mon jeu. Il me propose ses services pour m'aider à me rhabiller et se fait tirer les oreilles par sa sœur.

Le match ne va pas tarder à reprendre. Tout en reprenant mon treillis si confortable, je gronde les garçons et les incite à ma manière à se montrer plus agressif. Je les traite de chatons inoffensifs qui se pensent des tigres. Je pousse Maltez en sortant du rideau de blazer et l'agace un peu pour rappeler les techniques d'esquives et surtout d'offensives pour faire mordre la poussière aux autres. Bizarrement, il ne s'énerve pas et rigole en me disant d'aller ronronner sur les gradins pendant que les grandes personnes jouent. Il est étrangement de très bonne humeur et presque amical avec moi. Les basketteurs sont beaucoup trop gentils pour être honnêtes. Mon discours les a peut-être reboosté un peu.

Je remonte m'asseoir avant de découvrir la raison de leur si bonne humeur. Ils sont en hyperglycémie en raison de l'abus de sucre des trois pots de pop-corn oubliés qui ont été vidé pendant ma danse. Je trouverais les coupables et ils payeront pour leurs crimes. Comment osent-ils priver une fillette sans défense de nourriture ? C'est une honte. Les billets glissés au fond du dernier paquet, pour me rembourser de la perte financière ne sauront pas calmer ma colère. Je vais racheter trois pots géants en pestant. À la pause entre les deux quarts temps, j'esquive un signe mi-agressif mi-informatif à l'égard de Maltez, que j'ai auto désignée comme coupable principal. Mon majeur simule un tranché de gorge et finit en doigt d'honneur. Ce crétin ose me faire un bisou dans le vent pour m'exaspérer. Naya a suivi le geste, mais ricane en voyant qu'il m'est adressé. Sarah, Blaise et moi sommes les seuls à pouvoir recevoir des bisous de cette andouille sans subir de représailles de jalousie de la part de la reine des abeilles. Les deux premiers puisqu'ils sont comme frère et sœur du grand dadet, moi, puisque nous nous détestons mutuellement.

Les gars ont de nouvelles forces grâce à leur vol honteux et mettent en grande difficulté l'autre équipe durant les deux derniers quarts temps. Ils gagnent haut la main de 54 points contre 32. Ils attrapent les cheerleaders amies et les placent sur leurs épaules pour fêter leur victoire en commun. Du fait des remplacements, nous sommes trois filles de plus, quatre avec Fleur. Alors que je tente de porter ma sœur, on m'en empêche. Maltez a très diplomatiquement mis son bras sur les épaules de Clarissa. Alex porte Hélène sur son dos et pose un bras sur les épaules de Lilou. Thibaut serre fort Mélia et Fleur. Quant à moi, je me fais kidnapper par Blaise. Je m'agrippe au torse de mon pote comme un bébé koala, mes jambes autour de sa taille et faisant tout mon possible pour l'embêter. Sarah fait pareil. Heureusement qu'elle est légère et a un bon équilibre. Aussitôt, ma frangine, Fleur et Lilou nous imitent, puis toutes les pom-pom-girls sauf Clarissa qui préfère rester sage. C'est en beuglant comme des ânes que nous pénétrons tous dans les vestiaires avant que les adultes ne forcent les filles à sortir.

Nous prenons tous une bonne douche et surtout un bon repas. Notre mission de la soirée, conduire nos invités au concert. Tout est parfaitement planifié. Chaque invité est surveillé par l'un des nôtres. Notre plus grand nombre facilite grandement les choses. Mélia et moi assurons les arrières de tous. Par mesure de sécurité, nos amis ont des klaxons dans leurs sacs. Ma frangine et moi avons nos pistolets et nos couteaux soigneusement dissimulés sous nos fringues avec l’accord de la sécurité de l’événement. Le concert est génial et les gamins s'amusent comme des fous. Toute la ville, y compris les jeunes enfants y assistent avec grand plaisir. Les soldats en civils patrouillent dans toute la ville. Ma sœur ou moi envoyons un message à Mitchell à chaque groupe d'adolescents qui rentre. L'une de nous les suit discrètement jusqu'à l'arrivée du bus. Les militaires font à merveille leur boulot. Le service de transport assure à chacun un retour sans aucune mauvaise rencontre. Les habitants coopèrent un minimum et aucun ne rentre à pied.

Mélia et moi sommes dans le tout dernier groupe d'adolescents. Les insomniaques. Il y a trois basketteurs adverses, Maltez, Thibaut et nous deux. Les visiteurs tentent de nous draguer. Cette chipie de Mélia saute dans les bras de Thibaut et laisser entendre qu'ils sont en couple. Tout cela pour me laisser subir les compliments foireux. Comme ils savent que Maltez est avec Naya et surtout comme je ne pourrais jamais supporter même pour me débarrasser des trois boulets le moindre contact physique avec l'autre crétin, je ne peux pas me pendre au cou du grand dadet. Cette andouille les encourage en plus et vante mes jolies gambettes agiles de pom-pom-girls. Histoire de me défouler, je l'accuse du vol de mes pop-corn et me plains bruyamment. Cela a au moins l'avantage de me confirmer que les billets proviennent de lui et de me faire payer à bouffer par les trois andouilles au trop-plein d'hormones.

Durant tout le trajet à pied, je subis une drague lourde et insistante. Ils sont pitoyables. Aucun des trois ne trouve le moindre intérêt à mes yeux. Je ne peux pas répondre ou faire démonstration de mon habituelle mauvaise humeur car je suis en mission et dois garder à l'œil les trois visiteurs. Je souffre en silence.

Je suis enfin sauvée par les hommes qui assurent le service de sécurité et obligent les gars à entrer au dortoir. Nous grimpons dans le dernier bus. Mélia se blottit contre Thibaut qui joue le jeu avec plaisir. Maltez a enfin pitié de moi, ou alors il a peur que je n'étrangle un des trois invités. Il me permet de m'asseoir à côté de lui et joue le pseudo-grand frère protecteur. Nous rentrons. Les garçons nous raccompagnent galamment et nous verrouillons les portes du dortoir des filles derrière nous à triple tour. Je sais que les militaires surveillent et sécurisent les quelques mètres de chemin entre les deux dortoirs. Pourtant, je monte en quatrième vitesse pour m'assurer de les voir entrer et bloquer l'entrée. Maltez me fait un coucou de la main, devinant ma présence derrière le feuillage de mes plants de tomates.

La troisième journée offre un repas géant d'au revoir à la cantine qui nous remplit la panse. Les invités repartent sans se douter de quoi que ce soit. Les militaires remercient les adolescents de les avoir aidés à organiser le séjour de manière sereine. Quelques jours de calme et de joie suivent. Clarissa revient dans le groupe, timidement, pour la remercier d'être venue aider lors de l'incident. Elle est pom-pom-girl remplaçante et retrouve un peu de son prestige. Le calme ne dure pas. Les chaleurs et les beaux jours donnent des envies de sorties aux adolescents et à la population. Très vite, de nouvelles tensions apparaissent. L'ambiance au sein du lycée, et surtout des Terminales qui ont bientôt leur examen, devient électrique.

Moi-même, je commence à avoir les nerfs en pelote. J'en ai marre de tourner en rond et malgré l'aide de Mitchell, je ne fais pas assez de sport pour me détendre. Je traîne avec les Kawai, les seules qui m'apaisent un peu avec ma sœur. J'ai beau enchaîner les pompes et les abdos, je ne parviens pas à rester zen. Heureusement, le couvre-feu est levé au début du mois de juin.

Depuis que je récupère le droit de vagabonder quasiment partout et à n'importe quelle heure, je me détends en pouvant enfin respirer le bon air et surtout travailler avec Grognon. Mon étalon sait comment me calmer. Lui aussi a souffert du manque d'activité. Nous passons des heures à transpirer sans casser les pieds aux autres. Aucune nouvelle attaque ne filtre jusqu'à la fin de l'année scolaire. Pendant l'été, comme pour toutes les vacances, ma jumelle et moi sommes consignées au lycée officiellement.

Un soldat ayant pitié de nous demande à sa hiérarchie que je sois placée sous surveillance rapprochée. Il utilise mes nombreuses infractions comme preuve du besoin de me surveiller de près. Mitchell en rajoute une couche en prétendant que je suis la seule civile impliquée dans toutes les attaques envers la population. Nous pouvons ainsi sortir du lycée pour deux mois et rejoindre un camp militaire proche qui est en fait la nouvelle demeure de certains survivalistes amis de Richard. Cela nous a fait un bien fou.

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