Aurore frissonnait d'excitation. Elle sentait que sa décision de sortir de Beaugard marquerait un changement définitif dans sa vie: elle goûtait désormais à une liberté totale, bien qu'interdite.

Elle avait décidé de partir visiter la campagne environnante. Peu lui importait l'endroit, elle suivrait son instinct en se posant le moins de questions possible.

Une fois qu'elle eut franchi les limites du village, Aurore observa l'horizon: des champs de vignes dont les feuilles naissantes brillaient au loin comme de petites émeraudes s'étendaient à perte de vue, surplombés par une colline sur laquelle avait poussé une forêt. Parmi ces champs, une route en terre battue menait vers d'autres villages indiqués par des panneaux. Aurore se dit qu'il valait mieux emprunter cette route pour mieux se repérer, elle n'aurait probablement pas le temps de visiter d'autres villages mais, pour l'instant, elle se contenterait d'observer la nature alentour. Chose qui la satisfaisait pleinement.

Aurore prit une grande inspiration puis s'engagea sur le sentier. Une partie d'elle-même craignait le sort qui lui serait réservé si sa mère découvrait qu'elle avait désobéi. Elle redoutait également les dangers qui pouvaient la menacer par ici. Peut-être que sa mère avait bel et bien essayé de la protéger contre quelque chose après tout... Quant à laisser Jeanne toute seule au beau milieu du village, elle devait bien s'avouer que l'idée ne lui plaisait guère. Mais sa soif de changement était bien plus forte que la crainte, et Aurore eut tôt fait de chasser ces pensées de son esprit.

Au fur et à mesurer qu'elle avançait, la jeune fille se sentait de plus en plus dynamique et joyeuse. Cette route déserte qui s'étendait pour elle seule vers une destination inconnue lui donnait envie d'accélérer le pas. Elle n'avait jamais autant marché de toute sa vie, et pourtant, elle ne ressentait aucune fatigue.

Au bout d'une demi-heure de marche, Aurore aperçut une construction en pierre qui dépassait à peine des arbres de la forêt en haut de la colline. Il lui était difficile de savoir quel était ce bâtiment, sa mère ne lui en avait jamais parlé. Sans trop s'en rendre compte, Aurore s'avança davantage. Parmi l'ombre de ce bois touffu, les lignes formées par ces pierres sombres se faisaient de plus en plus nettes et la jeune fille finit par y reconnaitre quelque chose qui ressemblait à un château.

Aurore débordait de curiosité. Quel genre de personne pouvait vivre dans un vieux château au milieu d'une forêt sombre? Si quelqu'un y vivait encore... Au bord de la route, à l'orée du bois, un petit sentier de gravas permettait d'y accéder. Les vestiges de ce qui avait autrefois été un portail s'y tenaient encore.

D'après ce qu'on pouvait en discerner, l'endroit semblait peu accueillant: les ombres des arbres avalaient complètement le chemin, et ce malgré la lueur du soleil. Cette forêt était si dense qu'il semblait presque impossible d'y retrouver son chemin.

Aurore ne craignait pas les bois. Cependant, il lui semblait très imprudent de s'engager dans un endroit d'où elle n'était pas sûre de pouvoir revenir. "Mais après tout," se dit-elle, "un simple coup d'œil n'a jamais fait de mal à personne..."

A peine eut-elle posé le pied sur le sentier qu'une voix de femme l'appela à quelques mètres derrière elle.

- Vous cherchez quelque chose, ma fille?

Aurore se retourna. Une vielle paysanne la regardait fixement, attendant une réponse de sa part.

- Non madame, je... je souhaitais simplement rentrer dans la forêt.

- Un étrange endroit pour une promenade, répondit la vielle dame en se rapprochant. Un peu trop macabre et dangereux pour une jeune demoiselle.

- Les bois ne me font pas peur, déclara Aurore, sûre d'elle.

- Je n'en doute pas, ma fille. Vous n'avez pas l'allure d'une enfant fragile. Cependant, je suppose que vous avez une famille, et vous ne souhaitez sans doute pas leur faire de la peine en mettant votre vie en danger, n'est-ce pas?

Aurore demeura interdite, troublée par les paroles de la vielle femme. Elle rougit de son propre égoïsme.

- Je connais particulièrement bien l'histoire de ce château, reprit la vielle dame, Si cela vous intéresse de passer un instant en ma compagnie autour d'une tasse de thé, je pourrai vous apprendre ce que vous désirez savoir.