XVII

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Après cet incident, Aurore ne tenta plus jamais de s'approcher du monstre. Plusieurs jours passèrent, la jeune fille restant au château, s'occupant du mieux qu'elle le pouvait avec le peu de loisirs laissés à sa disposition. Elle passait son temps à essayer les superbes robes de Nabée, à tresser ses longs cheveux noirs et à observer son reflet dans le grand miroir de la chambre de Vénior.

Ce reflet paraissait fade. Certes, la jeune fille avait enfin la sensation de se trouver belle. Vénior n'avait de cesse de le lui répéter lors de leurs longues nuits d'étreinte. Malgré tout, cette personne dans le miroir lui semblait être une étrangère, le lointain écho d'une personne qu'elle tentait vainement d'oublier.

Depuis combien de temps était-elle restée ici en attendant que son bien aimé retrouve sa chère petite sœur? Les premiers temps, lorsque Vénior revenait de ses journées de recherches, Aurore l'accueillait à bras ouverts, les yeux brillants d'espoir. Elle espérait voir la jeune fille blonde comme les blés apparaitre derrière le seigneur vêtu de ténèbres. Cela serait une si belle vision! Mais ce jour tant attendu se était constamment repoussé, et Aurore s'était habituée à la déception.

S'habituer ne signifiait pas parvenir à vivre avec. Jour après jour, Aurore se languissait de ne pas voir Jeanne. La gentillesse et la joie de vivre de sa petite sœur lui manquaient cruellement. Elle aurait su égayer ce château habité par les fantômes d'une lignée déchue, ou tout semblait être à l'agonie.

Comme elle ne voulait plus sortir de peur de croiser la bête, Aurore passait son temps enfermée dans le château, croisant Roderich de temps à autre. Lorsque Vénior revenait, la jeune fille se réjouissait de pouvoir enfin profiter d'une compagnie humaine. Cependant, les discussions finissaient par se tarir.

Aurore avait le sentiment que Vénior ne faisait rien pour alléger sa peine, bien au contraire: à chaque fois qu'elle mentionnait Jeanne et partageait son chagrin lié à sa disparition, il lui répondait qu'il partait à sa recherche tous les jours, tout en sous entendant qu'il était celui qui fournissait le plus d'efforts.

Aurore se mettait alors à pleurer en silence, les larmes guérissant péniblement le sentiment d'injustice dissimulé au fond de son cœur. Pour se faire pardonner, Vénior se mettait à genoux devant elle, l'implorant de ne pas le haïr, qu'elle était la seule personne qui lui importait et qu'il donnerait sa vie pour la voir heureuse.

La jeune fille se laissait amadouer, mais cette scène se répétait tant et tant de fois qu'elle se sentait sombrer dans une abysse. Elle restait captive dans ce monde clos, retenue par les chaines d'un amour démesuré, dont elle n'avait pas le cœur à se libérer. Elle se répétait inlassablement: "Vénior m'aime. Il retrouvera Jeanne pour moi et nous partirons tous ensemble de ce maudit château pour parcourir le monde."

Ces pensées ressassées comme une prière étaient cependant contredites par une horrible certitude, que la jeune fille gardait enfouie dans les plus sombres recoins de son âme et qui, pourtant, l'envahissait jour après jour.

La certitude qu'elle ne verrait plus jamais Jeanne, et que Vénior s'en moquait bien, tant qu'elle resterait près de lui.

Plutôt que de prendre le risque d'en parler au principal intéressé, Aurore ressentit le besoin d'avoir un avis extérieur sur ce questionnement. Si Edmyre était encore dans sa chaumière, peut être qu'elle pourrait la conseiller.

Ainsi, la jeune fille prit la décision de s'enfuir du château.

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