Taegger
Comme je sais que personne ne lit cette Fan-fiction, je peux me permettre de mettre 14 minutes de lecture XD
Pourquoi je l'écris ?
Parce que les auteurs de Ashes falling of Sky et Just wanna be your brother ne m'ont pas offert une fin dont j'avais besoin pour ne pas couler. Alors, 'jai décider d'écrire une histoire où Ash et Zack pourraient vivre leur amour, même si c'est dans une autre vie et avec des noms différents.
La réincarnation et les vies antérieures peuvent sauver la vie d'un lecteur... XD
Merci à moi, d'avoir eu cette idée.
Y'a qu'en même des nouveau personnage.
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11- Souffrance
J’ai appelé mon travail pour leur dire que je ne viendrais pas. Premier jour et déjà absent, quel con. L’excuse bateau que je leur ai sortie leur a suffi. Le patron du restaurant-café ne m’en tiendra pas rigueur, il semblerait qu’il n’est pas pu se rendre au travail non plus. Une gastro. « Tu rattraperas tes heures dimanche prochain », m’a proposé ma collègue et cheffe. J’ai dit oui pour deux dimanches par mois. Quand Joy n’est pas là, je me sens mal. Je ne dois pas rester seul sous peine de me bourrer la gueule.
Je fais tourner la bouteille de bière entre mes doigts, avise celles évanouies dans le salon. Je me serais bien brûlé un joint, mais je n’ai plus rien en stock et le magasin où je l’achète n’est pas ouvert le week-end. Merci à la loi de 2043 d’avoir mi à la distribution les drogues les plus consommables — et les moins « nocives ». Plus besoin d’aller voir les dealers dans les petites ruelles sombres… enfin, façon de parler. Si je veux un truc fort qui me déconnecte de la réalité, je me dirige comme tous les fêlés de mon genre ; dans la petite ruelle aux camés. Je fais plus vraiment ça depuis que Joy est revenue à la maison. Mais ça m’arrive d’y faire un tour pour repartir direct.
Je suis un père pathétique. Je n’aurais jamais dû l’être. Salope de fécondité. J’aurais dû être un de ces millions de personnes stériles. L’épidémie se poursuit. Les chiffres augmentent et la natalité chute drastiquement. Certains vendent leur bourse ou leur bide des caissons d’or. La vie fout le camp.
On frappe deux coups à la porte. Je n’ai pas envie de me redresser, pas envie de voir qui que ce soit. Je me sens à bout de tout, le cœur en éponge.
Les coups se renouvellent.
Encore et encore.
Qui c’est ? J’vais le défoncer !
Le son me martèle le crâne. J’veux que ça s’arrête.
Je termine le liquide brun, fais rouler la bouteille vers ses copines et me lève en m’aidant du mur. La tête me tourne. Ça ne m’étonne guère vu ce que je me suis enfilé. Je dis pas un mot, pourtant j’ai envie de hurler qu’on me fiche la paix.
Je prie pour que ce ne soit pas Marty qui ramène Joy en avance. Elle m’aurait prévenue. Va falloir que je l’appelle. Je ne peux pas reprendre Joy dans cet état.
J’ouvre la porte à la volée. Un poing s’écrase dans le vide, suivi d’un corps. Un gars s’écroule dans l’appartement. Il a pris de l’élan avant de cogner la porte ? C’est quoi ce con ?
Il se redresse maladroitement à quatre pattes. Je reconnais cette chevelure cuivrée. Fred ? Qu’est-ce qu’il fiche là ? J’lui ai jamais donné mon adresse… Putain, le con. Je n’ai aucune envie qu’il me voie dans cet état. Pourquoi je ne me suis pas méfié ? Il avait l’air déterminé à se qu’on se voit, à ce que j’arrête la voiture pour lui parler… Hier. Pourquoi il avait cet air désolé sur la face ? Pourquoi tous ses messages me disant de ne pas venir ? Est-ce qu’il savait un truc ?
Assis sur les talons, la tête tournée vers moi, il me regarde surprit. La paume de sa main saigne. Comment il s’est démerdé ? Je retrouve le gamin qui me suivait partout. C’est à se demander si on a le même âge. Il a grandi. En fait, il n’a plus grand-chose à voir avec le garçon maigrelet de notre enfance. Il a la gueule d’un homme, la carrure d’un nageur et la mâchoire d’un pitbull. Fini le gamin voûté qui regardait constamment ses pieds.
— Qu’est-ce que tu fais ici ? dis-je la voix orageuse et empâtée.
Il agrippe le cadre de la porte pour se redresser. Malin, il glisse tout son corps dans l’appartement. Il a deviné mon intention de le foutre dehors. Il est moins lent qu’à l’époque.
— J’ai besoin de t’entendre.
— Bah, voilà, tu m’as entendu. Maintenant, sors.
Je l’attrape par l’épaule, le pousse en arrière. Je ne sais pas comment, mais il me coule des doigts. Il court jusqu’au salon en se prenant les pieds dans les bouteilles.
— Merde, Taeg. C’est quoi tout ça ? T’avais pas dit que t’avais arrêté l’alcool.
Il l’a vraiment cru ? Toujours aussi naïf.
— Sors, Fred. Je ne suis pas d’humeur. Ni à parler ni à écouter.
Il me fixe. Ses sourcils se froncent. Il secoue la tête, s’assoit dans le canapé.
— J’ai pas envie de partir. Pas cette fois. Pas quand j’ai passé ma vie à être aveugle. J’ai pas vu que ta mère te frappait alors que j’étais tout le temps avec toi, alors j’ai pas envie de faire comme si ce que je savais n’est pas un problème. J’voulais pas te laisser. J’pensais que je te saoulais, alors j’ai écouté ma mère et toutes ses conneries pas fondées. J’ai vraiment cru que j’étais trop nul pour me tenir à tes côtés. Mais c’est fini. J’suis plus un gamin bouffé par la malveillance de sa mère.
— Qu’est-ce que tu racontes ?
Pourquoi il dit tout ça ? Il a eu raison d’arrêter de me voir, j’aurais fini par l’emporter avec moi.
— Je veux être avec toi. J’veux qu’on soit comme avant. J’veux t’entendre dire : « ça, c’est mon frangin, il est canon, hein ? ». Comme avant. Comme au lycée. Mais cette fois, je veux que tu m’ouvre ton cœur.
Il passe une main sur son front, rabat ses cheveux en arrière.
— J’ai cru que tu te foutais de moi quand tu parlais de ce pote dont tu ne disais jamais le nom. Parle-moi de lui, de vous, de ce dont tu te souviens. Tu me dois bien ça.
Tout mon corps se fige. Qu’est-ce qu’il dit ? Qu’est-ce qu’il sait ?
Il doit voir à mon attitude que ça ne va pas.
— Nigel a toujours des crises d’angoisses violentes. Ça se déclenche n’importe quand, surtout le soir. On n’a jamais trop compris d’où ça lui venait. Il en parle pas. Hier, j’ai compris… on a compris ce qu’il n’allait pas. On a trouvé une photo au Déli-Sky.
Il sort son portable, le triture. Le mien sonne. J’ai reçu un message. J’avance jusqu’au plan de travail de la cuisine. Fred.
— Pourquoi tu m’envoies un message, trou duc ?
— Ouvre-le.
— J’ai pas envie.
— Fais-le pour moi. Pour toutes ces fois où t’as rien dit sur ta souffrance… et que j’ai cru que j’avais fait un truc de mal.
La détermination dans son regard me rappelle toutes les fois où je lui ai crié dessus et où je me suis barré en le laissant en plan.
Je m’exécute, ouvre le message. Une photo. Je lâche mon portable comme s’il m’avait brûlé.
Je sens les larmes me monter aux yeux. Je ferme les vannes avant de craquer. Si je me laisse aller, je vais m’écrouler.
La bouche de Fred s’entrouvre. Je me détourne de lui. La photo m’a dégrisé. Je ne ressens plus le flottement dû à l’alcool.
— J’n’ai pas à te demander qui ils sont. Je le sais déjà. Toi aussi. Je veux savoir pourquoi t’as cru que ce n’était pas important de m’en parler ? Tu penses que j’t’aurais pris pour un fou ?
— À ton avis, génie ?
— Taegger ? J’t’ai toujours adoré. Vraiment aimé. Je t’aimerais toujours. Pour de vrai. Jamais ce que tu disais, dis ou dira changera ça. J’aurais pu comprendre. Je veux comprendre. Savoir si tu pleures toujours quand tu penses à ce pote. Savoir ce que ça t’a fait de voir Nigel ?
Les larmes viennent. Elles coulent, s’étalent sur mes joues. Je dis rien. Il finira par se taire. Pas vrai ?
— Réponds-moi. S’il te plait.
Le canapé grince. Les pas de Fred cassent le silence. Il est derrière moi. S’il me touche, je…
— Juste pour une fois. Pour ne pas avoir l’impression que j’ai tout raté en voulant être ton frère.
Quand il dit ça, j’entends la voix de Zack : Just wanna be your brother.
Inévitablement, je pense : Just wanna be your lovers.
— Parle-moi, je t’en supplie.
Combien je l’ai rendu triste avec mes histoires ? Comment j’ai pu ne pas croire que Fred me soutiendrait à vie ? Si j’avais besoin de lui, je savais qu’il avait besoin de moi… On est la bouée de l’autre. Je voyais bien que ça n’allait pas fort pour lui non plus.
Ses mains glissent sur mes omoplates et se rejoignent au milieu de ma poitrine. Il fait couler ses bras à ma taille et me capture de la plus délicate des manières. Je ne bronche pas, trop occuper à taire l’avalanche de larmes qui suintent sur mon visage.
Son corps se colle à mon dos. Cette position me rappelle toutes les fois où on a dormi ensemble. Je lui tournais le dos, il s’y collait en agrippant ma taille. N’était-ce pas sa façon de me dire : « ne m’ignore pas. Je suis là. On parle ? ».
— T’as rien raté. C’est moi qui t’aie éloigné. C’était mieux.
— Pour qui ?
— Personne…
Ma voix se casse.
— Pleure pas. J’aime pas quand tu pleures. Ça me fait mal.
Est-ce qu’à l’époque il disait si facilement ce qu’il pensait ?
— J’imagine que tu es toujours triste quand tu penses à Zack.
Comment il connait son prénom ? Nigel ? Est-ce qu’il lui a parlé d’eux ?
— Pas seulement lui.
— Qui d’autre ?
— Ashley, aussi. J’ai… tous ses souvenirs… une grande partie.
— OK. Et tu te sens paumé quand tu penses à eux ?
— Oui.
— Hier, quand tu as vu Nidj, pourquoi tu pleurais comme ça ? Si fort. Parce qu’il lui ressemble ?
— Ce qu’il chantait… J’ai compris que Nijel s’adressait à moi. Pas à Ash, mais bien à moi. Sa voix…
J’ai du mal à organiser mes pensées.
— Ouais, je sais. Elle fait ça à tout le monde sa voix. Elle te noie dans les profondeurs de son âme. Ce n’est pas seulement quand il chante. C’est tout le temps.
Il me dessert, tente de me faire tourner. Je me durcis. Il ne me force pas, repose sa tête contre mon épaule.
—J’ai écouté tous les titres que tu m’avais envoyés. Je les ai fait tourner en boucle. Au bout d’un moment. J’ai reconnu Zack derrière Nigel. Tous ces mots. Ils criaient vers moi. Je voulais en avoir le cœur net.
Je m’interromps pour reprendre mon souffle, mordis mes lèvres.
— Je crois que j’ai déjà vu Nigel. Ses yeux. J’crois pas qu’on peut les oublier.
— C’pas moi qui te dirait le contraire. Mais où tu penses l’avoir déjà vu ?
— Y’a longtemps. Vraiment longtemps. Si c’est bien lui, il avait que dix-sept ans.
— Ok. Ça fait un bail. Mais où et comment ?
Fred n’est pas particulièrement curieux. Il ne veut pas que j’arrête de parler.
— C’est pas important. Faut juste retenir que j’ai bandé pour ce gamin. J’ai eu du désir et un truc en plus. Comme une appartenance.
— D’accord. Tu veux en venir où ?
— Hier… Quand il chantait et rechantait le refrain. J’me suis dit que ça ne pouvait être que lui et ça m’a fait grave flipper.
— Parce que c’est un mec ?
— Non… parce qu’on ne se connait pas. J’en ai rien à faire qu’il soit un mec. Y’a plus important qu’une bite dans l’histoire.
Je le sens hocher la tête. Il ne dit rien. Ça m’inquiète.
— Tu penses pas que se soit important de se connaitre avant de se sentir aspirer corps et âme ? demandé-je.
— Je sais pas. J’ai jamais fait l’expérience.
Il se détache de moi, m’attrape la main.
— Tu veux pas qu’on se cale dans le canapé. J’ai mal de rester debout derrière toi.
Je lâche un rire. C’est sorti de nulle part comme pour me rappeler que Fred c’est aussi de la rigolade.
Je le suis, m’assis à côté de lui. J’évite son regard. J’évite tout ce qui pourrait me faire chialer.
— T’as déjà ressenti ça ? le questionné-je.
— L’appartenance ?
— Hum…
Il réfléchit, crispe ses doigts sur son genou.
— Ouais. Mais moi ça fait cinq ans que je connais la personne. J’ai mis deux ans pour capter que j’étais… attiré.
— Tu vois. C’pas normal.
— Je crois pas qu’il y ait un truc de normal dans ton histoire. J’pense que c’est comme ça et pas autrement. T’as déjà ressenti des trucs pour… enfin ton âme aimait déjà Nigel… Euh, Zack.
Il s’embrouille. Je ne suis pas sûr qu’il comprenne ce qu’il raconte.
— Fred. Je suis pas ce Ash. Et ses émotions ne sont pas les miennes. Je n’ai pas à aimer un mec que je connais pas, juste parce qu’il aurait dû être mon « âme sœur », dans une vie antérieure.
— OK. Mais si je te comprends encore suffisamment bien, tout ça, c’est en toi. C’est tes souvenirs et peu importe de quelle époque ils viennent.
Je ne suis vraiment pas certain de ce qu’il avance. Mais au fond, est-ce qu’il a foncièrement tort ?
— Bon, écoute ! J’suis pas doué avec les histoires de réincarnations et tout ça. Mais là, je peux pas juste dire, « c’est un putain de hasard ». Y’a trop de truc qui font que…
— Que quoi ?
— Que Nigel soit l’être créé rien que pour toi, mec. Tu te souviens de la meuf que je fréquentai en seconde.
— Marina ? Ouais. La barge.
— Bah, peut-être qu’elle ne l’était pas tant que ça. Si ça avait si peu d’importance pourquoi tu te mettrais dans cet état… depuis tout ce temps ? Et si vous deux c’était prédit depuis toujours.
Il s’arrête. Le silence prend une trop grande place.
— Regarde-moi, Taegger.
— Pas envie.
— Fais-le, juste cette fois.
Depuis quand il est si mature ? Il a changé ce con. Vraiment changé. Et j’ai rien remarqué.
Je plante mes yeux dans les siens. Il me parait soudain plus vieux. Sa main s’enfouit dans mes cheveux, masse délicatement ma nuque.
— Le jour de tes dix-sept ans, on avait dormi dans mon jardin. T’avais beaucoup bu. Vraiment beaucoup. T’as fondu en larme et tu m’as dit : « je donnerai tout pour le retrouver. J’te jure je l’aimerais de toute mon âme. Je ferais pas les mêmes conneries. Et putain, j’lui parlerais. ». Je savais que tu parlais de ce pote. À ce moment-là, j’ai su que ce n’était pas vraiment un pote, mais quelqu’un que tu aimais.
— C’est pas moi qui parlais.
— Qui d’autre ? Un fantôme ?
— J’sais pas. J’sais plus. J’arrive pas.
Je plaque les mains sur mon visage, me recroqueville.
— Pleure pas. C’est carrément beau d’aimer si fort.
— Beau de quoi ? Je…
— Parle-moi de Zack et je te dirais s’il est si différent de Nigel.
— C’est bien là le problème. La ressemblance. Elle n’est pas juste physique, Fred. Ash jouait au Base-ball. Zack chantait.
— Et alors ? J’ai fais du base-ball aussi et j’avais un groupe, aussi.
— Ouais… Mais c’est différent. J’veux dire, ce Ash. Il a eu des gosses. La femme qu’il aimait est morte. Elle lui a laissé une gamine. Comme moi. Toute ma vie est une contrefaçon de la sienne. Tu comprends ?
— Tu n’aimais pas Laureen.
— Une contrefaçon, je te dis.
— D’accord. T’as l’impression de pas vivre en tant que Taegger.
— Ouais.
— Bah, désolé de te le dire ; mais c’est qu’une impression.
— Qu’est-ce t’en sais ?
— Il suffit de te regarder. Tu crois pas entièrement en ce que tu dis. Au fond de toi, tu sais que tu es Taegger et que ta vie est différente de celle de Ash. Et si t’as jamais tenu une relation, c’est peut-être parce que ton cœur a toujours été pris par…
— Un fantôme ?
— Un souvenir. Tu sais combien de gens paieraient pour reconnaitre leur âme sœur ?
— Tu paierais ?
Il affiche une moue contrariée.
— Je crois. Ouais. Ça m’éviterait de trop réfléchir et de faire de la merde. Allez, parle-moi de Zack.
Il ne veut pas parler de lui.
— Il n’y a pas grand-chose à dire. Il a sauvé Ash des brimades et de la solitude. Il était de longue avec lui. Tous les deux ne pouvaient pas se passer l’un de l’autre. Tout ce que Zack faisait Ash le voyait. Ses habitudes, mes mimiques. Les meilleurs moments, c’est quand il riait ou qu’il chantait, quand il vivait son émotion. Ce mec s’était des sourires, mais aussi… Il avait peur. J’sais pas de quoi. Peut-être de me perdre… Je le revois mourir dans mes bras presque tous les soirs.
Je perds le fil de ce que j’explique.
— Il me fait comprendre qu’on se reverra dans une autre vie. Mais tout ce que je ressens, c’est l’envie de mourir avec lui.
Fred parvient à suivre. Je ne sais pas comment il fait parce que je comprends plus ce que je raconte.
— Une promesse… Tu ne penses pas que c’est la réponse. Te revoir dans une autre vie.
— On s’est vu.
— Fais pas le crétin. Et laisse-toi une chance de goûter à cette chance.
— Quelle chance ?
— De pouvoir vivre ton histoire d’amour.
— T’as rien compris.
— Détrompe-toi. J’ai capté. T’as peur de vivre la vie d’un autre, alors que c’est bien la tienne que tu vis. Le mec qui pleure devant moi, il s’appelle Taegger. Et celui qui pleurait, hier, c’était mon cousin aussi. Ce sont tes sentiments. C’est ton cœur qui ressent. Et si t’as écouté tous nos titres, tu sais déjà que Nigel t’attend. Qu’il désespère de te trouver, toi : Taegger. J’ai jamais compris à qui il destinait sa musique ni pourquoi il avait besoin de signer chaque chanson, par un « il faut qu’on se trouve », mais là, ça me parait clair. On dirait que lui, il en a rien à foutre de vivre pour exaucer une promesse faite dans une autre vie. En revanche, je peux t’affirmer qu’il vit ses émotions, qu’il rit beaucoup et qu’il a un grand vide en lui… Un vide violent. Un manque qu’il essaie de soigner avec des cachets.
Il me montre la photo de Ash et Zack.
— Quand il est tombé dessus. Personne n’a réussi à faire arrêter ses pleurs. Le refrain qu’il a répété en boucle, c’est à cause de la photo. Je suis pas sûr qu’il se souvienne comme toi.
— Normal. Zack est mort à dix-huit ans. Nigel doit se souvenir de leur adolescence…
— Bah, j’sais pas si ça veut dire quelque chose, mais Nigel a vingt-cinq ans. Ici, dans cette autre vie, il n’est pas mort.
— Fred. Je n’ai pas envie qu’il voie quelqu’un d’autre que Taegger.
— Il verra que Taegger, si tu lui laisses sa chance.
— T’es trop toi. Tu nous vois déjà ensemble. Qui te dit qu’on s’entendra ?
Il hausse les épaules.
— Tu veux le rencontrer ?
— Non. M’y force pas.
— J’suis pas fou. OK.
Il me prend dans ses bras, murmure un « merci ». On reste comme ça un bon moment.
Quelque part, ça m’a fait du bien d’en parler. Si seulement, je l’avais fait avant. On n’aurait pas perdu autant d’années. Je me sens moins seul, moins étouffé par mon cœur.
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