Ruby

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13- Le jeu


Le week-end est passé.

Je n’ai pas vu Fred, comme prévu. Parfois, il n’est qu’un fantôme dans mon esprit. J’imagine le perdre à jamais et n’avoir pour réconfort que son souvenir.

Quel connard il peut être. C’était couru d’avance. J’l’sais bien, mais ça fait désespérément mal. Je n’arrive tout bonnement pas à m’habiter à ses silences. Pourquoi j’ai dit oui, aussi ? Quel idiot je fais ! J’avais juste à le repousser, mais non, il a fallu que je me laisse tenter. J’ai accepté ses baiser, l’ai pris avec dévotion et voilà le résultat ; je souffrance. Ce que je peux être débile parfois.

Un week-end de merde… ça change.

Tania m’a saoulé pour qu’on se voit. Je sais au moins une chose : Lola n’a pas réussi à joindre Fred, non plus. Pratique de sortir avec la jumelle de la copine à son « pote ». Je me suis douté que mon beau rouquin avait fait la sourde oreille. Après un rencard avec ma « copine », j’ai filé dans une boîte où j’ai chopé le premier mec qui voulait bien de moi. On est allé chez lui. J’ai passé la journée les yeux fermés à le « baiser ». Oui, parce que je fais l’amour avec qu’une seule personne. J’ai passé mon temps à murmurer le prénom de Fred. Un jour, il aura raison de moi. De mon cœur en tout cas.

Lundi. Silence radio aussi.

J’ai abandonné des potes pour rester chez moi, la tête sous l’oreiller. L’odeur de Fred imprègne toujours les draps. Un jour, je lui montrerai combien il tient à moi. Il ne pourra plus se voiler la face. Je lui ferais mal. Peut-être bien que je devrais mettre à exécution mes pensées au lieu de les garder dans un coin de ma tête. Je connais ses habitudes — là, il doit se haïr dans son appartement. Peut-être même qu’il m’a imité en baisant avec une inconnue. En vrai, je pourrais très bien le rendre jaloux. Parce que ce n’est pas compliqué. Il suffit que n’importe qui se rapproche de moi pour qu’il devienne collant. Quel abruti ! être aveugle à ce point-là ! ça me rend fou. En trois ans, il a bien percuté qu’on avait plus qu’une relation « baise ». On n’est des putains d’amants. Des vrai de vrai. Ce n’est pas comme si entre nous il y avait que du cul. On passe du temps à parler, à rire, à se faire des films sur la vie… Il sait me sourire. Et quand il veut, il sait même me faire plaisir. Ça me fout en l’air qu’il accorde autant d’importance à la sexualité plutôt qu’à nos sentiments. Merde ! Avant d’être des mecs, gay ou hétéro, on est des personnes. On est des salopes d’émotions. Le monde perd de vue l’essentielle. Y’aura toujours ce putain de conflits sur la sexualité. Ça fait trop de siècles que cette guerre est menée. Les combats n’en finissent pas. Ils n’en finiront jamais. À moins que ce soit moi qui rétrograde. Je redevienne Amjad le pessimiste. Ruby, lui, il est différent. Il a confiance en lui et en ses principes. Il croit à un monde plus doux.

En tout cas, aujourd’hui, Fred ne pourra pas me ghoster. À moins qu’il nous laisse en plan avec le groupe. Il n’a encore jamais osé.

Professionnaliste ! C’est déjà ça gagné.

Aujourd’hui, Côl – 17H20

Fred nous rejoint directement au bar. Toujours partant pour manger un truc ?

Ça m’aurait étonné qu’il se ramène. Il va encore m’éviter un max. ça m’gonfle.

Aujourd’hui, Ruby – 17H22

Ouais, ça m’va. Comment vas notre Gegel ?

Aujourd’hui, Côl – 17H23

Nini reste qui il est. Il a foutu son masque et a passé son week-end à sourire. Mona est venue le voir avec sa nièce.

Je vois très bien de quoi il parle. Nigel n’est jamais parvenu à retirer ses masques depuis tout ce temps à trainer avec nous. Même après les larmes de vendredi soir, il est redevenu celui qu’on connait. Le gars hyper souriant qui t’invente des histoires sorties du néant. Ce gamin m’impression par son imagination et sa créativité. Ça fait mal, parfois, de le regarder. Rien n’efface la tristesse dans son regard. Il y a quelque chose de mort en lui qui ne demande qu’à être réanimer. J’aimerais qu’il nous parle de ce qu’il vit, de son mal être, qu’il remplace ses médocs par nous. Mais j’suis pas le meilleur pour parler. Dans notre groupe, on a tendance à garder les trucs graves pour nous. Touts ces blocages qui nous empêchent de nous épanouir… On discute, on s’adore. Là n’est pas le problème. Y’a de forte chance pour que la vie nous ait trop appris à nous taire. Résultat, on ne sait plus parler sans avoir l’impression de nous plaindre.

Aujourd’hui, Ruby – 17H24

T’as trouvé un chouette truc pour bouffer ?

On a décidé de mettre de la distance pendant quelque temps avec le Déli-Sky.

Aujourd’hui, Côl – 17H26

Oui, un restau-café un peu Girly que je fréquente depuis le changement de direction. La bouffe n’est pas trop mal et j’aime bien l’ambiance.

Ça va, toi ?


Côl a très bien compris pourquoi Fred ne viendrait pas manger avec nous. Nigel doit s’en douter aussi, mais il est déjà occupé avec ses problèmes. Côl est notre intermédiaire. Il nous maintient en contact avec les autres. Il a vécu lui aussi. J’dirais qu’il a déjà eu plusieurs vies.

Aujourd’hui, Ruby- 17H28

Ouais, ça va. C’est ma faute. Je cède à chaque fois. J’sais pas comment il peut penser que c’est moi qui aie toujours le dernier mot. Ça me dépasse.

J’aime parler avec Côl. Il écoute. Il comprend. Il s’inquiète. J’pense qu’il peut tout entendre. Il n’est pas du genre « choqué ». Faut juste faire gaffe à pas trop déborder en émotion. Son Hyper émotivité peut se déclencher en une fraction de seconde. En général, il la fait retomber vite, mais ça ne change pas l’impact sur son cœur et ses nerfs. Il a appris à se contenir, à contrôler cette part de lui. Ch’pas si c’est une bonne chose.

Aujourd’hui, Côl – 17H30

Alors, non, ce n’est pas de ta faute. Pas plus que ce soit celle de Fred. Et concernant « le dernier mot », vous êtes à égalité.

Aujourd’hui, Ruby – 17H32

Oue’p… Enfin, ça change pas grand-chose. On est toujours au même stand.

Aujourd’hui, Côl – 17H33

Vous n’êtes plus au stand des premiers échanges. Vous avez passé des caps quoi que tu puisses en penses. C’est juste que Fred a plus de mal à accepter qu’il t’aime. Pour les raisons qu’on connait tous.

Aujourd’hui, Ruby – 17H34

J’ai envie de faire le con pour changer un peu les rôles.

Aujourd’hui, Côl – 17H34

Tu risques de te faire mal et à lui aussi.

Aujourd’hui, Ruby – 17H35

Parce que lui, c’est pas ce qu’il fait déjà ? J’veux juste lui montrer une fois. Juste pour qu’il sente la douleur lui monter jusqu’à la tête. Peut-être qu’il percutera

Aujourd’hui, Côl – 17H35

Tu fais comme tu veux. Moi, j’pense que ça peut mal se passer.

J’lui réponds pas. Ça me fait chier de devoir toujours tenir le rôle du gars sérieux avec Fred. Franchement ! À quoi ça sert ? Il ne capte rien, même quand je lui parle avec sincérité. Il se dérobe et disparait. C’est toujours comme si j’avais mal agit. J’en ai marre de me sentir comme une merde, marre qu’il me regarde avec pitié, marre d’être le gars stable.

Trois ans !

Il veut jouer au con ? On va y jouer à deux.

Son air préoccupé ne me trompe pas. Mais je n’arrive pas à cerner si j’en suis la cause ou pas. Fred n’arrête pas de mater Nigel. On dirait qu’il a appris un truc de plus concret à son sujet. Je suis curieux, mais je n’irai pas à la pêche aux infos.

Je repose les yeux sur ma basse, fais les derniers arrangements. Tout ça, sans adresser la parole à Fred. Inhabituel ce silence, selon le patron du bar. Il nous a amener des bouteilles d’eau. Puis à poser une main sur mon épaule.

— Bah, tu lui fais la gueule ? Il t’a botté le cul avec ses baguettes ?

— Non et c’est moi qui lui ai botté le cul toute une nuit, ai-je chuchoté avec sérieux.

Garry papillonne des yeux avant de pouffer de rire.

— T’es con. Enfin, ce que vous faite ne me regarde pas. J’ai trouvé bizarre l’ambiance entre vous deux. J’crois pas t’avoir jamais vu l’ignorer.

— Il faut un début à tout.

Avant de remplacer l’un de leurs anciens groupes vedettes, le bar nous servait de QG. On venait souvent boire et danser ici. Le patron nous connait assez pour faire ce genre de remarque.

En marque de réconfort, il presse mon biceps et me fait un clin d’œil. C’est en posant brièvement mes yeux sur Fred que j’aperçois son regard sur moi. L’ombre de la jalousie a envahi ses prunelles. J’ne peux pas réfuter le bien que ça me fait. J’ai envie de m’approcher de lui, passer ma main sur sa nuque et lui dire tout bas : « Je rentre dans le jeu et j’ai bien l’intention de te faire bouillir. ». On verra combien de temps il résistera.

Je le fixe encore un moment, puis je me tourne vers Nigel et Côl qui discutent avec des groupies.

Le concert débute dix minutes plus tard. Je me déchaine. J’en ai besoin.

Je passe la soirée dans le corps d’un séducteur en chasse. Je capture tous les regards. Pas un ne se dérobe et je chope ma proie : un mec, la vingtaine, cheveux rasés, sirotant une bière. Il se mordille les lèvres nerveusement à chaque fois que je pose mes yeux sur lui. Un timide ou un truc du genre.

À la pause, je me jette au bar, commande deux boissons sucrée et rapplique à sa table, pas un regard à mes potes.

— J’ai pas pu m’empêcher de venir te voir. Ruby, le basiste des Implausible. C’est quoi ton nom ?

Il ouvre de grand yeux, sourit.

— Archimède.

Il me tend la main que je serre.

— Archimède. J’peux t’appeler Aréde ?

— Heu… oui. On ne m’a jamais appelé comme ça. C’est sympa.

— Alors, ça sera mon truc de t’appeler comme ça. T’viens souvent ici ? J’tai jamais vu ?

— C’est la troisième fois. J’crois que j’aime bien ton groupe.

— Ah, ouais ? Alors tu aimes c’qu’on joue ?

— Oui.

— Et quoi d’autre ?

Je suis clairement entrain de le draguer et il y est très réceptif. J’me suis trompé, il n’est pas timide. Il est juste admiratif. En fait, j’crois bien qu’il aime jouer lui aussi. J’ai pas loupé le préservative qui dépasse de son portable ni le tatouage sur son bras : « Cap’ ou pas cap’ ». Le genre de truc qu’on se fait tatouer après un pari.

— Je… tu es… j’aime ta façon de bouger. On dirait que t’es en phase avec ta basse.

Observateur en plus.

— J’le suis. Mais j’t’avoue que j’suis très bon danseur aussi.

— Tu me le prouverais ?

— Carrément ! Après le concert, ça dit qu’on aille danser ? Je connais une boîte stylée.

— T’es du genre direct toi ? J’aime bien.

Il rit. C’est jolie. D’ailleurs, il est plutôt beau gosse.

— J’cache pas mon jeu, si c’est ce que t’insinue. Alors ? Tenté, Arède ?

— Curieux, Ruby.

Il me fait un clin d’œil en buvant une gorgé du cocktail. Je bois le mien d’une traite. J’ai soif.

Je matte ma montre, encore cinq minutes avant de remonter sur scène, pourtant je sens une main agripper mon épaule.

— Tu dragueras plus tard, on y retourne.

Il n’a pas perdu de temps pour mordre à l’hameçon. Fred me tire sans douceur. On échange un regard noir. La situation le fait chier et j’aime ça. La provocation. Il connait que ça !

Le concert terminé, je confis mes clés de voiture à Côl. Il secoue la tête pour me signaler que je suis entrain de faire de la merde. J’l’ignore. Tout comme je me désintéresse de la foule. Je file droit sur Arède et lui emboîte le pas.

J’entends la voix de Fred qui gueule un « quel connard ». Cette fois, son insulte aura du sens.

*

Archimède danse carrément bien. Ses mouvements sont à la foie léger et harmonieux, il a le rythme dans la peau et ça me force à apprécier le moment. D’une musique à l’autre, j’oublie Fred et me déhanche. Je perds vite le compte des heures et me rapproche drastiquement d’Arède. Ça tacticité m’offre une demi-molle qui a force de frottement se transforme en trique. Arède ne le sent pas tout de suite, il continue de s’agiter et rigoler. Son délire, c’est de profiter un maximum. Il ne cherchera pas à mentir ou à faire semblant. Pas d’attache. Ça me plait.

Quand son corps se rapproche du mien et qu’il m’attrape les hanches. Je me déconnecte du monde. Un sourire satisfait dessine ses lèvres et il se hisse vers moi.

— Tu bandes ! s’écrit-il a mon oreille.

La musique recouvre sa voix, mais je comprends de suite.

Je ris et hoche la tête.

— Ça te dérange ?

Il arque un sourcil faussement surpris. L’espiègleries dans ses iris marron me fait mordre ma lèvre.

— Pas le moins du monde.

Il se colle à moi, glisse une jambe entre les miennes. J’ai la pensée qu’il veut s’amuser avec ma trique mais il m’invite simplement à sentir la sienne.

— On dirait qu’je suis pas le seul.

Il pointe le plafond du doigt. Pas besoin d’être un génie pour comprendre. Je l’attrape par la main et sors de la piste pour nous diriger vers le premier étage. Là, nous attends l’accueil de l’hôtel. Je demande une chambre pour la nuit, tape mon code pour payer et emporte Arède avec moi dans l’ascenseur. Il ne laisse pas le temps aux portes de se refermer que ses bras s’enroulent à ma nuque et que sa bouche tombe sur la mienne.

L’avidité qu’il met à m’embrasser me déconcerte un peu. Sa langue passe sur la mienne. Elle est bouillante comme son corps. Je remarque la finesse de sa taille en glissant mes mains sur ses fesses. Il n’a pas la musculature de Fred. Je les choisis plutôt solide d’habitude.

Dans la chambre, il me déshabille avec une rapidité qui me fait rire. On dirait qu’il a fait ça toute sa vie. Les doigts de l’expert ! Je le suis jusqu’à la douche. Sous une lumière tamisée, il nous plonge dans une eau tiède sans jamais arrêter de m’embrasser. J’ai du mal à respirer. Première fois que je suis autant excité par un autre que Fred. Je ne dirais pas que c’est aussi vibrant qu’avec lui mais il y a du feu partout en moi.

Je découvre qu’Arède à des tatouages partout.

— Laisse-moi me préparer, murmure-t-il à mon oreille.

Un signale qui m’invite à rejoindre la chambre. J’ai pas envie de quitter son petit corps qui s’agite. Mais je cède à l’appel de l’intimité.

Je me retire dans la chambre en me séchant.

J’ai à peine posé le cul sur le lit, qu’Archimède s’élance vers moi et saute à califourchon sur mes cuisses. La violence du choc me fait basculer sur le matelas. J’explose de rire. Il est fou.

Mes doigts le jalonne de long en large. Il est définitivement petit et flué. La crainte de lui faire mal me passe dans l’esprit, mais elle est vite écrasée par une bouche contre ma queue. Ce gars est un serpent. Il ondule et glisse avec dextérité. Surpris par un coup de langue, je contracte tout mes muscles.

Je cède sous son bon soin, tout en étirant mon bras vers la table de nuit. Un tube de lubrifiant est disposé comme d’habitude dans ses chambres là. Je l’atteins, l’ouvre en fourre dans mes mains.

— Remonte vers moi, Arède.

Il lève les yeux, la bouche pleine, les yeux taquins.

Il m’obéit, grimpe sur moi. J’attrape ses lèvres entre les miennes, presse mes doigts sur son cul.

Un gémissement glisse sur ma langue. Puis un seconde, et encore un. J’introduis mon index en premier et viens, en même temps, caresser sa raideur. Sa tête bascule en arrière.

— C’est bon, souffle-t-il.

J’en doute pas un instant.

Je lèche son cou avant de mordre une épaule et sursauter ses mamelons. Tout durcis en lui, alors j’enfonce mon majeur. Il se cambre.

— Prends-moi !

Il chope la capote sur le lit, la retire du papier et la déroule sur mon pénis. J’en suis à peine conscient quand je sens sa main attraper mon manche et fendre sa chaire. Il me prend tout entier. Ma tête rejoint l’oreiller, mes mains se laissent guider par celles d’Arède.

— Putain, c’que tu es bon, lâché-je.

Il ne répond pas, trop occupé à se dandiner sur mon sexe. Il sourit et c’est radieux. Il aime et il s’amuse de surcroit. Ça change de l’air impassif de Fred. Il détourne souvent le regard. Et quand il me fixe, c’est avec sauvagerie.

Après avoir rouler dans le lit, exécuter une panelle de positions, mettre assurer que mon partenaire était incroyablement souple, j’ai proposé connement : « ç’t’dit d’être mon plan cul ? ».

— Avec point de fidélité ? a-t-il ajouté sur le ton de la bêtise.

— Ouai.

— Pourquoi pas. Tu m’as prouvé que tu étais un bon amant. J’aime bien le respect dont tu fais preuves.

— On pourrait remettre ça vendredi ?

— Pourquoi pas demain ?



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