Ruby

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13- Les coups

Tania rejoint sa sœur qui est parti chercher des boissons. Je me retrouve seul avec Fred. On est déjà vendredi. La semaine a vite passé. Je vois Arède tous les soirs. Hier, je l’ai baisé là où j’avais fait l’amour avec Fred. Il se débrouille bien pour me faire déconnecter. C’est tout ce que j’attendais d’un très bon plan cul.

— Tu vas sortir avec encore combien de femmes ?

Je me tourne vers Fred. Sa voix est tranchante.

— Je sais pas. Peut-être que je vais arrêter prochainement. Je verrais.

— C’est quoi ton délire ? Lâche l’affaire avec Tania. C’est une chic fille.

— Une chic fille n’échange pas son mec avec celui de sa sœur.

— Dis pas de la merde.

Ses poings se referment sur l’herbe.

— Oh ! Pitié. Ne sois pas niais. Comment tu fais pour ne pas remarquer que depuis tout à l’heure c’est Tiania que t’embrasse et moi, Lola. Ta meuf a un grain de beauté entre les seins. Toi qui aimes les nichons, t’n’l’as pas vu. Elle doit bien t’inspirer ta Lola quand tu la baise. Penserais-tu à moi ?

Je mords dans un sablé, comme si j’en avais rien à foutre de lui. Evidement que je saisi chaque émotion qui traverse son visage. J’ai juste envie de lui sauter dessus et de l’embrasser avec frénésie.

— Qu’est-ce que t’insinue ? Que j’suis pas attentif ?

— Attentif ? Tu l’es. Sinon, tu ne m’aurais jamais fait remarquer que j’avais une minuscule et insignifiante tache blanche sous la mâchoire et cette zébrure à l’aine.

Il se redresse visiblement agacer.

— Arrête de fréquenter Tania.

— J’ai envie de t’emmerder. Et tiens, je parie que je resterais avec elle plus longtemps que toi avec Lola.

— Dans tes rêves.

— À moins que Lola décide de rester avec moi. Ça fait le troisième rencard qu’elle m’accorde en t’en que sa sœur.

— Tu m’fais chier. Va plutôt baiser ta groupie.

Il ne supporte pas de m’avoir vu partir avec lui le deuxième soir de concert. Ce soir, se sera là même.

— Arède ?

Son regard me transperce. Il a envie de me faire mal. Il ne sait pas que sa rage et la pointe de tristesse que j’aperçois dans ses yeux font déjà le job. Il est jaloux. Ça, je peux le confirmer.

— Je le « baise » tous les soirs. Je peux bien me vider les burnes l’après-midi aussi, non ? J’aime bien quand Lola se déchaine. Pas toi ?

— T’es un con.

— Un connard. Comme toi.

— Qu’est-ce que tu cherches ?

— À me faire mal. Je suis un peu sado. T’savais pas ? Pourtant, tu es celui qui m’a le plus menotté et fouetté.

Fred se mord les joues. Je le sens monter.

— Demande à ton Arède. J’suis sûr qu’il t’aidera.

— C’est pas le genre de la maison. Il aime s’amuser, se frotter et...

— Putain ! j’veux pas savoir.

— T’as bien raison, parce que ça ne te regarde pas, en fait. Tout comme ma relation avec Lola ou Tania.

Je le sens à boue. Il va me casser la gueule. Quoi que ! Il n’oserait pas. Pas vrai ?

— Tu joues à quoi ?

— A ton jeu, Fred. Pourquoi il n’y aurait que toi comme joueur ?

— Tu sais pas c’que tu fais.

— Oh ! Si. J’sais très bien c’que je branle. Dis-toi qu’avec de la chance, à jouer à ton jeu, je finirai par te laisser tranquille.

Ça ne lui plait clairement pas. Il file droit sur moi, un air méchant sur le visage. Je me fige incapable de bouger. Mon cœur bat en folie. Une ancienne peur jaillit en moi. Ça fait une éternité que je ne l’ai pas ressenti. Elle me tombe dessus comme Fred. Il m’attrape au col, mon cœur s’arrête. Ma vision se trouble. Mon père apparait. J’entends sa voix.

Amjad ! Petite merde. Ça, un fils ! Qui t’a fait comme ça ? Qui ? Je devrais te tuer !

Mon bras s’arque devant mon visage, mon corps se rétracte. J’attends la pluie de coups qui ne vient pas.

Je tremble. J’arrive pas à m’arrêter.

— Ruby. Je… Oh ! Ruby. Regarde-moi. Ruby !

Fred hurle mon prénom, paniqué.

— Qu’est-ce que tu fais ? Qu’est-ce que tu crois que j’allais te faire ? Ruby ? Réponds-moi, merde !

Il est au-dessus de moi. L’impact de son corps contre le mien m’ayant fait chavirer au sol, j’ai dû l’emporter dans ma chute. Il me fixe, terrorisé. Je le regarde. Il est au bord des larmes.

— Putain ! T’as vraiment cru que j’allais te taper ?

J’ne dis rien, décontracte mon corps.

— T’es sérieux ? C’est ça que tu penses de moi ? Jamais je ne te ferais du mal volontairement !

Je me redresse en m’extirpant de son emprise.

Debout, j’attrape mes affaires.

— Ruby, s’t’plait. Dis-moi qu’tu penses pas que j’t’aurais frappé.

— J’sais pas. J’suis pas dans ta tête et c’est tout là, mon problème.

— J’te frapperai jamais comme ça, putain.

Sa voix se brise. Il pleure, mais j’viens déjà de lui tourner le dos.

— T’a raison. Tu me frappes d’une façon plus subtile. D’une façon a impacté qu’une partie de moi. T’sais à force de me repousser, j’finirai par me barrer. Mon cœur n’est pas aussi solide que tu crois.

— Attends. Pars pas. Je veux pas que tu partes en pensant que j’allais vraiment te cogner. Putain ! Fais pas ça.

— Pourquoi ? Toi, tu le fais bien ? Je suis rentré dans le jeu, Fred.

Je me barre. Fred me suit. Je le fuis.

J’ai de bonnes jambes et je sais très bien courir.

Je ne rentre pas chez moi. Je sais qu’il cherchera à me joindre là-bas. Je marche jusqu’à chez Côl, avant de faire demi-tour et de me pointer chez mon frère, Magid.

Dans mon ancienne chambre, devenue celle de mes nièces, je me colle au coin du mur. Mon frère m’observe sans rien dire. Il prend mes affaires, me déchausse et par en cuisine. Je sais qu’il va me préparer un truc à manger. Magid n’a jamais été très causant, mais lui et Samah, ma sœur, sont les seules à m’avoir soutenu. Samah me protégeait des corrections de mon père et Magid m’a récupéré dans le secret de tous quand on m’a mis à la porte.

La tête collée à un poster, je me laisse aller. Je pleure. Pas parce que j’ai pensé que Fred allait me frapper mais parce que je n’l’ai pas rassurés sur ce que lui a cru… J’aurais dû lui dire que je savais qui il était. « Je sais que tu n’allais pas me frapper ». Juste me secouer en criant qu’il en avait marre de moi.

— Viens manger à table.

Je me cache de mon frère pour essuyer mes larmes. Il ne fait pas de remarque, mais reste à côté de moi.

Quand je finis, il pose sa main sur mon front et le caresse de son pouce.

— Amjad, dis-moi, tu penses ne pas avoir assez souffert de la vie pour t’infliger encore de la douleur ?

Mon frère récupère l’assiette et les couverts. Il n’a pas besoin de savoir pour comprendre. Il connait mes sentiments pour Fred. Il sait que c’est lui mes larmes.

— Je pars travailler. Anna revient ce soir et les jumelles sont chez Cathy et Rick. Repose-toi et prends une douche.

Magid me laisse seul en proie aux vibrations de mon téléphone.

Fred.

Saura-t-il un jour me dire « je t’aime » d’une autre façon que cela ?

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