L’ange sombre avait livré son verdict. Son armée d’ombres d’acier l’avait salué. Dans ce souterrain humide et froid, ils avaient levé le poing à sa gloire avant de sortir dans l’ordre et sans un bruit. Ils avaient laissé là leur maitre, celui qui dictait leur destin, désignait les cibles et dessinait la stratégie. Ils s’étaient engouffrés l’un après l’autre dans l’étroit passage secret qui menait au puits de la maison médiévale de pierre située au bout d’une impasse dans le vieux Bordeaux.

De là, avec eux et un par un, j’étais sorti par la porte qui donnait sur la rue. Il ne fallait pas éveiller les soupçons. Chacun s’était éloigné dans une direction différente. Pendant ce temps-là, l’ange sombre s’était levé du trône de la mort, et avait enlevé sa capuche qui masquait son visage de la lumière. De ses yeux bleu pâle qui renforçaient l’expression glacée de son visage, il avait fixé longuement les grandes flammes du feu de cheminée qui s’animaient, comme apeurées devant lui. Il savait son verdict nécessaire, ne doutait pas de sa justesse, mais se posait encore la question de sa possible trop grande sévérité. Tous allaient mourir, sans exception et sans procès. S’ils avaient bien mérité un châtiment, peut-être pas celui de la mort, et peut-être pas celle de tous. Nul ne pouvait revenir sur ce qui avait été dit quelques minutes auparavant, lui-même n’avait plus le droit au moindre regret. Chaque ombre d’acier qui lui obéissait ne faillirait pas à sa mission. Plus rien ne pouvait empêcher le funeste destin de s’accomplir.