Chapitre 1-3

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Je descendis le plus vite possible, il fallait que je sois de retour avant le jour, car un œil attentif aurait pu depuis le bas repérer ma corde que j’avais laissée à l’extérieur pour gagner du temps. Une imprudence aux conséquences finalement mal calculables, mais dont j’avais pris l’habitude. La première fois, n’était-ce pas réinstaller la corde qui m’avait fait perdre du temps et laissé poindre le jour alors que je desescaladais à l’extérieur dans un recoin à l’ombre des projecteurs ? Je souriais, ces réflexions me portaient à me comparer à un vampire des contes pour enfants et de sa peur de l’aube.

Arrivé dans le logement sous la crypte, j’allumai à l’aide du vieil interrupteur de céramique qu’il fallait faire tourner dans son petit crissement caractéristique. L’électricité avait été installée par les ombres d’acier dans les années quarante, durant la guerre lorsqu’il fallut parfois rester caché là plusieurs jours d’affilé. Des ampoules à LED avaient cependant remplacé les incandescentes au fil de tungstène de l’époque. Le modernisme progressait irrésistiblement jusqu’au moindre tréfonds, appelant à penser que nous aussi, la dernière poignée de combattants contre le haut-mal, étions voués à disparaitre bientôt.

Chacun de mes gestes était appris de longue date. Malgré la lumière électrique, j’installai d’abord les bougies sur le rebord en pierre de la paroi qui faisait tout le tour de la piece; telle était la tradition qui permettait de revêtir de lumière vivante et sacrée cette sorte de cérémonie.

L’instrument que je manipulai ensuite ressemblait à une sorte de harpe gigantesque, comme creusée ou sculptée au sein d’un bloc d’un granite particulier. Ce « sonateur » était connecté à une sorte de gros mécanisme horloger, le « joueur », dont les petits marteaux venaient frapper des câbles de métal tendus dans la partie creuse ouverte dans le rocher. J’en remontai lentement le ressort qui allait fournir des heures de mouvements libérant la symphonie souterraine. Cet instrument occupait à lui seul tout le centre de la pièce et mesurait plus de deux mètres de hauteur. Mais en réalité, le bloc de roche cristalline qui le constituait s’ancrait profondément sous le sol de la pièce : la harpe de pierre qui formait le sonateur n’était que la partie immergée d’un énorme iceberg minéral.

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