chapitre 2-4

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Bien vite, la conversation toucha le thème de la nouvelle mission.

— Je n’en suis pas, m’annonça-t-il d’un ton où pointait l’amertume, on dirait qu’ils ont assez de monde pour se passer des vieux emmerdeurs comme moi.

— Ils n’ont pris que dix-huit ombres, il parait que c’est suffisant pour six cibles de cette envergure… lui fis-je ironiquement remarquer.

— Je ne pense pas. Ou alors ils ont recruté des éléments supplémentaires que l’on ne connait pas. Dans un cas comme dans l’autre, c’est très inhabituel, commenta-t-il préoccupé.

— Johanna m’a fait la même remarque. Elle trouve anormal qu’il n’y ait pas de plan au cas où certains se feraient démasquer et mettraient en péril le secret des Églises ou des Ordres.

— Alors ça, c’est encore plus inhabituel ! À mon avis, il se passe quelque chose d’important. N’as-tu pas remarqué cette légère inflexion des sens hier, tout juste après que les derniers effets des ondes protectrices ne s’estompent ?

— Je ne vois pas vraiment de quoi tu parles…

— Moi, je l’ai ressentie, une sorte de légère hypersensibilité aux ondes négatives, comme un frisson accompagné d’une résurgence plus fréquente de mauvais souvenirs. Cela ne peut être lié au hasard, c’était pile les premières heures après la fin de l’effet apaisant des ondes de protection. Directement, comme une descente après les effets euphoriques d’une prise de cocaïne.

— Je n’en ai jamais pris ! Mais en y repensant bien, je pense savoir de quoi tu parles. Je l’ai peut-être ressenti sans y faire attention.

— C’est un tort ! Ce moment-là, ces quelques heures, il faut y prêter la plus grande attention. C’est un moment souvent chargé d’informations clés qui concernent, la plupart du temps, le déroulement de l’avenir.

— Je n’ai pas assez d’expérience pour savoir à quel moment l’effet des ondes protectrices va s’estomper. Je m’en rends compte bien plus tard, bien aprés l’instant où cela se passe.

— Si je peux te donner un conseil, essaie de développer l’attention à ce moment. Même si peu en parlent, c’est un instant enrichissant.

— Et cette inflexion que tu as ressentie, qu’est-ce que cela signifie ?

— Je pense que cela signifie qu’une influence maléfique s’est développée au même moment que les ondes protectrices faisaient effet. Ces dernières nous empêchaient de la ressentir. Au moment où leur effet s’est estompé, dans le contraste du retour à une réalité plus pure, alors nous avons pu légèrement l’apercevoir. Parce qu’à ce moment, dans notre esprit, c’est comme quelqu’un qui utilise des lunettes de soleil jaune et qui les enlève : durant quelques secondes, il voit encore la couleur de l’univers modifiée. Mais comme il n’a plus les lunettes, ses capacités visuelles sont en fait différentes de la normale. Dans le cas des ondes protectrices, cet état de perception intermédiaire ne dure pas quelques secondes, mais quelques heures. C’est un bon moment pour profiter d’une couleur unique de l’univers, une perception assourdie, filtré, pleine de petits contrastes invisibles le reste du temps. On en apprend plus durant ces quelques instants qu’avec des années d’études au sein de l’Ordre Majeur. La nature ouvre directement ses canaux, et il suffit d’ouvrir les siens propres pour tout absorber d’un coup, la connaissance comme la sensation unique et complète de l’univers. Fume un pétard et écoute Jimmy Hendrix, ça te donnera une idée du centième de ce qui te reste à percevoir en dehors de l’habituel dans ce monde délirant!

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