La bibliothèque.

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15 mai 1886,

Cet après-midi, je suis allée à la bibliothèque. Munie d'une lampe-tempête, je me suis engagée dans un dédale de couloirs où j'ai failli me perdre plusieurs fois. Un vrai labyrinthe ! Le concierge m'a prêté un plan, mais entre les passages qui ne mènent nulle part, les accès qui aboutissent à des portes fermées à clef, et les boyaux où il faut se tenir plié en deux pour pouvoir avancer, j'ai bien cru que je n'arriverais jamais à destination. Monsieur Jean, par la suite, m'a expliqué que tout le contenu de la bibliothèque avait été déplacé, pour un temps, dans l'une des caves. Car la grande salle située au dernier étage de l'aile sud, prévue pour recevoir tous les livres de la forteresse, devait être rénovée. Les sous-sols sont complètement secs et les murs très épais, avait-il précisé. L'atmosphère, fraîche l'été et douce l'hiver, permet la conservation des vénérables manuscrits jaunis par le temps.

En tournant la clef, j'ai été agréablement surprise de découvrir un endroit bien organisé : dans la grande salle éclairée par quatre larges soupiraux, des étagères remplies de livres couvraient toute la surface des murs. Chaque paroi était partagée en quatre parties distinctes, correspondant aux genres des livres : les romans d'aventure, d'amour, le théâtre, les fabliaux, les poésies... Puis venaient les dictionnaires, les encyclopédies...Puis les documents historiques, les textes de lois... par auteur, par ordre alphabétique... Le tout dans une atmosphère feutrée. De grands tapis d'Orient aux couleurs chatoyantes recouvraient les pierres du sol. Une table en bois verni qui n'en finissait pas de s'allonger trônait au milieu de la pièce autour de laquelle étaient disposés des chaises en cuir vert et des fauteuils en velours rouge. L'endroit, quoiqu'insolite, invitait à la lecture. Il semblait un refuge pour les âmes solitaires, passionnées de voyages immobiles. Une odeur douceâtre de vieux papier, d'encre et d'encens flottait dans l'air. Le silence, peuplé de la pensée des grands auteurs, avait une épaisseur qui forçait le respect.

Je n'ai pas cherché longtemps ce que je désirais trouver : sur le dos d'un livre était écrit : "Histoires et légendes de "l'Ermitage Saint Benoit". Il n'en fallait pas plus pour piquer ma curiosité. Enveloppée dans mon châle, je me suis assise confortablement dans un fauteuil et ce que j'ai découvert en feuilletant les pages m'a stupéfiée !

A peine avais-je eu le temps de parcourir quelques chapitres qu'il m'a semblé sentir derrière moi une présence, comme si quelqu'un lisait par-dessus mon épaule. Cette sensation était si prégnante que je me suis retournée. J'ai alors aperçu, au-dessus de moi, une forme humaine, éthérée, vaporeuse, qui ondulait. Puis, elle s'est dissoute instantanément. J'ai cligné des yeux pensant que ma vue me jouait des tours. Je n'ai pas eu peur mais j'ai préféré emporter mon livre pour le consulter dans ma chambre.







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