CHAPITRE 10

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Désolée pour le retard ! J'ai du mal à me faire au rythme de la rentrée, mais ça commence à revenir progressivement :D

CHAPITRE 10

Leurs « quartiers » ressemblaient davantage à une cellule de prison qu'à un dortoir. Deux lits de camp avaient été installé dans une pièce exigüe où l'air passait difficilement. Ils devaient se partager une table de bois pourrie par l'humidité, ainsi qu'une penderie sans portes. Tous deux ignoraient si les autres avaient le droit également à ce traitement de faveur ou s'il s'agissait d'un avertissement quand au ravissement de les accueillir dans ce lieu. Molkov ne s'en formalisa pas. Il posa ses affaires et commença soigneusement à déballer ses chemises. Dagorn, plus frileux, se mit à inspecter les couvertures à la recherches de puces et d'autres nuisibles qui deviendraient à coup sûr un problème.

— C'est rustique, engagea Molkov. Mais pour une semaine, cela conviendra.

— Rustique ? Même dans les quarties les plus surchargés de l'armée, on ne reçoit pas les nouveaux de cette façon, chuchota le militaire. Il essaient de nous intimider. Ils n'aiment vraiment pas les nouveaux venus ici, surtout vu notre entrée. Toutes les personnes ici ont été conditionnées depuis leur naissance. Ils nous voient comme des intrus.

Molkov ne répondit pas. Il tapota légèrement son oreiller pour le rendre plus moelleux et commença à faire son lit. Ce n'était pas le grand luxe, certes, mais il avait connu pire que cela durant son enfance. Plus jeune, il dormait à même le sol avec son frère aîné par manque de place. Il était tombé d'un coup de grasoo, comme beaucoup de mineurs avant et après lui. Le vieux nain n'avait en réalité que peu de souvenirs de lui, si ce n'était quelques photographies.

En guise de repas, frère Malara leur apporta un peu de maïs, du pain et de l'eau, en quantité insuffisante pour les sustenter tous les deux. Généreux, Molkov en laissa la plupart à Dagorn. Son vieil estomac avait supporté des périodes de jeun de plusieurs jours par le passé, il n'en mourrait pas. Après une heure de repos, un jeune moine vint les chercher pour leur présenter les lieux. Tout comme leur chambre, la salle d'entraînement avait été séparée de celles des autres paladins. Le moine leur expliqua qu'un instructeur leur avait été alloué le temps de leur formation. Il les laissa dans la salle où ils découvrirent à quelle sauce ils allaient être mangés.

D'étranges tapis mécaniques roulaient dans un bruit de tous les diables à une vitesse constante. Des barres de métal encadraient chacun d'entre eux. Un peu plus loin, sur le mur, plusieurs armes attendaient leur heure : épées, dagues, arcs, arbalètes, et d'autres plus exotiques : hallebardes, cimeterres, pierres runiques. L'apprentissage serait complexe et rapide. Molkov avait conscience du fait qu'il apprendrait principalement par la pratique lors du voyage, mais il n'avait pas réalisé à quel point son peuple était inventif lorsqu'il s'agissait de créer pour tuer. Un autre coin de la pièce était dédié au camouflage et aux règles de survie basiques. La dernière partie touchait à l'équitation. Même s'il n'y avait pas physiquement de cheval, un étrange mannequin animé tenait le rôle de l'équidé. 

— Ce ne sera que les bases, expliqua Dagorn. Même en connaissant les rudiments du métier, les appliquer ensuite sans faire d'erreur s'avérera complexe. Les terres sont dangereuses, c'est risqué de partir sans vraie formation.

— Ce n'est pas au vieux nain qu'on apprend à faire des grimaces. Je suis bon élève. Je tâcherai d'être efficace. Je ne reculerai pas, je te l'ai déjà dit. Fais-moi confiance, Dagorn.

Son compagnon savait très bien qu'il ne changerait pas d'avis. A quoi bon s'acharner à essayer de le convaincre ? Il fit le tour de la salle pour regarder chacune des machines avec attention et échapper au regard culpabilisateur de Dagorn. Le jeune nain finit par s'asseoir à une table pour jouer avec un couteau. 

Leur instructeur arriva une heure plus tard. Le nain les impressionna immédiatement. Petit et trapu, il compensait ses faiblesses physiologiques par un imposant dispositif mécanique. Son bras droit et sa jambe gauche étaient composées majoritairement de métal, tout comme une partie de son cou et de son visage. Ce traitement était rare. Remplacer un membre était courant, mais là, il s'agissait de presque la moitié du corps. Pour un tel acharnement, l'homme devait être important.

— Voilà les deux nouveaux bleus, les railla-t-il d'une voix grave et aux timbres métalliques.

Il boita vers eux et les inspecta de haut en bas avec méfiance. L'œil droit aussi était cybermétique. Sa pupille s'élargissait et rétrécissait à la manière d'un chat lorsque son regard inspectait leur musculature. Ce n'était pas juste un jugement, mais une véritable analyse qui s'opérait devant eux. L'instructeur renifla bruyamment, peu impressionné.

— Pas terrible, pas terrible. Trop gras, dit-il en pointant Molkov, trop militaire, acheva-t-il en pointant Dagorn. On va pas aller loin avec deux pleutres pareil. C'est quoi l'histoire ? Qu'est-ce que vous foutez là ?

Surpris par le manque de tact de l'individu, Molkov et Dagorn se lancèrent un regard désemparé, incapables de répondre. L'instructeur renifla une nouvelle fois et ne leur laissa pas le temps de répondre.

— J'm'en bats les noix d'votre histoire, en fait. Va falloir bosser vite et dur si vous voulez pas clamser au bout de deux heures dehors. L'gringalet, tapis de course pendant deux heures. L'vieillard, va m'chercher une épée. On va voir c'que tu vaux.

Dagorn s'exécuta sans faire d'histoire, habitué aux humeurs aléatoires de ses supérieurs. Molkov mit plus de temps à se mettre en route, ce qui agaça rapidement l'instructeur, qui n'avait même pas eu la politesse de leur dire son nom. Le vieux nain décrocha une épée du mur. Elle était si lourde que la lame s'écrasa bruyamment au sol. Son professeur souffla.

— T'as pas l'carrure pour les double-mains. Prend une hachette sur le mur, ce sera déjà bien pour un début.

Molkov rangea l'épée et observa un instant les petites armes. Le manche d'une des petites haches brillait étrangement. Curieux, il la décrocha du mur. Son instructeur hocha la tête pour l'encourager et lui pointa un vieux mannequin. Le vieux nain chargea et donna un grand coup dans le torse de paille de son adversaire. A sa grande surprise, il s'embrasa en quelques secondes. Le professeur tira une corde sur le mur et un seau d'eau éteignit les flammes. Le nain se gratta un instant son menton imberbe, fait extrêmement rare parmi les représentants de son peuple, avant de relever la tête vers lui.

— J'm'attendais à pire. Pas mal, pas mal. La zone d'attaque est encore bancale, mais l'attaque est bien menée. Les armes runiques sont pas mal pour commencer, elles mâchent le travail. Mais on peut pas se contenter de leur magie pour faire des dégâts, sinon on crève les quatre fers en l'air. Tes vieux os sont pas faits pour esquiver, va falloir qu't'évite au maximum le corps à corps. Gringalet ! Amène-toi !

Dagorn serra les dents au surnom mais les rejoignit. L'instructeur lui pointa les armes du doigts.

— Spécialité ?

— Double-mains corps à corps, répondit-il au tac au tac.

L'instructeur réfléchit un instant.

— D'accord. L'vieillard, j'vais t'apprendre l'arbalète et te perfectionner sur cette hache. Tu seras plus utile pour couvrir que pour battre vu les rides sur ta tronche. Mais on verra ça d'main. Pas plus de temps à vous accorder. Puis il y a l'buffet d'la fête de Balgröm ce soir. Et la bière, sans vous vexer, compte plus que vos tronches.

Molkov fut surpris de son annonce. Les fêtes de Balgröm était la célébration la plus importante des nains et il avait totalement oublié leurs existences avec les derniers jours. Ce serait aussi les premières sans Magda et son cœur se serra à cette pensée. Sa femme adorait défier les habitués des bars au concours de boissons et les remportaient à chaque fois. La soirée finissait mal en général. Quand Madame en avait marre, elle s'en prenait physiquement à ses concurrents. Un sourire nostalgique flotta sur ses lèvres.

L'étrange instructeur quitta la pièce sans plus de ménagement. Dagorn poussa un soupir.

— Au moins, on mangera bien ce soir, grogna-t-il. Venez, Molkov, on va repérer les lieux.

Le vieux nain sourit et le suivit de bon cœur. 

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