Lettre à maman (que tu ne liras jamais)
Maman, j’ai peur.
Tu dis que je suis tout l’espoir que tu as
Alors que tout va mal.
Tu dis que je suis tout le bonheur que tu as
Alors que tu es si triste.
Mais m’a tu bien regardé?
Tu te trompes sans doute de personne
Je ne suis que Moi.
Je suis petite, insignifiante
Même pas encore au monde
Alors comment puis-je t’être utile?
Je ne suis pas tout à fait en vie que déjà
J’ai cette pression sur mes épaules incomplètes
J’aimerais rester ici
Dans ma position de fœtus
Dans mon rôle d’être à naître.
Mais tu as besoin de moi.
Alors je suis née
14 mars 1991
J’ai vu le jour
Et je n’ai pas pleuré
Je t’ai souri
Comme je te sourirai
Pour les 28 années qui suivront.
Même si mon masque à glisser à l’occasion
Qu’on a parfois vu ma tristesse, ma détresse
Je suis restée forte
Même dans ma dépression
Ma déraison
Notre désillusion.
Je suis restée forte et debout
Car tu ne dois pas me voir ramper
Agoniser. Souffrir.
Je suis restée forte et fière
À travers mes épreuves, mes batailles et mes chutes
Pour que les tiennes soient moins lourdes à porter
Je les ai pris aussi sur mes épaules.
Mais je suis épuisée, maman
Épuisée de devoir être le bonheur que vous n’avez pas
D’être l’espoir que vous avez
Quand moi-même je n’en ai plus.
J’aimerais baisser les armes
Pour une fois me permettre d’être une enfant
De jouer comme une enfant.
D’être heureuse comme une enfant.
Mais j’ai tellement peur, maman.
Peur de ne jamais être assez
De te décevoir
De ne pas être assez forte
J’ai peur de ne jamais faire assez.
On me dit souvent que je suis perfectionniste
Efficace, à mon affaire.
Mais je n’ai pas le choix.
Je suis née pour être parfaite
Sans faille, à tout épreuve
Mais je suis tellement brisée, maman
Je suis née en pièces détachées
En pantin rapiécé
Mais je n’ai pas le choix
Si ce n’est pour moi, que ce soit pour toi.
Je ferme les yeux et je ne vois rien
Et je me vois moi
Être rien.
Je suis tellement seule.
Avec mon dos croche par cette pression quotidienne
Cette pression intra-utérine qui m’a poursuivi à l’extérieur
Qui m’étrangle, qui me freine.
Qui m’empêcher d’exister.
De grandir, de savoir qui je suis
De devenir une adulte
D’être autonome sans être automate.
Tu dis, maman, que tu es fière de moi
De ce que je suis devenue
De mes projets, de mes études.
Fière de la jeune femme que je suis.
Mais je n’ai pas l’impression d’être née.
Je n’ai pas encore l’impression d’Être.
Ni d’avoir le droit d’exister.
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