Lettre à maman (que tu ne liras jamais)

2 minutes de lecture

Maman, j’ai peur.

Tu dis que je suis tout l’espoir que tu as

Alors que tout va mal.

Tu dis que je suis tout le bonheur que tu as

Alors que tu es si triste.

Mais m’a tu bien regardé?

Tu te trompes sans doute de personne

Je ne suis que Moi.

Je suis petite, insignifiante

Même pas encore au monde

Alors comment puis-je t’être utile?

Je ne suis pas tout à fait en vie que déjà

J’ai cette pression sur mes épaules incomplètes

J’aimerais rester ici

Dans ma position de fœtus

Dans mon rôle d’être à naître.

Mais tu as besoin de moi.

Alors je suis née

14 mars 1991

J’ai vu le jour

Et je n’ai pas pleuré

Je t’ai souri

Comme je te sourirai

Pour les 28 années qui suivront.

Même si mon masque à glisser à l’occasion

Qu’on a parfois vu ma tristesse, ma détresse

Je suis restée forte

Même dans ma dépression

Ma déraison

Notre désillusion.

Je suis restée forte et debout

Car tu ne dois pas me voir ramper

Agoniser. Souffrir.

Je suis restée forte et fière

À travers mes épreuves, mes batailles et mes chutes

Pour que les tiennes soient moins lourdes à porter

Je les ai pris aussi sur mes épaules.

Mais je suis épuisée, maman

Épuisée de devoir être le bonheur que vous n’avez pas

D’être l’espoir que vous avez

Quand moi-même je n’en ai plus.

J’aimerais baisser les armes

Pour une fois me permettre d’être une enfant

De jouer comme une enfant.

D’être heureuse comme une enfant.

Mais j’ai tellement peur, maman.

Peur de ne jamais être assez

De te décevoir

De ne pas être assez forte

J’ai peur de ne jamais faire assez.

On me dit souvent que je suis perfectionniste

Efficace, à mon affaire.

Mais je n’ai pas le choix.

Je suis née pour être parfaite

Sans faille, à tout épreuve

Mais je suis tellement brisée, maman

Je suis née en pièces détachées

En pantin rapiécé

Mais je n’ai pas le choix

Si ce n’est pour moi, que ce soit pour toi.

Je ferme les yeux et je ne vois rien

Et je me vois moi

Être rien.

Je suis tellement seule.

Avec mon dos croche par cette pression quotidienne

Cette pression intra-utérine qui m’a poursuivi à l’extérieur

Qui m’étrangle, qui me freine.

Qui m’empêcher d’exister.

De grandir, de savoir qui je suis

De devenir une adulte

D’être autonome sans être automate.

Tu dis, maman, que tu es fière de moi

De ce que je suis devenue

De mes projets, de mes études.

Fière de la jeune femme que je suis.

Mais je n’ai pas l’impression d’être née.

Je n’ai pas encore l’impression d’Être.

Ni d’avoir le droit d’exister.

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