Sousvivre 10 ans
Dans la nuit du 23 novembre au 24 novembre 2008, je suis morte. Mais vous ne me trouverez dans aucun cimetière, aucune pierre tombale ne porte mon nom et pourtant, j’ai cessé d’exister. Alors que j’ai survécu à la meurtrière que j’étais, alors que ma mère me serrait dans ses bras à l’hôpital, le matin du 24 novembre, je savais que je n’existerai plus jamais vraiment. Qu’il n’y aurait plus de tentatives, puisque j’avais réussi.
Emmanuelle Lachance est morte cette nuit-là.
Par instinct de sousvis, j’ai pourtant continuer à vivre. Un jour, une année, un nouveau thérapeute à la fois, j’ai fait mine de progresser. J’ai même “réussi dans la vie”, après tout j’ai une panoplie de diplômes qui le prouve. J’ai des rêves, des objectifs de vie, tant de choses à accomplir. J’ai mimé la vie du mieux que je le pouvais. J’ai fait des efforts pour “reprendre ma vie en main”: j’ai tenté de perdre du poids, j’ai poursuivi mes études, je suis tombée amoureuse, je me suis faite de nouveaux amis. Fake it until you get it… right?
Mais je suis morte. I am six feet under rock bottom.
Chaque jour, mon cerveau est envahi de pensées à la recherche du moment propice. “Par quels moyens pourrais-je bien m’achever, aujourd’hui?” Chaque défaite, chaque échec, chaque erreur me pousse plus creux. Lorsque je détecte du mépris, de la déception, de la rancœur à mon égard, je me rappelle que je n’existe plus vraiment. Et ça soulage la pression de la lame sur ma nuque. Tous les soirs, je me demande si je meurs bientôt. Pis je m’hais, chaque soir un peu plus. D’avoir l’impression de mentir à mon entourage quand je dis que ça va bien, lorsque je souris ou ris.
Lorsque je suis heureuse d’être en vie, je m’en veux de ne pas être morte.
Les inconvénients de la sousvis: j’ai le syndrome de Jésus. Je donnerais ma vie pour un sourire. J’ai le besoin incontrôlable que tous ceux autour de moi soit heureux. Le malheur des uns aggrave le mien. Je ne réussis pas à faire d’économie. À quoi ça sert si je ne vivrai pas pour en voir la récompense? Je dépense mes payes sans compter, gardant juste assez pour mes obligations de vivante : manger, payer mes factures, faire le plein, gâter ceux que j’aime. Chaque paye tombe à 0$ en quelques jours, me laissant sousvivre confortablement pendant deux semaines, puis le cycle recommence.
Dans mes moments d’éclaircis, où la vie semble s’améliorer, où je sens mon pouls dans mes veines, je fais des résolutions: je vais prendre soin de mon corps (aka lose weight, do sports, etc.), je vais recommencer une thérapie pour réparer mon cerveau, je vais m’ouvrir un CELI, mettre de l’argent dans mes REER, économiser et rembourser mes dettes, je vais penser à 5 choses positives par jour, je vais arrêter de m’automutiler, je vais me respecter. Si ce n’est pas pour moi, je me dis que je serai capable de le faire pour mon entourage. Pour ne pas les inquiéter, pour ne pas les décevoir. Encore. Encore. Encore.
Puis je me rappelle que ça ne sert à rien. Je suis morte.
Je ne sais pas si j’ai encore l’espoir que ma vie s’améliorera. I’m am a highly fonctionnal depressed woman. Je sais que je sousvis et que j’aimerais que ça change, j’aimerais aimer la vie. Comment ramener à la vie la sousvivante que je suis?
How can you go against the will of the one you were, the one who signed a “Do not reanimate”?
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