Le Peintre des Désirs
Alors que le ciel s'ornait d'une multitude de teintes éclatantes, elle était là. La jolie demoiselle, qui tard la nuit lui rendait visite dans ses rêves, se matérialisait désormais face à son regard ébahi. Sa chevelure blonde flottait au gré du vent, laissant ses mèches, lentement, effleurer son visage. Ses iris d'un bleu azur brillaient d'intensité tandis que le sourire qu'elle lui offrait faisait battre son cœur. Une douce odeur de fleurs baignait l'air et chatouillait ses narines. Les pans de sa robe virevoltaient avec grâce autour de ses cuisses dévêtues.
Une main tendue vers la splendeur de la jeune femme, il souhaitait atteindre sa peau pâle pour y laisser quelques légères caresses. Les lèvres entrouvertes, il désirait lui murmurer ses tendres envies, comme chaque nuit qu'il passait avec elle, perdus au creux de songes merveilleux. À l'apparition de la Lune, son esprit s'éveillait, certain de la retrouver pour l'aimer avec passion et tendresse. De ses doigts, il traçait des sillons de frissons. De ses lèvres, il enflammait la peau de cette beauté marmoréenne. Avec délicatesse, il jouait de ses hanches pour des soupirs de plaisirs. Dans ses rêves, elle apparaissait comme sienne, cette douce mélodie, qui ajoutait des couleurs sur un tableau terne et sans valeur.
Déesse des délices, la reine de son cœur qu'il façonnait avec minutie pour quelques fragments d'éternité. Le temps de quelques nuits, de quelques rêves épanouis.
La demoiselle était là, faisant souffrir le cœur épris du peintre alangui. Pourquoi ne pouvait-il pas l'atteindre ? Cette douceur lui appartenait, le pinceau glissait entre ses doigts sur un espace dénué de vie. Il travaillait dur, si ardemment pour gagner l'attention de son œuvre voluptueuse. Gardienne de ses fantasmes, il l'imaginait avec paresse. Un corps offert à mille baisers, à cent touchers. L'émotion faisait chavirer son cœur, encombrait ses yeux de larmes salées. Sa création, bien que magnifique sous l'éclat du soleil levant, lui était inaccessible. Contraint à l'observer de loin, l'admirer avec envie, il ne cessait de la dessiner, priant pour que la nuit tombe, enfin. Prisonnière d'un esprit solitaire, la déesse souffrait. Lors de ses silences hurlants, elle effleurait les lignes du dessin dont elle provenait. La pulpe de ses doigts suivait les contours de ses hanches en se demandant si un jour, un jour, les soupirs imaginés par son artiste finiraient par résonner ailleurs que dans la tête d'un passionné.
Au petit matin, la rosée s'élevait, rafraîchissant le corps de cette idéalisée dessinée à l'aquarelle. Ses courbes parfaitement réalisées, elle souriait, bien que désolée de n'être que le fruit d'un imaginaire esseulé.
Tendresse et caresses, tels étaient les souhaits de ces deux âmes dissociées. Fallait-il s'accrocher aux plaisirs nocturnes, à défaut d'espérer une réalité bien-aimée ?
Au cœur de cette toile, désormais, la déesse pleurait, admirant tout de même son bel amant qu'elle quittait lors des réveils tant redoutés.
Entre les brisures du miroir abîmé, le peintre observait son reflet, se plaisant à imaginer un matin enlacé à la douce déesse qu'il confectionnait jour après jour pour la faire vivre nuit après nuit. Un assemblage de formes sensuelles, une dégradé de couleurs prodigieusement réalisé. Dans son esprit, sa belle prenait vie et dansait sous la pluie. Dans ses bras, elle riait aux éclats. Sous ses doigts, elle se cambrait avec délice. Sous son corps frémissant, elle gémissait de mille plaisirs.
Les songes, bien qu'éphémères, comblaient ses envies inassouvies. À travers les mouvements de son pinceau, il faisait vivre l'amour de sa vie.
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