Prologue

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"C'est l'épouvantail, immobile, figé,
Mais dans son silence, quelque chose a changé.
Ses yeux de boutons fixent les ténèbres,
Et dans son ombre rampent les enfers.


C'est l'épouvantail, l'horreur des campagnes,
Sous sa paille rêche, un cœur de hargne.
Quand la lune saigne, il prend son essor,
Un protecteur, ou bien la mort.


Les corbeaux s'enfuient à son réveil,
Car son cri glace, son souffle est fiel.
Ses membres de bois craquent dans la nuit,
Traquant les âmes perdues qui s'enfuient.


C'est l'épouvantail, l'horreur des campagnes,
Sous sa paille rêche, un cœur de hargne.
Quand la lune saigne, il prend son essor,
Un protecteur, ou bien la mort.


Oh, maudit gardien des champs flétris,
Ses murmures hantent les jours endormis.
Un pacte ancien le lie au néant,
Et sous sa carcasse, gronde un géant.


Il protège les champs, mais à quel prix ?
Le sang qu’il verse, nul ne l’oublie.
Les monstres le craignent, mais les hommes aussi,
Car l’épouvantail choisit ses ennemis.


C'est l'épouvantail, l'horreur des campagnes,
Sous sa paille rêche, un cœur de hargne.
Quand la lune saigne, il prend son essor,
Un protecteur, ou bien la mort.

Quand le vent hurle, il commence à danser,
Une valse macabre pour ceux qui l'ont blessé.
Sa mission divine se change en carnage,
C'est l'épouvantail, l'écho du naufrage."

Timmy fixait l’écran scintillant de sa télévision Blopenkt, un modèle massif aux coins arrondis, vestige d’une époque révolue. L’appareil ronronnait doucement, projetant une lumière vacillante qui dansait sur les murs de la petite maison de pierre. La mélodie d’introduction se termina, une ritournelle grinçante qui semblait surgir d’un orgue abandonné. Puis, un hululement lugubre retentit, comme un appel venu des profondeurs de la nuit.

Sous sa couverture en laine rugueuse, tricotée par sa grand-mère dont l’odeur de lavande imprégnait encore les mailles, Timmy frissonnait d’anticipation. Son père était dehors, occupé à rentrer les brebis qu’il avait laissées s’échapper un peu plus tôt. Mais le garçon se demandait combien de temps il lui faudrait avant de revenir. Aurait-il assez de minutes pour savourer ce dessin animé interdit, dont il n’avait jamais manqué un épisode malgré les avertissements stricts ?

  • « Ce n’est point une distraction convenable pour un marmot de ton âge ! Attends d’atteindre tes seize printemps, point davantage ! Deux années seulement, et la patience te grandira ! » avait tonné son père la veille, en le foudroyant du regard.

Mais Timmy, du haut de ses douze ans, avait soutenu cet échange d’yeux farouches. Son père avait quitté la pièce, non sans lui presser l’épaule si fort qu’un bleu sombre y était resté, comme une signature de sa colère.

L’épisode numéro onze débuta.

La caméra, tremblotante comme si elle était tenue par une main spectrale, survolait un champ de maïs doré, aux tiges hautes et frémissantes sous un vent d’automne. La lumière du crépuscule teintait la scène d’un orange profond, et dans ce décor pittoresque se détachait une silhouette sombre. Un épouvantail, vêtu de haillons sordides, avançait lentement entre les rangées, ses pas lourds écrasant les épis tombés à terre. Son visage, un sac grossièrement cousu, était orné de deux trous béants en guise d’yeux et d’un sourire cousu de fil noir.

L’image se déplaça vers une ferme en bois délabrée, rongée par le temps et les intempéries. Le fermier, un vieillard vouté à la barbe blanche effilochée et au visage ridé comme une vieille pomme, sortit en trébuchant sur le perron. Ses yeux exorbitaient de terreur lorsqu’il aperçut l’épouvantail approchant.

  • « Ô miséricorde céleste ! À l’aide ! À l’aide ! Que l’on sauve mon pauvre corps avant qu’il ne soit perdu ! » hurla-t-il d’une voix tremblante.

L’épouvantail, implacable, leva une main noueuse, tenant une faux rouillée dont la lame scintillait sous les derniers rayons du soleil. D’un mouvement brusque, il abattit son arme. Le cri de l’homme s’étouffa net, et une gerbe de sang éclaboussa le sol poussiéreux.

Mais avant que Timmy ne puisse voir le fermier s’effondrer, l’écran devint noir.

La couverture vola dans les airs, arrachée par une main robuste. Son père se tenait là, imposant dans sa chemise de lin sale et son pantalon usé, les sourcils froncés comme deux tempêtes prêtes à éclater.

  • « Maudit soit ton entêtement, garnement ! Je t’avais défendu de pareille folie ! » gronda-t-il avant de lui asséner deux gifles qui laissèrent ses joues en feu. La télévision fut débranchée sans cérémonie et portée au garage, où elle serait enfermée comme un trésor interdit.

Revenant auprès de son fils, il posa un genou à terre, ses yeux sombres plongeant dans ceux, embués de larmes, du garçon.
« Écoute bien mes paroles : à tes seize ans révolus, si tu respectes les règles comme un bon chrétien, cette télévision te sera rendue. Mais jusqu’à ce jour, elle restera là où tu ne pourras l’atteindre. »

Le silence retomba, pesant comme une chape de plomb. Dehors, les aboiements des chiens se mêlaient au bêlement lointain des brebis, mais dans l’esprit de Timmy, seul résonnait le claquement de la faux et le regard vide de l’épouvantail.

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