Chapitre 3

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Chapitre 3 : La Vérité ou la Mort

Le soleil s’effaçait lentement derrière les collines, enveloppant la campagne d’un crépuscule orangé. Dans la maison de Timmy, les six amis, assis en cercle autour d’une table encombrée, riaient aux éclats en jouant à un jeu de devinettes improvisé. La lumière tamisée d’une vieille lampe projetait leurs ombres sur les murs, ajoutant une teinte presque spectrale à cette soirée pourtant joyeuse.

Emy, le visage rouge d’efforts et de rire, mimait une scène exagérée au milieu de la pièce. Ses bras battaient l’air comme des ailes, et ses boucles dorées se hérissaient sous l’effet de ses mouvements désordonnés.

« Une poule ? » hasarda Gracie, toujours la première à se moquer doucement des efforts d’Emy, mais avec ce sourire en coin qui trahissait son affection.

« Non, non ! » s’écria Emy en redoublant d’énergie. « Une poule… qui panique ! »

Horor, secoué d’un rire incontrôlable, pointa un doigt vers elle. « Une poule qui découvre qu’elle est le dîner ! »

Le salon explosa de rires, si bruyants qu’Henry, accoudé contre la fenêtre, sursauta légèrement. Ses lèvres esquissèrent un mince sourire, mais il ne détourna pas les yeux de la nuit tombante. Les champs de maïs au-dehors se balançaient sous une brise légère, comme une mer dorée frissonnant dans le noir.

Après plusieurs tours de jeu, la petite troupe décida de faire une pause pour goûter. Autour de la table, les restes d’un gâteau de la veille furent rapidement engloutis, accompagnés de tasses de thé fumantes. Clement, silencieux jusqu’ici, tira doucement une chaise pour s’asseoir à côté de Timmy. Ses joues pâles prenaient une teinte rosée sous la lumière douce.

Emy, toujours taquine, ne laissa pas passer l’occasion : « Alors, Clement ? Encore collé à Timmy ? Tu comptes l’adopter ou quoi ? »

Le jeune homme rougit violemment, baissant les yeux vers sa tasse. Ses doigts, crispés autour du bord, tremblaient légèrement. Timmy, pris au dépourvu, rit nerveusement, mais il sentit une gêne inexplicable grandir en lui. Pourquoi Clement réagissait-il ainsi ? L’échange flotta quelques instants dans l’air, avant que la conversation ne se détourne vers d’autres sujets.

Quand la nuit fut bien installée, les six amis se rassemblèrent autour de la télévision pour regarder le premier épisode de L’Épouvantail. L’atmosphère s’était transformée, les rires avaient laissé place à une tension presque palpable. Timmy inséra le disque dans le lecteur, et bientôt, l’écran scintilla, projetant des images tremblantes et inquiétantes.

Dès les premières secondes, le générique les plongea dans un autre monde. Les champs de maïs, illuminés par une lune éclatante, semblaient s’étendre à l’infini. L’épouvantail apparut alors, une silhouette sombre et imposante au milieu des tiges frissonnantes. Ses mouvements étaient saccadés, mais empreints d’une étrange fluidité, comme une marionnette guidée par une main invisible.

Puis il parla.

Sa voix grave et rauque s’éleva, brisant le silence oppressant. Ce n’était pas un simple monstre. C’était une figure hantée par son propre passé.

« Je suis né ici, dans ces champs. J’ai travaillé, aimé, pleuré… jusqu’au jour où ils ont décidé que j’étais de trop. »

La caméra montra une scène de flashback : un groupe de fermiers, leurs visages dissimulés sous des chapeaux usés, conduisant un homme enchaîné vers un poteau planté au milieu d’un champ. La lune baignait la scène d’une lumière froide.

« C’étaient mes voisins, mes amis, ma famille. Ils m’ont pendu. Pour leurs péchés, ils m’ont accusé, et leur justice m’a trahi. »

Dans l’animation, l’homme, toujours vivant, fut ligoté au poteau. Les fermiers murmurèrent des prières, mais leurs voix tremblaient de peur. L’un d’eux s’approcha, portant une faux brillante.

« La malédiction est née ce jour-là. Leur peur m’a lié à ce sol. Et maintenant, à chaque saison de moisson, je reviens réclamer ce qui m’est dû. »

La caméra revint au présent. L’épouvantail marchait à travers un village désert, chantant une mélodie lugubre :

« C’est l’épouvantail, né de la trahison,
Maudit pour l’éternité, je suis leur rançon.
Quand la lune saigne, je reviens toujours,
Pour leur rappeler leur dernier jour. »

Il s’arrêta devant une petite maison, ses volets usés fermés à double tour. Il leva sa main noueuse et frappa trois fois.

Toc. Toc. Toc.

De l’intérieur, une voix tremblante demanda : « Qui… qui est là ? »

Un silence glacial suivit, avant que l’épouvantail ne réponde avec une lenteur insupportable :
« La vérité ou la mort ? »

La porte s’entrouvrit, mais avant qu’un cri ne puisse éclater, la faux s’abattit avec une précision effrayante.

« La mort alors, » murmura-t-il d’un ton presque satisfait.

Dans le salon, le silence était total. Les six amis fixaient l’écran, fascinés et horrifiés à la fois. Timmy sentit un frisson lui parcourir l’échine. Quelque chose dans cet épisode le troublait profondément. Les maisons, les chemins, même les champs de maïs… tout ressemblait à son propre village.

« Vous trouvez pas que… ça ressemble trop à chez nous ? » murmura-t-il, la gorge sèche.

Emy éclata de rire, rompant l’atmosphère lourde. « Timmy, sérieux ? C’est juste un décor comme les autres ! »

Horor renchérit, hilare : « Tu vas voir, l’épouvantail va frapper chez toi cette nuit ! »

Les autres rirent, mais Timmy se renfrogna. Il baissa la tête, regrettant d’avoir parlé. Seul Clement resta silencieux. Quand les autres détournèrent leur attention, il posa une main hésitante sur l’épaule de Timmy.

« Je te crois, » murmura-t-il, son regard sérieux contrastant avec le ton moqueur des autres. « Peut-être que ce n’est qu’un hasard… mais peut-être pas. »

Ces mots, bien qu’apaisants, ne dissipèrent pas les doutes de Timmy. Toute la soirée, son regard dérivait sans cesse vers la fenêtre. Dehors, les champs de maïs frémissaient sous le vent. Puis, il la vit. Une silhouette sombre, immobile entre les rangées. Elle semblait les fixer.

Il cligna des yeux. La silhouette avait disparu.

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