Chapitre 4
La nuit enveloppait le village d’une obscurité dense, seulement brisée par la lumière argentée de la lune. Timmy, debout près de la fenêtre, observait les champs de maïs qui s’étendaient comme une mer agitée sous le vent. Ses bras croisés trahissaient une nervosité qu’il n’arrivait pas à dissiper. Le silence pesant de la campagne semblait amplifié par les souvenirs encore frais de l’épisode de L’Épouvantail.
Dans son esprit, l’image de cette silhouette sombre et menaçante restait gravée, se mêlant à ce qu’il croyait avoir vu plus tôt. Une ombre immobile dans les champs. Était-ce réel ? Était-ce son imagination ? Une sueur froide perlait sur sa nuque, malgré la fraîcheur de la pièce.
Clement, assis dans le salon, n’avait pas détourné son regard de Timmy. Il pouvait lire l’inquiétude sur son visage, dans la tension de ses épaules et la manière dont ses doigts se crispaient contre le bord de la fenêtre. Après quelques secondes d’hésitation, il posa son verre sur la table et se leva.
« Je vais voir comment il va, » murmura-t-il en direction d’Emy, qui haussa un sourcil avant de hausser les épaules.
« Fais comme tu veux, mais si tu commences à flipper aussi, je ne serai pas là pour te rassurer, » lança-t-elle avec un sourire narquois.
Clement ne répondit pas. Il s’approcha de Timmy et posa une main hésitante sur son épaule. Timmy sursauta légèrement avant de se retourner, visiblement soulagé de voir son ami.
« Tu es sûr que ça va ? » demanda Clement, sa voix basse empreinte d’une inquiétude sincère.
Timmy hocha la tête, mais ses yeux continuaient de scruter l’obscurité au-dehors. « Je ne sais pas… J’ai l’impression qu’il y a quelque chose, là-bas. »
Clement jeta un coup d’œil à travers la fenêtre. Les rangées de maïs se balançaient doucement sous le vent, créant un mouvement hypnotique. Rien ne semblait sortir de l’ordinaire, et pourtant, une étrange sensation de malaise commençait à grandir en lui.
« Tu veux qu’on aille voir ? » proposa-t-il, brisant le silence.
Timmy hésita un instant. « Tu crois ? »
Clement haussa les épaules. « Peut-être que ça te rassurera. »
Quelques minutes plus tard, les deux garçons sortirent dans la nuit. Le froid les enveloppa aussitôt, et leurs pas résonnèrent sur le chemin de terre, brisant la quiétude pesante. Timmy serrait les pans de son manteau contre lui, tandis que Clement marchait à ses côtés, les mains enfoncées dans ses poches. Le silence, entrecoupé par le bruissement du maïs, était presque oppressant.
Leurs chaussures écrasaient les graviers avec un rythme régulier. Au bout de quelques mètres, Clement chuchota : « Tu vois quelque chose ? »
Timmy secoua la tête. « Non… rien. » Mais son regard restait rivé sur les champs, cherchant désespérément un signe, une explication à cette angoisse qui le rongeait.
Ils continuaient d’avancer, leurs silhouettes se découpant sous la lumière lunaire. Et puis, Timmy s’arrêta net, son bras tendu pour retenir Clement.
« Là. Regarde. »
Entre les rangées de maïs, à une trentaine de mètres, une forme sombre se dessinait. Un épouvantail. Ses bras décharnés se dressaient dans un angle étrange, ses haillons déchirés flottant légèrement sous l’effet du vent. Mais ce n’était pas cela qui glaça le sang de Timmy.
L’épouvantail semblait… bouger.
Son bras gauche, jusque-là immobile, se leva lentement, comme tiré par un fil invisible. La posture, bien qu’infime, dégageait une menace sourde. Clement recula d’un pas, sa main agrippant instinctivement le poignet de Timmy.
« On… on devrait partir, » murmura-t-il, sa voix tremblante.
Timmy ne répondit pas, son regard figé sur l’épouvantail. Puis, comme si la terreur avait soudainement libéré leurs jambes, les deux garçons tournèrent les talons et se mirent à courir. Leurs pas précipités écrasaient le gravier, résonnant comme des tambours dans le silence nocturne. Le souffle court, Timmy sentait son cœur battre à tout rompre dans sa poitrine.
Lorsqu’ils atteignirent enfin la maison, ils s’engouffrèrent à l’intérieur, leurs visages pâles et leurs corps tremblants. Les autres les fixaient, interdits.
« Vous êtes devenus fous ou quoi ? » lança Gracie, levant un sourcil interrogateur.
Horor ajouta, amusé : « Qu’est-ce qui vous a fait peur ? Un lapin sauvage ? »
Timmy ouvrit la bouche, mais aucun son n’en sortit. Clement, lui, se contenta de s’asseoir, ses mains tremblant encore légèrement. Il n’y avait rien à dire. Rien qui ne sonnerait pas ridicule.
Mais dans l’esprit de Timmy, cette image restait gravée. L’épouvantail, au milieu des rangées de maïs, levant lentement son bras comme pour les saluer.
Ou les avertir.
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