Chapitre 5

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Le soleil déclinait lentement, teintant le ciel d’un mélange de pourpre et d’or, mais à l’intérieur de la maison, les amis s’installaient dans l’obscurité du salon. Les rideaux tirés laissaient filtrer quelques rayons de lumière mourante, projetant des ombres mouvantes sur les murs. Timmy et Clement s’assirent côte à côte, toujours hantés par les événements de la veille. Le silence entre eux était lourd, presque palpable.

« Prêts pour un nouvel épisode ? » lança Emy, brisant l’atmosphère avec un enthousiasme feint.

Sans attendre de réponse, elle attrapa la télécommande, impatiente. Timmy inséra le disque dans le lecteur, et l’écran scintilla, projetant une lumière vacillante dans la pièce. Le générique débuta, ses violons stridents s’élevant dans une mélodie oppressante, entrecoupée de battements graves, comme un écho lointain de tambours funèbres.

L’épisode s’ouvrit sur un village abandonné, envahi par la végétation. Les maisons de bois, noircies par le temps, semblaient prêtes à s’effondrer, leurs fenêtres brisées offrant des reflets sinistres sous la lumière blafarde de la lune. Des cordes usées pendaient d’un grand poteau au centre de la place, comme les vestiges d’une exécution oubliée. Une charrette renversée bloquait une ruelle, son bois vermoulu grouillant de termites.

La caméra se déplaça lentement, capturant chaque détail du décor avant de s’arrêter sur une silhouette au loin : l’épouvantail.

Il se tenait immobile au milieu des rangées de maïs, son visage cousu fixé sur le village. Ses haillons flottaient doucement sous la brise, et ses bras noueux, tendus vers l’avant, donnaient l’impression qu’il allait avancer à tout moment. Soudain, une mélodie étrange s’éleva.

Jouée sur un instrument indéfinissable, mi-flûte, mi-vielle à roue, elle portait une lenteur dissonante qui semblait peser sur l’air lui-même. Chaque note résonnait comme un avertissement, une lamentation chargée de colère. Puis une voix grave et traînante s’ajouta à la musique :

« Une fois pendu,
Dans le vent suspendu.
Tranché par des lâches,
Dans le sang je me venge. »

La caméra bascula brusquement sur une scène de flashback. Sous un ciel menaçant, un groupe de fermiers entourait un homme ligoté à un poteau au centre d’un champ. La caméra montra son visage brièvement : jeune, dur, mais terrifié. L’homme criait, ses appels à l’aide se perdant dans le vent.

« Ils m’ont accusé, » murmura la voix de l’épouvantail en voix off. « D’avoir volé leurs récoltes, d’avoir détruit leurs champs. Mais c’étaient leurs propres péchés qui les rongeaient, leurs propres actes qui avaient appelé la faim. »

La caméra se rapprocha du visage des fermiers. Aucun n’osait regarder directement l’homme attaché. Leurs expressions étaient une mosaïque de culpabilité et de peur. L’un d’eux s’avança, tenant une faux entre ses mains. La lame, rouillée mais tranchante, scintilla sous un éclair.

« Ils ont brisé ma vie pour couvrir leurs crimes. Mais la terre, elle, n’oublie jamais. »

Le fermier leva la faux, et dans un éclair brutal, la lame trancha les cordes qui retenaient l’homme au poteau. Mais au lieu de tomber, son corps fut absorbé par le sol, comme si la terre elle-même l’avait réclamé.

« Ils pensaient se débarrasser de moi. Mais ils m’ont lié à leurs champs, à leur peur, à leur sang. »

De retour dans le présent, l’épouvantail avançait lentement à travers le village. Chaque pas était lourd, mécanique, mais portait une intention glaçante. Ses yeux de boutons noirs semblaient briller dans l’obscurité, suivant chaque recoin des ruelles désertées. La musique, plus rapide maintenant, accompagnait ses mouvements, chaque note semblant frapper comme un marteau.

La caméra suivit son avancée jusqu’à une vieille grange en périphérie du village. À l’intérieur, un groupe de villageois terrifiés s’était réfugié. Leurs visages, éclairés par la lumière vacillante de quelques bougies, étaient marqués par la peur. Un vieillard, au visage creusé par les années, murmura : « Nous avons essayé de l’arrêter. Nous avons prié. Mais il revient. Toujours. »

La mélodie s’intensifia alors que l’épouvantail atteignait la porte. Il leva un bras noueux, ses doigts griffus semblant caresser le bois avant de frapper trois fois, d’un coup sec et puissant.

Toc. Toc. Toc.

Les villageois retinrent leur souffle. Un murmure traversa leurs rangs.

« Il sait. Il sait qu’on est là. »

Soudain, la porte s’ouvrit brusquement, et l’épouvantail entra. La lumière de la lune illumina son visage cousu, son sourire grotesque figé dans une expression de triomphe. La caméra montra des plans rapides et tremblants : les visages horrifiés des villageois, des bougies renversées, des ombres dansantes sur les murs.

Puis tout devint noir.

Dans le salon, l’épisode se termina brutalement. Le silence régnait, oppressant. Timmy se redressa lentement, son cœur battant à tout rompre. Ses mains étaient moites, tremblantes, et son esprit semblait incapable de se détacher de l’image de l’épouvantail. Il n’était plus une simple figure terrifiante dans une série animée. Il avait une histoire, une raison, et cela le rendait bien plus réel.

« Eh bien, » murmura Emy, brisant finalement le silence. « C’était… quelque chose. »

Horor hocha la tête, visiblement mal à l’aise. « C’est quoi leur problème avec cette série ? C’est plus que flippant, c’est… glauque. »

Mais Timmy et Clement échangèrent un regard. Ils savaient que ce n’était pas seulement l’épisode qui les troublait. Ce qu’ils avaient vu la veille, dans les champs, semblait maintenant plus lié que jamais à cette légende. Pourtant, aucun des deux n’osa en parler.

Dans l’obscurité de son esprit, Timmy ne cessait de voir cette lame rouillée, scintillant sous la lumière, et ce corps, avalé par la terre.

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