Chapitre 10
Timmy s’assit à son bureau, entouré d’un chaos organisé de cahiers, de stylos éparpillés, et d’une tasse de café à moitié vide. La lumière naturelle pénétrait faiblement à travers les rideaux à moitié tirés, éclairant juste assez la pièce pour qu’il puisse lire sans allumer sa lampe. Il s’efforçait de se concentrer sur ses devoirs, mais l’image de la silhouette qu’il avait aperçue la veille dans les champs le hantait encore. Même lorsqu’il baissait les yeux sur les lignes de son cahier, ses pensées s’égaraient, le ramenant à cette vision troublante.
Il inspira profondément, se parlant à lui-même pour tenter de retrouver un semblant de calme. « Ce n’était rien, juste une ombre, » murmura-t-il, comme pour se persuader. Pourtant, l’anxiété lui nouait toujours l’estomac. Chaque fois qu’il entendait le bruissement des champs au loin, même à travers les fenêtres fermées, il ne pouvait s’empêcher de se demander si quelque chose l’observait. Il secoua la tête, forçant ses pensées à revenir sur le sujet de sa dissertation.
Il tenta de s’y plonger à nouveau, lisant les consignes avec attention. Le sujet était plutôt classique : « Analysez la manière dont le lieu influence les actions des personnages dans un récit. » Cela aurait dû être simple, mais à chaque phrase qu’il écrivait, il ne pouvait s’empêcher de faire un lien avec sa propre situation. Il inscrivit :
« Le décor peut devenir un personnage à part entière dans une histoire, oppressant ou soutenant les protagonistes. Il agit souvent comme un miroir de leurs émotions, reflétant leurs peurs ou leurs aspirations. »
Cette phrase, bien qu’analytique, résonnait étrangement en lui. Ces champs, cette maison, ce silence… Tout dans cet environnement semblait peser sur lui, amplifiant ses doutes et ses peurs. Frustré, il posa son stylo, passa une main sur son visage et se recula dans son fauteuil. Il avait besoin de penser à autre chose.
Son téléphone vibra brusquement sur le bureau, attirant son attention. Une notification apparut :
"Appel vidéo ? On est tous là, rejoins-nous !"
Il hésita un instant, son regard passant du téléphone à la fenêtre. Une part de lui voulait ignorer l’invitation, rester dans son isolement. Mais la solitude commençait à peser lourd, et l’idée de parler avec ses amis était trop tentante pour être ignorée. Il appuya sur le bouton pour rejoindre l’appel.
L’écran s’alluma, révélant les visages familiers de ses amis. Emy, comme toujours, fut la première à parler. Son sourire éclatant et sa manière directe de s’exprimer étaient presque rassurants.
« Enfin, tu te manifestes, » lança-t-elle, une tasse de thé fumante à la main. « J’ai cru que t’étais devenu un ermite ou que t’avais été avalé par tes champs de maïs. »
Horor apparut ensuite, allongé nonchalamment sur son lit, un bol de chips posé sur son ventre. Il bâilla bruyamment avant de répliquer : « Sérieux, Timmy, t’étais où ? On a failli envoyer une expédition de secours. »
Timmy esquissa un sourire, un peu forcé, mais il était reconnaissant pour leur bonne humeur. « Je suis là, c’est bon, » répondit-il en haussant les épaules. « J’ai juste essayé de bosser sur mes devoirs. »
Gracie rejoignit l’appel à son tour, les cheveux attachés en une queue de cheval désordonnée. Elle plissa les yeux, une expression sceptique sur le visage. « Sérieusement ? Ça fait des jours qu’on dirait que t’es enfermé dans une maison hantée. T’as pas encore viré fou avec toutes ces histoires d’épouvantails ? »
Clement, silencieux jusque-là, se pencha légèrement vers l’écran, son regard sérieux posé sur Timmy. « Tu vas bien ? T’as l’air… fatigué. »
Timmy soupira doucement, cherchant les mots pour minimiser la situation sans trop mentir. « Ouais, je vais bien. J’ai juste mal dormi, c’est tout. Rien de spécial. »
Emy, fidèle à elle-même, frappa dans ses mains pour attirer l’attention de tout le monde. « Bon, écoutez, on a eu une idée de génie. On va en ville demain, histoire de se changer les idées. Timmy, tu viens avec nous. »
Timmy haussa un sourcil, surpris par la proposition. « En ville ? Vous êtes sérieux ? C’est pas un peu loin juste pour une virée ? »
Horor, qui avait déjà vidé la moitié de son bol de chips, roula des yeux. « Justement, mec. Ça te fera du bien de sortir de ta maison isolée et de voir autre chose que des champs. Je parie que tu dors avec ta télé allumée à force de regarder cette série chelou. »
Gracie acquiesça, un sourire en coin. « Et puis, soyons honnêtes, on a tous besoin de souffler un peu. Ça fait trop longtemps qu’on est coincés ici. On pourra manger un bon truc, faire un peu de shopping… et peut-être trouver des réponses à cette obsession que tu sembles avoir avec ta série. »
Timmy hésita. L’idée était tentante, mais une part de lui se demandait si c’était vraiment une bonne idée de partir si loin. Cependant, la perspective de quitter l’atmosphère oppressante de la maison et des champs commençait à peser plus lourd que ses doutes.
Clement, toujours calme et attentif, intervint d’une voix douce. « Tu devrais venir. Honnêtement, ça te fera du bien de prendre un peu d’air et de te changer les idées. »
Ces mots achevèrent de le convaincre. Timmy hocha lentement la tête. « D’accord. À quelle heure on part ? »
Ils discutèrent des détails pendant quelques minutes. Le plan semblait simple : se retrouver tôt dans la matinée pour éviter les embouteillages, passer la journée à flâner en ville, et rentrer avant la tombée de la nuit. Malgré son appréhension, Timmy sentit une certaine excitation monter en lui. Cela faisait des semaines qu’il n’avait pas quitté les environs de la maison, et l’idée de revoir un environnement urbain le réconfortait.
Quand ils raccrochèrent, Timmy posa son téléphone et se laissa tomber en arrière sur son lit. Son regard se perdit un instant sur le plafond, puis il tourna la tête vers la fenêtre. La lumière de la lune illuminait faiblement les champs, qui semblaient toujours aussi infinis. Une part de lui redoutait ce qu’il pourrait trouver en revenant. Mais pour l’instant, il se focalisa sur l’idée du lendemain. Une pause. Une chance de se détacher de cette aura pesante qui le suivait partout.
Il se redressa, éteignit la lampe de chevet, et murmura pour lui-même :
« Demain, je prends une pause. Enfin. »
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