Chapitre 11

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Le lendemain matin, Timmy se leva plus tôt que d’habitude. Il avait mal dormi, hanté par des pensées obsédantes sur la silhouette aperçue dans les champs et les sombres découvertes faites à travers L’Épouvantail. Il se força à enfiler des vêtements propres et à se préparer rapidement, espérant que cette escapade en ville lui permettrait de retrouver un semblant de normalité. Le ronronnement de la vieille voiture de la mère d’Emy l’alerta que ses amis étaient arrivés. Avec un soupir de soulagement mêlé d’appréhension, il sortit de la maison, son sac sur l’épaule.

La voiture était un véritable chaos ambulant. Des emballages de snacks jonchaient le sol, la radio grésillait, et l’énergie débordante d’Emy remplissait l’habitacle. Timmy prit place à l’arrière, à côté de Clement, tandis qu’Horor et Gracie s’installaient à l’avant.

« Allez, tout le monde prêt ? » s’exclama Emy en démarrant. « Timmy, tu vas enfin respirer un peu autre chose que l’air des champs. Tu nous remercieras plus tard. »

Timmy esquissa un sourire, bien qu’il ne partageât pas son enthousiasme. « Merci pour l’effort, mais j’espère que ça vaut vraiment le coup. »

Horor se tourna vers lui, un grand sourire moqueur aux lèvres. « Sérieusement, mec. Tu deviens flippant. Entre ta maison isolée et ta série chelou, t’es à deux doigts de te transformer en ermite. »

Gracie rit doucement, croisant les bras. « Ça ou un gars qui va écrire un livre sur comment il a survécu à un épouvantail démoniaque. »

Clement, toujours attentif, glissa un regard en direction de Timmy. « Laissez-le tranquille. On a tous nos obsessions. Au moins, la sienne ne consiste pas à jouer à des jeux vidéo débiles toute la journée. »

Horor éclata de rire, se retournant pour répondre. « Toi, t’es jaloux parce que je te bats à chaque fois. Avoue. »

Alors que la voiture roulait sur des routes sinueuses bordées de champs et de bois, l’ambiance se détendit peu à peu. Emy chantait à tue-tête avec la radio, même lorsqu’elle ne connaissait pas les paroles, et Horor l’accompagnait en frappant un rythme désordonné sur le tableau de bord. Gracie, les écouteurs vissés dans les oreilles, secouait doucement la tête, oscillant entre amusement et exaspération. Timmy, quant à lui, restait silencieux, son regard perdu à travers la fenêtre.

Les rangées de maïs semblaient s’étendre à l’infini, créant une mer dorée balayée par le vent. Pourtant, chaque fois qu’il regardait, il avait l’impression que quelque chose bougeait dans son champ de vision. Une silhouette ? Non, sûrement pas. Il secoua la tête, cherchant à chasser cette idée.

Clement, qui avait remarqué son malaise, se pencha légèrement vers lui. « Tu vas bien ? »

Timmy hocha la tête, hésitant avant de répondre. « Oui, ça va. J’ai juste… besoin de voir autre chose que ces champs. »

« Alors tu vas adorer la ville, » répondit Clement avec un sourire rassurant. « Promis, on ne te laissera pas retourner dans ta bulle aujourd’hui. »

Alors qu’ils roulaient sur une portion isolée de route entourée de champs, la voiture ralentit soudainement. Emy fronça les sourcils et donna un petit coup sur le volant.
« Non, non, non. Pas maintenant ! » grogna-t-elle.

La voiture s’arrêta complètement, laissant les passagers dans un silence gênant. Horor, toujours optimiste, descendit du véhicule. « Pas de panique, les gars. Je vais voir ce qui cloche. »

Timmy, resté à l’intérieur, sentit une tension monter. Le vent s’était levé, faisant bruisser les champs de maïs tout autour d’eux. Ce son, habituellement apaisant, semblait étrangement amplifié, presque inquiétant. Il tourna la tête vers Clement, qui scrutait les environs avec une certaine nervosité.

Gracie brisa le silence en regardant par la fenêtre. « Génial. Coincés au milieu de nulle part. C’est tellement… cliché. »

Emy, les mains toujours sur le volant, soupira. « Je suis désolée, les gars. J’ai fait réviser cette bagnole il y a deux semaines. Elle devrait rouler. »

« T’inquiète, » lança Horor en ouvrant le capot. « C’est probablement rien. »

Mais tandis que les minutes passaient, Timmy sentait son angoisse grandir. Le bruit du vent semblait se transformer en murmures, comme si des voix indistinctes s’élevaient des champs. Il fixa les rangées de maïs, et son cœur s’accéléra. Au loin, il crut apercevoir une ombre, immobile, au milieu des tiges.

Clement remarqua son regard fixe. « Timmy ? Qu’est-ce qu’il y a ? »

Timmy détourna rapidement les yeux, secouant la tête. « Rien. Juste… le vent, je suppose. »

Horor referma finalement le capot, un sourire satisfait sur le visage. « Bon, c’était pas grand-chose. Une connexion mal fixée. On peut repartir. »

Mais lorsque la voiture redémarra, l’ambiance avait changé. Le rire léger et les blagues semblaient s’être évaporés, remplacés par une nervosité palpable. Timmy resta silencieux, le regard fixé sur la route, tandis que la silhouette dans les champs continuait de hanter ses pensées.

La ville, bien que modeste, était un contraste bienvenu après l’atmosphère pesante de la campagne. Les rues étaient animées, bordées de petites boutiques et de cafés bondés. Emy insista pour s’arrêter dans un fast-food local, où ils partagèrent des burgers et des frites, retrouvant peu à peu leur bonne humeur. Mais alors que le groupe déambulait dans les rues, une vitrine attira l’attention de Timmy : une librairie d’occasion.

« Hé, je vais jeter un œil, » dit-il en s’écartant légèrement des autres.

Clement, curieux, le suivit. À l’intérieur, l’air était chargé d’une odeur de papier ancien. Les étagères croulaient sous le poids des livres, et Timmy parcourut les rayonnages jusqu’à tomber sur un exemplaire poussiéreux intitulé "Chroniques des terres maudites." En le feuilletant, il trouva un passage décrivant un fermier accusé de sorcellerie par son village. Les détails étaient troublants : des récoltes abondantes, des accusations de malédiction, et une mort atroce au milieu d’un champ.

Clement, observant par-dessus son épaule, fronça les sourcils. « Ça ressemble à ta série, non ? »

Timmy hocha la tête, le cœur battant. « Oui… ça ressemble trop. »

Avant qu’ils ne puissent approfondir leur lecture, Emy apparut dans l’encadrement de la porte. « Hé, les Sherlock Holmes, vous comptez passer la journée ici ? Allez, on bouge ! »

Sur le chemin du retour, la voiture roulait en silence. Timmy, assis à l’arrière, feuilletait mentalement les pages qu’il avait vues dans le livre. Était-ce une simple coïncidence, ou y avait-il un véritable lien entre la série, la légende, et ce qu’il vivait ? Les champs de maïs, à nouveau omniprésents autour d’eux, semblaient plus menaçants que jamais. Et cette fois, même Clement gardait un regard inquiet sur l’horizon.

Lorsque Timmy rentra chez lui, il se sentit à nouveau oppressé par le silence et l’isolement de la maison. Il savait qu’il n’était pas seul. Quelque chose, quelque part, continuait de l’observer.

Le soir venu, Timmy s’était réfugié dans sa chambre, espérant retrouver un peu de tranquillité après cette journée chargée. Mais l’atmosphère de la maison restait pesante, et chaque bruissement du vent à travers les champs semblait le ramener à ses préoccupations. Alors qu’il était sur le point de se forcer à lire un livre pour se changer les idées, son téléphone vibra. Un appel vidéo de Clement s’afficha sur l’écran.

Il hésita brièvement avant de décrocher. Clement apparut à l’écran, l’air légèrement excité, sa chambre faiblement éclairée par la lumière d’une lampe de chevet.
« Hé, désolé de te déranger si tard, » commença-t-il. « Mais je voulais te parler d’un truc que j’ai découvert en rentrant. Ça concerne L’Épouvantail. »

Timmy redressa légèrement la tête, intrigué. « Qu’est-ce que t’as trouvé ? »

Clement ajusta la caméra, son visage devenant plus sérieux. « J’ai lu sur un forum que les créateurs de la série prévoient de sortir une série de bandes dessinées. Et apparemment, elles vont raconter plus en détail l’histoire du fermier qui a été brûlé… et comment il est devenu l’épouvantail. »

Timmy fronça les sourcils, son attention désormais entièrement captée. « Plus de détails ? Tu veux dire qu’ils vont approfondir son passé ? »

Clement hocha la tête. « Oui. Ils veulent explorer ce qui s’est vraiment passé avec ce fermier avant qu’il soit accusé de sorcellerie et exécuté. Genre, pourquoi ses champs étaient les seuls à prospérer alors que tout le reste mourait. Il y aurait aussi des histoires sur ce qui s’est passé après sa mort, comme le moment où il a commencé à apparaître sous la forme de l’épouvantail. »

Timmy sentit un frisson lui parcourir l’échine. L’idée que ces bandes dessinées puissent éclairer davantage l’origine de cette figure macabre était à la fois fascinante et dérangeante. « Et ils ont dit ce qu’on y verrait exactement ? »

Clement consulta rapidement son téléphone, puis continua. « Pas beaucoup de détails pour l’instant, mais il y aurait des flashbacks montrant comment le fermier était rejeté par les habitants du village, comment ils l’ont accusé sans preuve, et comment il a essayé de se défendre jusqu’à la dernière seconde. Après ça, ils veulent explorer ce qui s’est passé entre le moment où il a été brûlé et le moment où il est revenu comme épouvantail. C’est là que ça devient intéressant. Ils parlent de quelque chose comme… un pacte. »

Timmy arqua un sourcil. « Un pacte ? Avec qui ? »

« Je sais pas encore, » avoua Clement. « Mais apparemment, ce serait une sorte d’entité qui lui aurait donné le pouvoir de revenir, à condition qu’il accomplisse une mission spécifique. »

Le silence s’installa un instant entre eux. Timmy réfléchissait à toute vitesse. Cette idée de pacte ajoutait une nouvelle dimension à l’histoire. Cela signifiait que l’épouvantail n’agissait peut-être pas uniquement par vengeance, mais qu’il était lié à une force plus grande, peut-être même incontrôlable. Les pièces du puzzle qu’il tentait de rassembler dans son esprit devenaient de plus en plus complexes.

« Et les bandes dessinées, elles sortent quand ? » demanda-t-il finalement.

« Le premier volume est prévu pour le mois prochain, » répondit Clement. « Les autres viendront après, mais ils promettent déjà que les lecteurs découvriront des choses que la série n’a jamais montrées. »

Timmy hocha lentement la tête, mais son esprit restait en ébullition. Si ces nouvelles histoires exploraient davantage l’origine de l’épouvantail, cela signifiait peut-être qu’il y avait encore beaucoup de choses qu’il ignorait. Des choses qui pourraient expliquer pourquoi cette série semblait s’immiscer si profondément dans sa vie. Était-il simplement obsédé par un récit bien ficelé, ou était-ce plus que ça ?

Clement, remarquant son silence prolongé, tenta de le rassurer. « Hé, c’est peut-être une bonne chose, tu sais. Si ça te fascine autant, ça veut dire que ça t’aidera à comprendre. Peut-être même à tourner la page sur ce truc qui te travaille. »

Timmy esquissa un sourire, mais il n’était pas convaincu. Chaque fois qu’il apprenait quelque chose de nouveau sur L’Épouvantail, cela semblait au contraire approfondir le mystère, plutôt que d’y répondre. Et cette mention d’un pacte… cela lui donnait l’impression que cette histoire était bien plus sombre et complexe qu’il ne l’avait imaginé.

Après avoir raccroché, Timmy posa son téléphone sur son bureau et se laissa tomber sur son lit, fixant le plafond. Il savait qu’il ne trouverait pas le sommeil facilement cette nuit-là. Les questions continuaient de tourner dans sa tête : pourquoi cette série le hantait-elle à ce point ? Et surtout, si le fermier avait vraiment conclu un pacte, avec quoi ou avec qui cela pouvait-il être ?

Son regard se tourna vers la fenêtre, où les champs de maïs baignés par la lumière de la lune semblaient plus menaçants que jamais. L’épouvantail… Était-il juste un personnage de fiction, ou le messager d’une vérité oubliée ?

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